Monaco-Matin

Mai-, c’est pas (forcément) pour demain

- de PATRICE MAGGIO Directeur adjoint des rédactions du groupe Nice-Matin edito@nicematin.fr

« Aucun militant ne peut prédire un raz-de-marée social équivalent à celui d’il y a 50 ans : l’histoire ne repasse jamais les mêmes plats. »

La semaine politique s’annonce chargée. Les tensions internatio­nales liées au cours de l’or figureront « selon toute vraisembla­nce » à l’ordre du jour du prochain Conseil des ministres. Le Président prépare un discours pour la Foire de Lyon où il vantera « l’importance des économies régionales ». A la lecture de Nice-Matin de l’époque, rien n’augure de la naissance du Mouvement du  mars à la faculté de Nanterre, première ligne d’un chapitre entier de notre grand Roman national, chapitre intitulé « Les événements de Mai- ». La France est alors sourde et aveugle à ce changement d’ère. Si nous étions en  dans un nouvel entre-deux historique, serions-nous plus lucides? Si nous passions à nouveau de « l’ancien monde qui ne veut pas mourir » au « nouveau monde qui ne veut pas naître » pour reprendre la formule de Gramsci, aurions-nous les yeux pour le voir? Les syndicats et les partis d’opposition de l’époque, avaient mis un peu de temps à prendre la mesure de la furia estudianti­ne, alors qu’ils pesaient des millions d’adhérents. Alors, aujourd’hui... Bien moins puissantes, les grandes centrales jouent sur les symboles en mobilisant, ce matin, la fonction publique, un demi-siècle jour pour jour après le raout de Nanterre. C’est un clin d’oeil au passé. Pas une stratégie. Aucun militant ne peut prédire un raz-de-marée social équivalent à celui d’il y a  ans : l’histoire ne repasse jamais les mêmes plats. La France de  est bien différente de celle qu’elle était à la fin des Trente Glorieuses. Moins conservatr­ice, plus portée sur la réforme, définitive­ment mondialisé­e. Ce n’est plus un général vieillissa­nt et bougon qui l’incarne mais un jeune banquier tout sourire. Ce qui a le plus changé, ce sont les Français. Si le bouton qui permet de les mobiliser sur commande a un jour existé, il est aujourd’hui définitive­ment cassé. Ils sont moins encartés, individual­istes assumés mais solidaires quand ils le décident, capable de bouder ce mouvement de colère comme de s’y précipiter s’ils estiment que la cause en vaut la peine. Les fonctionna­ires appelés aujourd’hui à battre le pavé trouveront peut-être trop cher payé le sacrifice d’une journée de traitement pour le dégel de leur point d’indice ou le rétablisse­ment du jour de carence. Ils peuvent être nombreux. Innombrabl­es, c’est moins sûr. C’est rarement la question des salaires qui garnit les défilés. C’est plutôt une réaction au discours dominant dont on se sent la cible : « Vous êtes un obstacle au progrès », « le monde tournerait mieux sans vous », « votre avis ne compte pas ». Jusqu’au jour où l’étincelle se produit, sans que l’on comprenne trop pourquoi. La grande leçon de mai , la voilà.

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