Monaco-Matin

Il roue sa grand-mère de coups : dix mois de prison

- GRÉGORY LECLERC

Dans le box du tribunal correction­nel de Nice, apparaît V. B., un Niçois de 27 ans. Son visage porte les stigmates d’une vie difficile. Un physique de toxicomane, noueux, tendu, qui exhale la détresse et dit la violence de la rue. Le regard est d’abord attiré par des lobes curieuseme­nt coupés en deux, formant comme deux barres verticales sous l’oreille. La gueule est amochée, l’oeil poché. Une mèche en catogan, sur un crâne aux cheveux ras, complète ce physique de marginal. V. B., encadré par deux policiers, fait face à sa grandmère. Elle est là, digne. Il y a quelques jours, le 14 mars, elle était à terre dans sa propre maison, tandis que son petit-fils lui balançait des coups de pied dans les reins.

Alcool et drogue

Souvent en errance, sans argent pour le bus, il était venu quémander une nuit chez elle. Mais il était déjà ivre. Tout a dérapé. Elle a réchappé aux coups. À 76 ans, elle aurait pu succomber à cet accès de violence, d’autant qu’elle souffre d’insuffisan­ce rénale et attend une greffe. V.B. a également frappé sa propre soeur. Très vite, l’instructio­n de la présidente, Anne Vincent, laisse entrevoir le parcours chaotique de cet homme qui n’a pas connu sa mère, a été placé très jeune, à 9 ans. Un coma éthylique à 13 ans et la plongée dans l’alcool. Puis la drogue et la rue. Et inversemen­t. Il réside au foyer Adoma. «Je sais que mon frère se bat souvent, je le vois parfois avec des traces de cocard. La violence fait partie de sa vie», a témoigné sa soeur devant le tribunal. Il n’avait pourtant jamais frappé sa grand-mère. Jamais. Debout face à lui, tremblante, elle lui déclame une déchirante déclaratio­n : «J’ai beaucoup d’amour pour mon petit-fils. Je m’en suis toujours occupée, d’où les rapports affectueux entre nous. Il a bon fond, il est gentil. Je l’aime mon petit-fils. C’est très douloureux, mais je ne veux plus entendre parler de lui. Je veux qu’il se soigne, il est dangereux actuelleme­nt.» V. B. écoute, boit chaque mot, tendu comme un arc. Ses muscles faciaux, qui se contracten­t nerveuseme­nt, trahissent l’émotion. «Je regrette, je m’excuse», exprime-t-il à plusieurs reprises.

« Le point zéro »

La salle d’audience est le théâtre de sa déchéance. Il le comprend. On sent son envie de dire plus, mais la rue n’aide pas à formuler des mots à la hauteur des sentiments. Il dit souhaiter être aidé, pour se sortir de cette descente aux enfers. Des attestatio­ns prouvent qu’il est capable de travailler avec coeur lors de ses stages de réinsertio­n. «Vous avez atteint le point zéro : soit vous rebondisse­z et vous pouvez vous en sortir, soit vous ne rebondisse­z pas et vous finirez dans la rubrique nécrologiq­ue», alerte l’avocat de la grand-mère. Le procureur, Alain OctuvonBaz­ile, réclame de la fermeté, rappelle une première condamnati­on en 2014, et laisse le tribunal apprécier un placement en détention. L’avocat de V. B., Me Florian Abassit plaidera alors avec grande justesse, dans ce dossier de misère sociale, sur fond de drogue et d’alcool: «Mon client a besoin de soins. Ne cassez pas le lien de réinsertio­n dans lequel il est inclus. Un maintien en détention serait le laisser enfoncé au fond du puits. Mais des mesures de soin sont nécessaire­s.» Il sera entendu. V. B. a été condamné à dix mois dont six avec sursis mise à l’épreuve. Il a été remis en liberté, mais avec une obligation de soins, de travail, et une interdicti­on d’entrer en contact avec sa grand-mère et sa soeur. Un jugement particuliè­rement équilibré. Qui donne une chance tout en protégeant les victimes. Entre le glaive et la balance, la justice a tranché humainemen­t. C’est un pari sur l’homme aussi.

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