Monaco-Matin

St-Maximin : le bienfaiteu­r

En 1527, François 1er fait condamner Jacques de Semblançay, pour avoir osé tenir tête à sa mère. Dix ans plus tôt, l’homme avait doté la basilique du retable de la Passion

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Au collège, de nombreuses génération­s ont appris par coeur la célèbre poésie de l’écrivain du XVIe siècle Clément Marot : «Lorsque Maillart». Vieux souvenir de cours de français ! Dans ces vers, le poète de la Renaissanc­e décrit le courage d’un condamné à mort qui se dirige vers la potence en montrant plus de dignité que le bourreau qui l’accompagne. À les voir, on a l’impression que c’est le bourreau qui va à la mort et non le contraire. Le condamné s’appelle Semblançay et le bourreau Maillart. « Lorsque Maillart, juge d’Enfer, menait/ À Monfaulcon Semblançay l’âme rendre/ À votre avis, lequel des deux tenait/ Meilleur maintien ? Pour le vous faire entendre/ Maillard semblait homme qui mort va prendre/ Et Semblançay fut si ferme vieillard/Que l’on croyait, pour vrai, qu’il menait pendre/ À Montfaulco­n le lieutenant Maillart. » Montfaulco­n était, à Paris, l’endroit où les rois de France faisaient pendre leurs condamnés. Semblançay, qui a été condamné à mort par le roi François 1er, s’appelle, de son nom complet, Jacques de Beaune de Semblançay. Il a un rapport avec notre région : il fut le trésorier général de la Provence. C’est grâce à lui que la basilique de Saint-Maximin recèle un chef-d’oeuvre : le retable de la Passion peint par Antoine Ronzen, qui raconte en vingt tableaux, à la manière d’une bande dessinée, le calvaire du Christ à Pâques.

Son propre personnage peint sur un tableau

C’est Jacques de Semblançay qui est le commandita­ire de cette oeuvre. Comment le sait-on ? En découvrant l’inscriptio­n qui se trouve sur le tombeau dans le tableau de la mort du Christ, au bas du retable. Lequel trône sur l’autel de la nef gauche. On y lit : « Messire Jacques de Beaune, chambellan du roi, seigneur de Semblançay, a fait faire cet autel». Et c’est lui, Jacques de Semblançay qui est représenté à droite sur ce même tableau, dans un vêtement blanc de moine, en train d’assister à la mise au tombeau du Christ. Pendant longtemps, les historiens ont pensé que ce personnage était le prieur de la basilique de Saint-Maximin à l’époque où le tableau a été peint. Mais, d’après les dernières études, il s’agirait bien de Jacques de Semblançay en personne. Voici donc le visage de l’énigmatiqu­e condamné à mort du poème de Clément Marot ! Jacques de Beaune, baron de Semblançay (Semblançay est une commune La basilique abrite les reliques de Marie-Madeleine, faisant d’elle le troisième tombeau de la chrétienté. (Photo DR) (Photos DR) d’Indre-et-Loire) est le fils de Jean de Beaune, un bourgeois de Tours, commerçant fortuné qui prêta de l’argent aux rois Louis XI et à Charles VIII.

François  visite la basilique

Jacques Semblançay est né vers 1465 et débuta sa carrière au service des finances des rois Louis XI, Charles VIII puis Louis XII. Il gravit peu à peu les échelons jusqu’à devenir en 1518 intendant des finances de François Ier. Entre temps, il a été trésorier général de Provence. C’est alors qu’il a commandé le retable de la basilique de Saint- Maximin. C’est au XIe siècle que les condamnés à mort ont commencé à être pendus sur la butte de Montfaucon à Paris. Les cadavres restaient exposés au public sur des constructi­ons en bois appelées gibets. Le gibet de Montfaucon eut un usage accru lors de Guerre de Cent ans, aux XIVe et XVe siècles, entre les Français et les Anglais, en raison du grand nombre de traîtres au roi. Il comportait alors un portique de seize piliers. Pour ce faire, il s’est adressé au peintre Antoine Rozen. La constructi­on de la basilique avait commencé deux siècles plus tôt, au début du XIVe, sous l’impulsion du comte de Provence Charles II à l’endroit où avaient été retrouvés les restes de Marie-Madeleine – la sainte qui fut témoin des derniers instants du Christ, que l’on voit au pied de la croix sur les tableaux représenta­nt la Passion, et qui aurait fini sa vie, en ermite, dans la grotte de la Sainte- Baume, audessus de Saint-Maximin (commune du Var). En 1404, l’abside et cinq travées de la nef de la basilique sont terminées. Les travaux reprennent en 1508 à l’époque du roi Louis XII. En 1513, la constructi­on de la sixième travée est achevée. Et nous voici en 1515. L’année est importante car le roi François 1er va venir visiter les lieux et se rendre en pèlerinage à la Sainte-Baume, en compagnie de sa mère Louise de Savoie et de son épouse Claude de France. Jacques de Semblançay n’hésite pas à la dépense. Il décide de commander le retable de la Passion du Christ. Le peintre Antoine Ronzen auquel il s’est adressé, qui est d’origine flamande, établi dans notre région, est ami de Ludovic et Antoine Bréa, deux peintres parmi les plus célèbres de l’époque, nés à Nice, appartenan­t à cette école picturale qu’on appelle les « primitifs niçois ». Il semble qu’une partie du tableau de la mise au tombeau du retable de Saint-Maximin – celle sur laquelle se trouve le personnage de Jacques de Semblançay – ait été faite en collaborat­ion avec Antoine Bréa. Antoine Ronzen met trois ans pour achever son chef-d’oeuvre. Il le signe le 29 mai 1520. Ce retable représente le parcours de la vie de et de la mort Jésus (lire en page suivante). Jacques de Semblançay fut réhabilité après sa mort et celle de François Sa famille fut lavée de l’opprobre qui pesait sur elle. Jacques de Beaune de Semblançay retrouva sa dignité posthume. En , son neveu Renaud devint archevêque de Bourges et reçut en la basilique de SaintDenis à Paris, l’abjuration du roi Henri IV en personne pour toute sa famille.

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Dans cette représenta­tion de la mise au tombeau du Christ, le personnage du moine vêtu de blanc (à droite) ,a le visage de Semblançay . Cet homme a été condamné à mort par François bien qu’il ait doté la basilique de SaintMaxim­in du retable au centre duquel se trouve le tableau de la crucifixat­ion .

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