L’expert: «Ne les harcelez pas»
Il a lâché la barre voilà quelques jours seulement. Mais Jean-Pierre Sidois, 72 ans, reste président d’honneur de l’association SOS Grand Bleu, qu’il a pilotée vingt-neuf ans durant. Membre du Réseau national d’échouage, il explique les combat et constat de l’association, basée au port de Saint-Jean-Cap-Ferrat.
La volonté de protéger les cétacés est à l’origine de SOS Grand Bleu?
C’est René Vestri, alors maire de SaintJean-Cap-Ferrat, qui avait voulu la créer en , en raison de nombreux échouages alarmants en mer ligure et sur la Côte d’Azur. On avait découvert que des filets dérivants en étaient à l’origine. Deux associations sont nées Observatorio Pelagos en Italie et SOS Grand Bleu - pour lutter contre ces filets dérivants. Notre action a permis de les faire interdire dans toute l’Europe. Puis d’obtenir confirmation en France devant le Conseil d’État.
Les techniques d’intervention ont beaucoup évolué en trente ans ?
Oui, ça s’est amélioré. Auparavant, c’était un peu artisanal, même si nous avions reçu des formations vétérinaires. On allait sur le terrain, on prenait en charge les animaux et on les amenait au local mis à disposition par la mairie de Saint-Jean pour les autopsier, avec scalpels, couteaux de boucher, scies… Puis on envoyait les prélèvements d’organes au laboratoire Pélagis à la Rochelle. Depuis dix ans, ce sont les pompiers qui prennent en charge les dauphins et les amènent au laboratoire vétérinaire de Sophia Antipolis. Dans notre département, c’est bien rôdé. Désormais, nous sommes observateurs. Et ça nous soulage beaucoup!
Pourquoi la protection des cétacés est-elle si importante?
Les cétacés sont de grands prédateurs, en haut de la chaîne alimentaire. Ils ont une importance fondamentale dans l’équilibre de la faune, car ce sont des régulateurs. Les dauphins bleucet-blanc se nourrissent à % de poissons, % de céphalopodes et % de crustacés. S’ils disparaissaient, la population de sardines et d’anchois exploserait ! Les baleines de Méditerranée, elles, se nourrissent de krill, ces petits crustacés planctoniques. Or quand une baleine meurt, son corps crée tout une chaîne alimentaire pendant trois ans! Leurs excréments aussi servent de nourriture à de petits animaux. L’impact des cétacés va donc très loin.
Y compris dans l’imaginaire collectif, très attaché à l’image de Flipper?
On pense toujours à des animaux très gentils, intelligents. Mais les dauphins peuvent être agressifs si on se met à l’eau avec eux, et très cruels entre eux ! Il y a des hiérarchies, de nombreuses bagarres qui vont parfois jusqu’à la mort, et même des viols.
Epargnés par la pêche au chalut, les cétacés de Méditerranée y sont-ils exposés à d’autres risques?
Au manque d’information des gens, qui essaient de harceler les dauphins. Ils ne se rendent pas compte que cela peut être préjudiciable. Nous essayons donc de les sensibiliser: c’est interdit de les poursuivre, de se mettre à l’eau avec eux… Il faut respecter une distance d’observation de cent mètres et attendre qu’ils viennent vous voir. Quand on est patient, les dauphins viennent jouer. C’est à eux de décider. En cas d’échouage, les premières consignes sont: “Ne le touchez pas, on arrive”. Il faut rester à bonne distance. Le risque de transmission de certaines pathologies existe. Et c’est déjà arrivé.