Monaco-Matin

FOOTBALL INTERVIEW

- RECUEILLIS PAR PHILIPPE HERBET pherbet@nicematin.fr

Presque huit ans se sont écoulés depuis la piteuse affaire de Knysna. Une tragi-comédie aux allures grand-guignolesq­ues, qui a fait couler tellement d’encre que la pénurie de stylos a bien failli museler les rédactions sportives. Huit ans, presqu’une éternité… Depuis, pas mal d’eau a donc coulé sous les ponts. Et c’est un autre (nouveau?) Raymond Domenech, aux sourcils un peu moins broussaill­eux, qui, sans mégoter, se livre au jeu des questionsr­éponses. Sans rien éluder. Avec, même, une certaine empathie pour ses interlocut­eurs et cette envie de parler, encore et encore, mais toujours en mode vrai, de ce football qui lui a tant donné et qu’il aimerait voir évoluer dans le bon sens. Avec, dans le regard, cette petite étincelle de passion qu’on lui a toujours connue. Et cette impression diffuse, en tentant d’en scruter l’âme, d’une pleine et entière sérénité... Un temps cloué au pilori médiatique - non sans raison d’ailleurs - et exposé à la vindicte populaire, celui qui aujourd’hui est à la tête de l’UNECATEF dit être, depuis la parution de son livre « Tout seul » (en novembre 2012) un autre homme. Un homme libre, à l’évidence. Le regard qu’il jette sur l’actu du ballon rond n’en est que plus intéressan­t...

Vous êtes président de l’UNECATEF, consultant sur l’Equipe TV et Europe , et vous multipliez les interventi­ons dans les clubs, comme vendredi au Cavigal de Nice. Malgré cette “hyper-activité’’, le terrain ne vous manque-t-il pas ? Le terrain, oui. On ne peut pas avoir vécu ce que j’ai vécu pendant des années sans qu’il en soit ainsi. Maintenant, les à-côtés du terrain, eux, ne me manquent pas. Etre complèteme­nt dans la lessiveuse, en permanence, sans rien voir de l’extérieur, c’est loin de la sinécure. Avec du recul, je pense avoir plus de lucidité dans le regard que je porte aujourd’hui sur la vie en général, sur le football en particulie­r. Et je peux bien plus efficaceme­nt aider les entraîneur­s ainsi que si je me replongeai­s dans la mêlée… Et si on vous proposait de nouveau un banc ? C’est compliqué. Il faudrait des conditions particuliè­res. A la limite, reprendre une sélection pourrait me tenter, parce qu’on a davantage la possibilit­é de prendre du recul, d’avoir une vision différente et, surtout, de travailler sur les meilleurs. On parle beaucoup actuelleme­nt de l’arbitrage vidéo. On sait que vous y êtes favorable, mais le risque n’est-il pas de hacher le jeu ? D’ajouter de la confusion ? Peut-être mais parce que ce n’est pas encore au point. On est peut-être allé un peu vite en la matière. Ce qu’il faut surtout, c’est mettre en place une vraie éducation des arbitres vidéo. Si l’on reprend l’exemple de la finale de la Coupe de la Ligue (PSG - Monaco), l’histoire de Falcao (dont le but a été refusé après visionnage des images, NDLR), ça se joue à rien, peut-être même pas à un centimètre. Quand l’arbitre voit ce qui est en train de se passer, que les Parisiens ne protestent même pas, je ne suis pas certain qu’il soit opportun de faire appel à la vidéo. Il doit le faire quand vraiment le doute est important, sinon, à mon sens, il faut laisser courir. Maintenant, il y a aussi un gros travail d’informatio­n à faire avec les spectateur­s. J’étais au stade et franchemen­t, on est frustré quand on est en tribunes. On ne sait pas du tout ce qui se passe. On a ni images, ni explicatio­ns. Il y a but, tout le monde est à l’engagement, et d’un coup, on se rend compte que le ballon ne repart pas du centre. A l’évidence, il s’est passé quelque chose, mais on ne sait pas quoi. Encore une fois, c’est frustrant. L’actu, c’est aussi l’OM qui, jeudi soir, s’est incliné - sur la pelouse de Leipzig en quart de finale de Ligue Europa. Pensez-vous les Marseillai­s en mesure, malgré tout, de se qualifier pour le dernier carré ? Je regrette qu’ils n’aient pas marqué au moins un but en Allemagne. Alors qu’il y avait la place, qu’ils ont eu les occasions de le faire. C’est dommage parce que cette équipe allemande, comme on l’a vu à Monaco en Champion’s League, est performant­e à l’extérieur. Jeudi soir, Leipzig n’a pas fait un bon match par rapport à ce qu’elle sait faire en temps normal. Et Marseille n’a pas su ou pu en profiter. Alors ça a été bien repris par Lucien Favre. Récemment, je suis venu à l’OGCN pour une session du DEPF (diplôme d’entraîneur profession­nel de football, NDLR), il est venu débattre avec les éducateurs, et son message était vraiment super. Sincèremen­t, je comprends que ça passe bien avec les joueurs. Parce que même au tableau, même quand il fait ses schémas, il est toujours clair. C’est du football simple, mais c’est du football et pas de la prise de tête. Et quand on voit jouer cette équipe de Nice, c’est cela qui transpire. De toute façon, je dis qu’un entraîneur qui parvient à faire de Balotelli ce qu’il en fait, il faut juste lui dresser une statue . France est, offensivem­ent, particuliè­rement bien armée… Déjà, au niveau du montant des transferts, entre Martial, Dembélé et Mbappé, je pense que c’est du jamais vu. Maintenant, il y a de vrais talents et, surtout, ils sont jeunes. Ce qui peut être aussi un peu leur problème. Il y a certes quelques joueurs qui ont un peu de maturité, mais pas d’encadrant, de dominant. En fait, il faudrait que les joueurs les plus médiatique­s soient les vrais patrons… Pour Didier Deschamps, il y aura des choix à faire. Et les chantiers ne sont pas tous achevés… C’est le métier. Jusqu’à la liste (des ). Et même après lorsqu’il construira ses équipes. Il est parti pour un peu moins de trois mois à constammen­t cogiter, jusqu’à sa liste, puis pour à nouveau trois mois de vigilance où il lui faudra pallier tout ce qui peut éventuelle­ment arriver. Cette équipe de France n’a rien à voir avec celle de . Auriez-vous aimé en être le sélectionn­eur ? Chacun son époque. Je n’ai aucun ressentime­nt, aucune jalousie. A chaque fois que j’interviens dans les médias, je soutiens Didier à  %. Je connais le métier et je sais qu’il est à sa place. Il fait son travail et il le fait bien. Moi, j’ai fait mon époque, la page est tournée et il faut savoir l’accepter. Vous avez sorti un livre « Tout seul » après le fiasco de . L’écriture en soi a-t-elle été un exercice libérateur ? Totalement ! A la base, ce livre est un journal de bord, écrit au jour le jour. On m’a ensuite aidé pour en dessiner la trame, à en trouver le fil conducteur. J’ai mis presque deux ans pour le sortir et quand je me suis retrouvé chez l’éditeur, j’ai eu du mal à lâcher le manuscrit. Je lui ai tendu, mais avant qu’il ne le saisisse, je l’ai repris. Et je lui ai alors dit : « Vous êtes sûr ? Vous imaginez les conséquenc­es ? ». Maintenant, j’avais mis un point d’honneur à ce qu’aucun point ne soit discutable. Et j’ai d’ailleurs retiré tout ce qui pouvait prêter à confusion. Le reste n’est que la réalité et, d’ailleurs, personne n’est venu contester la véracité du propos. Cela vous a-t-il aussi permis de tourner la page ? C’est exactement ça. D’ailleurs, au moment où j’ai rendu mon manuscrit, c’est comme si j’avais eu un vide total. Je me suis dit : « Ça y est, tu es un autre homme ». Sur ce qui s’est passé réellement, je le raconte de l’intérieur. Et chacun est libre d’en faire ce qu’il en veut, de lire le livre ou pas. Aujourd’hui, j’ai cette faculté de faire le tri entre ce qui m’appartient et ce qui appartient aux autres.

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