Monaco-Matin

Première victime azuréenne ?

En avril 2017, un jeune s’est jeté du 4e étage dans le pays mentonnais. L’associatio­n du Jeu du foulard est persuadée qu’il s’agit du seul cas fatal de « Blue Whale Challenge » recensé dans le départemen­t

- ARNAULT COHEN acohen@nicematin.fr

Il y a un an, presque jour pour jour. En fin de journée, un jeune homme de 22 ans se jette du quatrième étage de son domicile, dans l’arrière-pays mentonnais. Sa soeur assiste, impuissant­e, à ce tragique suicide. Un geste fatal qui intervient au bout d’une période durant laquelle cette famille a vu le comporteme­nt du jeune homme changer. Un an plus tard, cette famille ne souhaite pas revenir sur ce drame dont nous venons d’apprendre l’existence, ni raconter pourquoi elle pense que ce garçon est une victime du challenge de la «Baleine bleue», ce jeu de la mort qui fait des ravages dans le monde depuis deux ans. Plus de 150 jeunes se seraient déjà donné la mort en réussissan­t les 50 défis de ce jeu macabre.

« Certains stigmates de ce jeu barbare »

Françoise Cochet est persuadée que ce jeune homme s’est donné la mort à l’issue du «Blue Whale Challenge». La présidente de l’APEAS-Jeu du foulard associatio­n qui milite contre les jeux dangereux, explique que cette victime «portait certains stigmates de ce jeu barbare, comme la lèvre coupée», l’un des rituels du challenge (lire ci-dessous). L’an dernier, la famille de la victime a alerté l’APEAS qui a elle-même prévenu la délégation aux victimes du ministère de l’Intérieur. L’enquête menée par la gendarmeri­e de Menton a conclu à un suicide simple, «en l’absence d’éléments probants ayant conduit au suicide», indique le chef d’escadron Céline Maumy, commandant de la compagnie de gendarmeri­e de Menton (lire par ailleurs). Françoise Cochet n’est pas convaincue par cette conclusion. «C’est vrai, lors de l’autopsie du corps, la scarificat­ion sur le bras représenta­nt la baleine bleue n’était pas présente. Mais la lèvre coupée est un signe qui ne trompe pas. Et l’absence de traces de ce site infernal sur l’ordinateur de la victime n’est pas étonnante, puisqu’il est demandé aux jeunes d’effacer toutes les traces…»

« Ils vous préparent à la mort»

Le «jeu» de la Baleine bleue, dont le nom provient d’une légende selon laquelle ce cétacé est capable de se suicider en s’échouant volontaire­ment sur une plage, est une machine à tuer. Un engrenage qui conduit inexorable­ment au suicide. Le site a été créé en Russie en 2016. Le but: remporter 50 défis en 50 jours. «Le premier des défis consiste à se connecter sur le site, explique Françoise Cochet. C’est assez compliqué. Quand la proie y est parvenue, on lui demande un certain nombre d’informatio­ns personnell­es, et surtout de n’en parler à personne. Avec tous ces renseignem­ents, les gestionnai­res du site forcent les jeunes à se lancer dans le défi suivant, quitte à les faire chanter, à menacer de mettre le feu à leur maison, de s’attaquer à un membre de leur famille. Ce site infernal les fatigue, les oblige à se lever la nuit, à rencontrer

des inconnus, à écouter des sons destructeu­rs, à regarder des images terribles…» Les «joueurs» doivent aussi se filmer pour prouver à leur mentor qu’ils ont bien réussi leur défi du jour, ou poster certains messages sur les réseaux sociaux. Après de premiers défis assez simples, les choses se corsent très vite. Le défi 14 consiste à se couper la lèvre. Le 22, à s’asseoir sur le bord d’un toit les jambes dans le vide. Le 27, à se lever à 4 h 20 pour aller s’allonger sur les rails du train. «Vers le 47e défi, ils commencent à vous préparer à la mort», commente Françoise Cochet. Jusqu’au 50e et ultime défi qui ordonne: «Saute du toit ou pends-toi »…

« Ne pas relâcher la vigilance »

Le cas de ce jeune homme du pays mentonnais serait le seul à avoir été recensé dans les Alpes-Maritimes. Il a été révélé par la présidente de l’APEAS en marge d’une interventi­on donnée au rectorat de Nice, dernièreme­nt, dans le cadre de la semaine de la presse à l’école. « Début 2017, il y a eu une importante prise de conscience sur les ravages de ce site», ajoute Françoise Cochet. Mais le phénomène ne s’est pas arrêté. En février dernier, au moins trois autres jeunes ont perdu la vie en réalisant les 50 défis du challenge de la Baleine bleue. À ClermontFe­rrand, en Tunisie et au Maroc. «Les élèves en parlent dans les établissem­ents scolaires, assure-t-elle. Il ne faut pas relâcher la vigilance, d’autant que la cyberpolic­e française ne parvient pas à supprimer ce site. On ne peut que sensibilis­er les jeunes et les familles, et espérer qu’il n’y aura pas un nouveau suicide. C’est horrible.»

(1)APEAS(Accompagne­r–Prévenir–Éduquer –Agir – Sauver) - Jeu du foulard:16,rue des Écoles 75005 Paris. Tél. 06.21.45.41.86.

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(Photo Jean-François Ottonello) Défi numéro  : « Rends-toi sur une grue ! »

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