Monaco-Matin

Les fresques de la tour Ferrande : la bande dessinée du Moyen Âge

- NELLY NUSSBAUM RMEUNIER@NICEMATIN.FR

La tour Ferrande de Pernesles-Fontaine dans le Vaucluse, cité médiévale des bords de la Nesque, affluent de la Sorgue, est entièremen­t décorée de fresques qui datent de 1275. À l’intérieur, sur les murs de cette tour, construite au XIIe siècle par Barral des Baux (1217-1268), sénéchal du comtat Venaissin et compagnon de guerre de Charles d’Anjou (1226-1285), roi de Naples et de Sicile, s’affiche ce qui est considéré comme la première fresque militaire de France. Telle une bande dessinée, l’ensemble illustre les batailles qui mènent à l’investitur­e en 1266 de Charles Ier d’Anjou, comte de Provence, en tant que roi de Sicile. Mais, si le bâtiment est entièremen­t peint et enluminé, c’est à l’étage supérieur que les fresques sont les plus intéressan­tes. Elles furent sans doute exécutées par plusieurs artistes, dont les noms ne sont pas restés dans les archives.

De nombreux détails

Les fresques racontent, par des scènes de bataille surprenant­es de précision, la reconquête de la Sicile par Charles d’Anjou, mandaté par le pape Clément IV. Le but était d’en chasser Manfred de Hohenstauf­en (1258-1266), fils illégitime de Frédéric II, empereur des Romains qui, prétendant au trône, était considéré comme usurpateur. Les fresques narrent avec force détails, l’affronteme­nt du 26 février 1266, à Bénévent, près de Naples, entre les troupes de Charles 1er et l’armée impériale. Les clans se distinguen­t grâce à leurs écus, fleurs de lys d’un côté, et aigle impérial de l’autre. Elles décrivent aussi la mort de Manfred qui, lors d’un combat singulier, eut la gorge transpercé­e par la lance de son adversaire. Au milieu de ces scènes cruelles, apparaît aussi une superbe Vierge à l’enfant et un grand saint Christophe portant l’enfant Jésus sur ses épaules. Cette iconograph­ie est parvenue jusqu’à nous dans un état de conservati­on exceptionn­el. Les couleurs aux tons ocres sont restées très vives et parfaiteme­nt nettes. Entre le XIVe et le XVIIe siècle, la tour Ferrande fut propriété des chevaliers hospitalie­rs, moinessold­ats de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, puis elle a abrité les archives municipale­s, pour enfin être utilisée comme dépôt par un boulanger qui occasionna les seules dégradatio­ns aux endroits où les sacs de farine étaient entreposés. Sur une fenêtre, on voit encore les traits de comptage des sacs. Après avoir été légèrement restaurées, la tour et ses fresques, propriété de l’État, ont fait l’objet d’un classement au titre des Monuments historique­s par la liste de 1862.

Visite guidée par l’office du tourisme de Pernesles-Fontaines, place Gabriel-Moutte. Tél. 04.90.61.31.04.

Sources : La France et ses trésors, Provence, AlpesMarit­imes et Corse, éditions Larousse ; Office de tourisme de Pernes-les-Fontaines et site Vaucluse en Provence. Entre la guerre de / et Mai , les auteurs, JeanFranço­is et Lucie Muracciole, traversent la France avec quelques personnage­s fictifs, qui vivent des faits bien réels. Lui, est professeur d’histoire à l’université PaulValéry de Montpellie­r. Son épouse est maître de conférence­s en études italiennes à Sorbonne Université­s. Tous deux ont par leurs parents des attaches à Nice et Sospel.

Quelle est la part romancée de ce livre ? J.-F. M. : La trame historique du roman est bien réelle : l’itinéraire de jeunes lycéens qui s’engagent dans la France libre en juin . On les suit tout au long de la guerre, à Londres sous les bombes, de Bir Hakeim à Monte-Cassino, du débarqueme­nt de Normandie à la libération de Paris. Par une série d’aller-retours, on découvre aussi leur devenir après la guerre. Si la toile de fond est avérée - par exemple, les scènes de la libération de Paris - les personnage­s sont inventés de même que les dialogues ou les lettres. Le protagonis­te, Pierre Verdeil, qui devient préfet de police de Paris en mai , n’a rien à voir avec le vrai préfet de police de l’époque. Lorsque des personnage­s historique­s importants intervienn­ent dans le roman tels de Gaulle, Churchill et Roosevelt à la conférence de Casablanca, le récit colle au plus près du réel.

Qui sont les premiers résistants ? L.M. : Le roman s’inspire de l’expérience vécue par les authentiqu­es Français libres. Lorsqu’ils quittent la France, la plupart sont très jeunes, lycéens ou étudiants. Pierre Verdeil a  ans, il est élève de terminale au lycée de Brest et, avec trois de ses camarades, il saute dans le dernier bateau pour l’Angleterre. Nous sommes le  juin , Pétain vient d’annoncer la défaite à la radio et (Photos DR) de Gaulle leur est totalement inconnu. Leurs aventures personnell­es relèvent de la fiction vraisembla­ble, de la « petite » histoire qui se fond dans la « grande ». Romancer cette Histoire permet aussi de proposer un autre visage de la Résistance, trop souvent réduite à la figure du maquisard.

Pourquoi ces digression­s avec Mai  ? J.-F. M. : Il nous a paru intéressan­t de montrer comment ont pu vieillir les jeunes héros. Mai  offre un poste d’observatio­n idéal : les adolescent­s rebelles de juin  sont devenus des hommes mûrs, au sommet de leur carrière. Par une singulière ruse de l’histoire, ils ne comprennen­t pas la révolte de leurs propres enfants. Pire : en tant que préfet de police, Pierre Verdeil est censé les réprimer. Il traverse Mai  entre incompréhe­nsion et désenchant­ement. Il observe le délitement de l’État en même temps que l’éclatement de sa propre famille. Il sera d’ailleurs capable de reconnaîtr­e ses échecs et d’essayer d’en comprendre les ressorts.

Qui est le dernier Compagnon ? L.M. : Sur  Compagnons de la Libération, il en reste aujourd’hui moins de dix vivants. On sait que le dernier d’entre eux sera inhumé au Mont-Valérien, près de Paris, dans la crypte où sont déjà enterrés seize autres martyrs des différente­s formes de Résistance. Le jour, hélas prochain, où le dernier Compagnon rejoindra le caveau qui l’attend, une page de notre histoire sera tournée.

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 ??  ?? La tour Ferrande dont l’architectu­re n’a rien d’exceptionn­elle, n’a pas changé depuis , date de la photo. Les fresques racontent l’affronteme­nt du  février , à Bénévent, près de Naples, entre les troupes de Charles et l’armée impériale....
La tour Ferrande dont l’architectu­re n’a rien d’exceptionn­elle, n’a pas changé depuis , date de la photo. Les fresques racontent l’affronteme­nt du  février , à Bénévent, près de Naples, entre les troupes de Charles et l’armée impériale....
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Sur ce pan de mur, Charles d’Anjou, comte de Provence, est représenté devant le pape Clément IV.

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