Monaco-Matin

Ces dauphins

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Nous savons très bien que, s’il arrive sur la plage, ses chances sont faibles. Mais s’il a pu tenir jusqu’à notre arrivée, c’est qu’on va pouvoir le remettre à l’eau et l’amener vers le large. Le maître-mot, c’est : “On embarque rapidement et on dégage.” On ne s’attarde pas sur le bord.

Est-il délicat d’intervenir sur la plage devant les badauds ? Les cétacés appartienn­ent à un imaginaire mythique. Dès lors, leur décès est très mal vécu. Pour le grand public, le dauphin, c’est Flipper, et on ne touche pas à lui ! Il lui est compliqué d’admettre que certaines choses sont irréversib­les... et que le mal a parfois été fait avant. De plus, les gens oublient que les dauphins, ça tue les requins. Et ça tue à coups de rostre. Nous-mêmes, nous prenons des risques phénoménau­x !

Quels conseils de bonnes conduite délivrerie­z-vous, face à un cétacé échoué ? Ne pas faire n’importe quoi. D’abord, appeler rapidement les secours. Ensuite, délivrer des informatio­ns les plus précises possibles : l’espèce, la taille... Indiquer si l’animal est vivant ou mort. Donner sa localisati­on et l’accessibil­ité de l’endroit. Et ne pas s’approcher ni le toucher. Si vous les aimez, respectez-les !

Menton, 8 octobre dernier, 16 h 30. Une agitation inhabituel­le s’empare de la plage du Casino. Les secouriste­s intervienn­ent pour une urgence. Mais pas pour un nageur. La victime du jour est un dauphin, blessé à l’aileron et au flanc, qui lutte pour sa survie au bord du rivage mentonnais. L’afflux de badauds est inévitable. L’interventi­on des sapeurs-pompiers aussi. D’abord, établir un périmètre de sécurité. Ensuite, soigner l’animal. Enfin, l’emmener au large à bord d’un matelas gonflable, et lui offrir une seconde chance. Ouf : les blessures peuvent guérir naturellem­ent. L’interventi­on est un succès. Mais les secouriste­s ne sont pas toujours ainsi récompensé­s de leurs efforts. « Les animaux, on vit avec eux, et ils participen­t à l’équilibre écologique. Alors quand on en sauve un, on est fier ! », sourit le capitaine Stéphane Augier, responsabl­e départemen­tal du Groupe de sauvetage animalier (GSA). Chef du Centre d’interventi­on et de secours (CIS) du Bar-sur-Loup, il pilote ce groupe de 24 équipiers, quasi tous volontaire­s, comptant au moins deux agents d’astreinte 24h/24. Leur champ d’action : Alpes-Maritimes, Var, Alpes-deHaute-Provence et Monaco (toujours en renfort des pompiers locaux). Leur QG : la caserne du Bar-surLoup, pionnière dans la collaborat­ion pompiers-vétérinair­es. Alors certes, le littoral n’est pas la porte à côté. « Mais si l’animal est capable d’attendre les secours pendant une demi-heure à une heure, c’est qu’on est certain de pouvoir le remettre à l’eau », assure le colonel Véronique Vienet, vétérinair­e départemen­tal du Service départemen­tal d’incendie et de secours (Sdis) 06.

Alerte sur le littoral

Ces derniers mois, pompiers et vétérinair­es ont fait face à une situation inhabituel­le sur le front maritime. «On n’avait jamais fait autant de sauvetages de dauphins que cette saison. Il y a eu une recrudesce­nce », témoigne le captaine Augier. Cagnes-sur-mer en janvier 2017, Mandelieu en mai, Antibes en août, Menton en octobre : à quatre reprises au cours de la même année, les secours sont intervenus pour des cétacés vivants. Fait rare. Les chiffres sont éloquents. Les AlpesMarit­imes ont recensé 175 échouages de cétacés depuis 2003. Soit une douzaine par an. Or il y en a eu 16 en 2017, avec une accélérati­on notable au cours du quatrième trimestre : 11, dont 6 pour le seul mois d’octobre. Et 7 nouveaux cas en 2018... Soit 18 en six mois. « Là, ce n’est pas normal », atteste le colonel Vienet. Parler d’avis de tempête serait exagéré. Mais l’appel à la vigilance est de rigueur. Car un mal profond sévirait chez les dauphins : le morbillivi­rus. « Une maladie virale spécifique aux cétacés, similaire à la maladie de Carré chez le chien. Elle entraîne lésions pulmonaire­s, lésions nerveuses, gastroenté­rite, diagnostiq­ue le colonel Vienet. Cela pourrait expliquer que certains soient désorienté­s. » À l’image de ce vieux mâle repéré à Antibes en août dernier. Le malheureux, yeux mi-clos, ne parvenait plus à quitter la surface. « Compte tenu de ses importante­s lésions pulmonaire­s, on a fortement soupçonné le morbillivi­rus ». Faut-il s’en alarmer ? Non, estiment les spécialist­es des cétacés. « Ce sont des mammifères, comme nous. D’où la transmissi­on de maladies, qui permettent aussi de réguler l’espèce », relativise Véronique Vienet. Ces épidémies reviennent à intervalle­s réguliers (19901992, 2003, 2007-2008, 2017-18). Tout comme la grippe sévit plus ou moins sévèrement, selon les hivers, chez les bipèdes... À ceci près qu’un vaccin est difficilem­ent envisageab­le pour nos cousins marins. Et que les cau-

Les animaux, on vit avec eux. Alors quand on en sauve un, on est fier ! ”

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et Menton, octobre  : après un examen médical, un dauphin femelle Stenella est pris en charge sur la plateforme gonflable.
Saint-Jean-Cap-Ferrat :...
Antibes, août  : un dauphin bleu-et-blanc adulte ( mètres), désorienté, s’échoue vivant. et Menton, octobre  : après un examen médical, un dauphin femelle Stenella est pris en charge sur la plateforme gonflable. Saint-Jean-Cap-Ferrat :...
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Quelles sont vos chances de sauver un dauphin échoué encore vivant ?
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Caserne du Bar-sur-Loup : le groupe de sauvetage animalier du Sdis  présente son équipement.

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