Monaco-Matin

« Chacun peut écrire sur tout et n’importe quoi »

Les fake news étaient au coeur de la Semaine de la presse à l’école dans l’académie de Nice. Au collège Don Bosco, les élèves en ont fabriqué... pour mieux les désamorcer

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Scoop ! Donald Trump a annoncé sa démission. Le décoiffant président américain a décidé de renoncer à sa charge suprême, et son projet de reconversi­on est ébouriffan­t : le businessma­n a choisi le commerce de perruques. Chapeau ! Aucun média n’en parle ? Normal : cette bonne blague est l’une des «fake news » concoctée par les élèves du collège Don Bosco. Le temps de la « Semaine de la presse à l’école », les élèves du bassin Nice-Est ont joué aux apprentis journalist­es. Certains ont même planché sur la fabrique d’infos bidon. Une manière ludique de combattre le mal par le mal. Amiel et Raphaël ont ainsi imaginé le rappeur Kanye West faisant appel à la mafia russe pour retrouver son chien. Le pauvre toutou sera retrouvé dans le congélateu­r d’un restaurant chinois... Faux fait divers, mais inspiré de faits bien réels.

Inspiré de faits réels

Solenn, de son côté, rend hommage à l’astrophysi­cien Stephen Hawking en plongeant « le système solaire dans le noir complet». Thibaut, Ilyes et Alexandre voient « des insectes de la taille d’humains » sur Kepler, cette exoplanète susceptibl­e d’abriter une forme de vie. Quant à Romane, elle a enfin retrouvé « Claude François vivant au Japon ». Diantre ! Amusant ? Certes. Édifiant ? Sans doute. Car à travers cet exercice, les élèves de 4e A de Don Bosco livrent une triste morale : « Chacun peut écrire sur tout et n’importe quoi. » Pas à n’importe quel prix, heureuseme­nt. Car, notent-ils, «pour créer des “fakes news”, il faut se baser sur des faits réels. En fait, ce n’est pas si simple que ça en a l’air!» Jean-Christophe a pigé la recette : « Il faut qu’une partie du texte soit réelle et le reste, plus fantaisist­e. » Cette année, les « fake news », le débat « info ou intox » sont au coeur des actions pédagogiqu­es du Clemi (Centre pour l’éducation aux médias et à l’informatio­n) de l’académie de Nice. L’élection de Donald Trump – qui est bien toujours président – est passée par là. La propagande djihadiste, les rumeurs anxiogènes liées aux attentats aussi.

«Quasi certitude»

D’où l’urgence de « prendre du recul par rapport à l’informatio­n. C’est toujours compliqué pour les jeunes. Finalement, comment pouvons-nous leur assurer que telle informatio­n est vraie ou non?», explique Olivier Feugère, documental­iste à Don Bosco. Il se veut néanmoins rassurant : «Ils sont plus sensibilis­és à l’informatio­n qu’il y a une dizaine d’années, plus ouverts et mieux avertis ». Le hic, c’est que le flux d’info, lui, s’est démultipli­é. Et que ces infos, véritables ou bidonnées, déferlent sans filtre ni contrôle sur les écrans de nos jeunes Niçois: Instagram, (Photo Cyril Dodergny) Snapchat, Facebook... Twitter? «Sur Twitter, les gens aiment bien “troller” », se méfie l’un d’eux, face aux torrents de cyber-haine ordinaire. «Les sites les plus connus, eux, sont obligés de mettre de bonnes informatio­ns. Sinon, ils perdent leurs lecteurs», relève très justement l’un de ses camarades. Alors, par ces temps médiaticha­otiques, les élèves tentent d’adopter les bons réflexes, sensibilis­és par des enseignant­s méritants. «De temps en temps, en bas de la page, le site indique une certificat­ion. Quand il n’en met pas, ça veut dire que c’est faux », estime Arthur. Victor, quant à lui, veut « vérifier que plusieurs sites d’informatio­n disent la même chose, avant d’en avoir la quasi certitude ». Prudent jusque dans la «quasi» certitude. Bien vu.

Forger l’esprit critique

La clé, selon Olivier Feugère : «Utiliser son esprit critique et prendre du recul. On a une intelligen­ce, autant s’en servir ! » De l’école au lycée, les adultes « essaient de stimuler cet esprit critique en les amenant à se poser ces questions : qui a écrit cela ? Pourquoi ? Dans quel but ? Et quel contexte ? Ensuite, on les incite à recouper avec d’autres sources, puis à aller sur des sites de “désintox”. » Le conseil vaut autant pour les adultes que pour les pitchouns. « On se rend compte qu’on est aussi fragile qu’eux face aux “fake news”, admet Olivier Feugère. Eux sortent d’un âge où la vérité vient de l’adulte. Or, ils découvrent que les adultes ne disent pas toujours la vérité... Et ils doivent choisir entre le vrai et le faux. On leur apprend donc à prendre ce flux d’info avec des pincettes. D’autant qu’ils gardent la candeur de leur âge : devant une image bien tournée, bien cadrée, ils vont tomber dans le panneau... » Allez, va! En ce 1er avril, on accordera l’indulgence aux infos-canulars créées « pour faire rire.» L’exact contraire des «fake news» destinées à «faire peur à la population.» Les élèves de Don Bosco citent la fin du monde qui, sur la foi du calendrier Maya, nous était promise pour le 21 décembre 2012. Les ados le constatent avec le sourire : « On est encore là... »

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Olivier Feugère, documental­iste, présentant les travaux réalisés par ses élèves de A.

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