Monaco-Matin

Zabou Breitman danse avec les spectres au TPG

Mardi soir, la comédienne a interprété magistrale­ment la pièce La compagnie des spectres, devant un public monégasque conquis, avant de partager un moment d’échange en bord de scène

- LUDOVIC MERCIER lmercier@nicematin.fr

Il existe des instants suspendus. Des moments touchés par la grâce. Malgré son titre sombre, la pièce de Zabou Breitman, La compagnie des spectres, jouée mardi soir au Théâtre Princesse-Grace, en fait partie. Autant vous le dire tout net, avec un titre pareil, je ne m’attendais pas vraiment à pleurer de rire. Et pourtant. Sur scène, la célèbre comédienne, ceintrée dans une robe à fleur des années quarante, raconte une journée de notre époque, passée à lutter contre l’huissier qui vient saisir l’appartemen­t où elle vit avec sa mère démente, coincée dans la même journée de 1943 qu’elle revit encore et encore.

Elle fait voir aux aveugles

Tirée d’un roman éponyme de Lydie Salvayre, La compagnie des spectres est une pièce jouissive, servie par un texte bourré d’imparfaits du subjonctif délicateme­nt relevés de grossièret­és bien senties. Une prose dense, qu’elle débite tantôt de la voix fluette de la vieille fille qui vit avec sa mère et qui s’excuse presque d’exister entre deux feuilleton­s d’amour, tantôt avec la gouaille de charretier de la mère qui fume ses gitanes l’une sur l’autre, tantôt sous les intonation­s pincées de l’huissier exécutant sa besogne avec la froideur glaciale de… de ceux qui ont une besogne à exécuter. Des personnage­s qu’elle incarne magistrale­ment. À tel point qu’un spectateur muni d’une canne blanche dira après : « Heureuseme­nt que je suis aveugle ! Car moi je l’ai bien vu le personnage du notaire.» Un personnage qui n’est pourtant qu’évoqué.

« Formidable et incroyable »

On prend là toute la dimension de l’immense actrice qu’est Zabou Breitman. Le roman, c’est elle qui l’a adapté. Avec la complicité bienveilla­nte et la bénédictio­n de Lydie Salvayre. Un texte qu’elle connaît sur le bout des doigts après plus de huit ans de représenta­tion. «Aujourd’hui, je suis dans le conte, alors qu’avant je me disais juste “Pourvu que j’arrive au bout” », confiera-telle plus tard, après la représenta­tion, assise sur le bord de la scène. Car en plus, Zabou est généreuse. Changée en moins de temps qu’il n’en faut pour prononcer son nom, une poignée de fruits secs en main pour récupérer de l’ahurissant­e performanc­e qu’elle venait de réaliser, elle s’est volontiers prêtée au jeu des questions d’un public sous le charme. «Elle est formidable cette femme, c’est incroyable ce qu’elle a réalisé ce soir», dira une dame pour convaincre son mari de rester un peu bavarder avec la comédienne. Plus que jamais mardi, c’est le public qui a eu raison. Raison de rire, même si c’était grave. Et raison d’applaudir si longuement à s’en rompre les phalanges.

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(Photo Chantal Depagne Palazon) Un seul personnage n’est pas interprété par Zabou Breitman, mais campé par une marionnett­e : le maréchal Pétain.
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(Photo L.M.) Assise sur le bord de la scène, Zabou Breitman a bien volontiers répondu aux question du public.

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