Monaco-Matin

Condamné pour viol du secret de la correspond­ance

- JEAN-MARIE FIORUCCI

Le respect de la vie privée est un droit fondamenta­l. Le tribunal correction­nel vient de le confirmer avec fermeté. Dans cette affaire, le prévenu a accédé aux informatio­ns personnell­es de sa conjointe de manière frauduleus­e, avec l’intention de violer le secret de la correspond­ance pour trouver certains documents et de les divulguer dans le cadre d’une procédure judiciaire. Dans le cas d’un ordinateur commun au couple, comme dans l’affaire qui nous intéresse, il est fréquent que les identifian­ts de messagerie ou de sites de réseaux sociaux restent actifs. Habituelle­ment, quand un des époux y accède et récupère certaines données sans avoir entré un code personnel, il ne peut pas être sanctionné. Les juges monégasque­s en ont décidé autrement.

« Un manque certain de loyauté »

Un retour en arrière s’impose pour saisir les tenants et aboutissan­ts d’un dossier qui opposaient un fonctionna­ire monégasque et sa compagne française. Comme Madame avait quitté le domicile conjugal, la synchronis­ation des divers comptes sur le Web était demeurée active sur l’iPad familial. Monsieur en avait profité pour visiter la boîte courriel de celle qui avait partagé sa vie pendant neuf ans. Entre le 1er mars 2016 et le 17 avril dernier, il soustrayai­t factures, relevés bancaires et Le prévenu a continué d’espionner son ex-épouse en consultant son compte Facebook. (DR)

documents relatifs à des voyages qui responsabi­liseront les actes de la mère de ses enfants au moment de la séparation. À l’audience, le conseil de la partie civile évoque un « manque certain de loyauté » .Car le prévenu a continué d’espionner son exépouse en consultant sa messagerie ou son

compte Facebook. On ignore d’ailleurs par quel moyen. L’euro symbolique sera réclamé. Du côté du ministère public, il est fait grief au mis en cause d’avoir fourni des captures d’écran à son avocat qui les a produits. Il y a violation en l’absence d’accord avec la personne concernée. Pour cette fraude, il est requis une peine d’amende de 1 000

« Ce jugement fera jurisprude­nce »

La défense va plaider la relaxe, car il n’y a aucune manoeuvre frauduleus­e. Les faits seraient dénaturés car le prévenu a le droit de riposter sur des actions qui ont concerné le couple. Or, quand la plaignante dépose plainte, rien n’aurait été entrepris pour sécuriser sa boîte mail. Il n’est pas démontré, d’autre part, que les documents ont été obtenus par fraude. Le tribunal prononcera une peine d’amende de 1000 avec sursis et le versement de 1

de dommages et intérêts. Pour Me Sarah Filippi, partie civile, «les juges ont estimé qu’avec la rupture de la vie commune, le prévenu aurait dû se déconnecte­r des comptes ne lui appartenan­t pas, auxquels il gardait un accès par la synchronis­ation des appareils électroniq­ues, en méconnaiss­ance de son exconcubin­e. Les faits de violation du secret des correspond­ances sont constitués. Ce jugement fera jurisprude­nce avec diverses conséquenc­es, notamment s’agissant des moyens de preuve en matière de divorce. À titre d’exemple, si l’un de nos clients dispose de pièces obtenues par le procédé précité, elles ne pourront pas être communiqué­es sauf à prendre le risque de le faire condamner pénalement et de les voir retirer des débats civils ».

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