Mai-, c’est pas (forcément) pour demain
« Aucun militant ne peut prédire un raz-de-marée social équivalent à celui d’il y a 50 ans : l’histoire ne repasse jamais les mêmes plats. »
La semaine politique s’annonce chargée. Les tensions internationales liées au cours de l’or figureront « selon toute vraisemblance » à l’ordre du jour du prochain Conseil des ministres. Le Président prépare un discours pour la Foire de Lyon où il vantera « l’importance des économies régionales ». A la lecture de Nice-Matin de l’époque, rien n’augure de la naissance du Mouvement du mars à la faculté de Nanterre, première ligne d’un chapitre entier de notre grand Roman national, chapitre intitulé « Les événements de Mai- ». La France est alors sourde et aveugle à ce changement d’ère. Si nous étions en dans un nouvel entre-deux historique, serions-nous plus lucides? Si nous passions à nouveau de « l’ancien monde qui ne veut pas mourir » au « nouveau monde qui ne veut pas naître » pour reprendre la formule de Gramsci, aurions-nous les yeux pour le voir? Les syndicats et les partis d’opposition de l’époque, avaient mis un peu de temps à prendre la mesure de la furia estudiantine, alors qu’ils pesaient des millions d’adhérents. Alors, aujourd’hui... Bien moins puissantes, les grandes centrales jouent sur les symboles en mobilisant, ce matin, la fonction publique, un demi-siècle jour pour jour après le raout de Nanterre. C’est un clin d’oeil au passé. Pas une stratégie. Aucun militant ne peut prédire un raz-de-marée social équivalent à celui d’il y a ans : l’histoire ne repasse jamais les mêmes plats. La France de est bien différente de celle qu’elle était à la fin des Trente Glorieuses. Moins conservatrice, plus portée sur la réforme, définitivement mondialisée. Ce n’est plus un général vieillissant et bougon qui l’incarne mais un jeune banquier tout sourire. Ce qui a le plus changé, ce sont les Français. Si le bouton qui permet de les mobiliser sur commande a un jour existé, il est aujourd’hui définitivement cassé. Ils sont moins encartés, individualistes assumés mais solidaires quand ils le décident, capable de bouder ce mouvement de colère comme de s’y précipiter s’ils estiment que la cause en vaut la peine. Les fonctionnaires appelés aujourd’hui à battre le pavé trouveront peut-être trop cher payé le sacrifice d’une journée de traitement pour le dégel de leur point d’indice ou le rétablissement du jour de carence. Ils peuvent être nombreux. Innombrables, c’est moins sûr. C’est rarement la question des salaires qui garnit les défilés. C’est plutôt une réaction au discours dominant dont on se sent la cible : « Vous êtes un obstacle au progrès », « le monde tournerait mieux sans vous », « votre avis ne compte pas ». Jusqu’au jour où l’étincelle se produit, sans que l’on comprenne trop pourquoi. La grande leçon de mai , la voilà.