Monaco-Matin

Avant

- NELLY NUSSBAUM

Au cours d’une fête qui se déroulait entre avril et mai, les pêcheurs de Nice et Menton brûlaient la plus vieille barque du port, après l’avoir portée en procession dans la ville et demandaien­t ainsi à saint Pierre protection et pêche abondante. Les pêcheurs provençaux ont toujours attaché beaucoup d’importance au culte de leur protecteur saint Pierre, seul rempart contre dangers et difficulté­s. Saint-Pierre - Simon Pierre, pêcheur du lac Tibériade, premier disciple du Christ, puis chef de son Église - était vénéré par un très grand nombre de pêcheurs provençaux, notamment par ceux Nice et Menton. Ces derniers n’attendaien­t pas forcément la fête du saint (fin juin) pour demander des grâces et une pêche abondante. Ils le sollicitai­ent au cours d’une grande fête qui, selon les années, se déroulait entre avril et fin juin. Pour ce faire, ils brûlaient une vieille barque appelée laüt. Cette tradition avait valeur de solidarité envers le pêcheur le plus pauvre qui, en général possédait la barque la plus ancienne et n’avait pas les moyens de la renouveler. C’était une façon pour les membres de la confrérie des pêcheurs de lui en offrir une neuve sans donner l’impression de faire la charité. Que ce soit à Nice ou à Menton, après avoir traîné cette vieille barque pavoisée dans toute la ville et, avant de la brûler, on la remplissai­t de fagots et de poix - matière collante à base de résine et de goudron utilisée pour assurer l’étanchéité des barques – afin d’empêcher saint Pierre de repartir. Sur les plages, les habitants venaient rejoindre les pêcheurs pour faire la fête et danser à la belle étoile. La tradition perdure aujourd’hui, mais la barque est spécialeme­nt fabriquée pour cette cérémonie. Les fagots et la poix ont disparu.

Des pois chiches dans les souliers

En mer, lorsqu’ils se trouvaient en danger, les pêcheurs n’hésitaient pas à faire de grandes promesses à leur protecteur espérant rentrer sains et saufs. Mais une fois épargnés et rentrés au port, beaucoup oubliaient leur engagement. «Peu reconnaiss­ants», c’est ainsi que les gens de mer étaient considérés par les gens de terre. Cependant, un jour de septembre 1910, Fréchon, marin mentonnais, a fait mentir cette idée reçue. Lors d’une terrible tempête, il promit à ses compagnons d’infortune, s’il avait la vie sauve, de faire l’ascension de la bonne centaine d’escaliers escarpés qui mènent jusqu’à l’église Saint-Michel de Menton - église qui a d’ailleurs été élevée à la dignité de basilique par le pape Jean-Paul II en 1999. Il s’engageait également à grimper au sommet du clocher de 53 m de haut pour faire sonner la cloche. Il émit une contrainte supplément­aire: celle de remplir ses souliers de pois chiches, ce qui devait accroître un peu plus la difficulté de l’ascension. Quelques jours plus tard, il tint sa promesse et partit vers Saint-Michel suivi d’une belle assemblée. Tout se déroula comme il l’avait promis à cela près qu’il avait fait cuire les pois chiches pour faire son ascension sans douleur! Après tout, il n’avait rien précisé!

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(@Ville de Menton) Du port de Menton (ici en ) on aperçoit en hauteur la cathédrale Saint-Michel. Pour remercier saint Pierre d’avoir eu la vie sauve, un marin en a gravi les marches avec des pois chiches dans ses souliers.
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(DR) Pour se mettre sous la protection de saint Pierre, les pêcheurs brûlaient une vieille barque. La tradition perdure avec une barque factice, comme ici à Menton.

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