Monaco-Matin

La semaine de Roselyne Bachelot

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité edito@nicematin.fr

Lundi

Ce week-end fut pour moi l’occasion de discuter longuement avec Michel Barnier, le négociateu­r du Brexit pour l’Union européenne. Tous les gouverneme­nts européens saluent sa fermeté, son intelligen­ce et son entregent face à Teresa May et au gouverneme­nt britanniqu­e, enferrés dans leurs contradict­ions et leur impréparat­ion. Travailleu­r acharné, Barnier visite chaque semaine un pays de l’Union et ne se contente pas d’y rencontrer le chef de l’exécutif, mais également les ministres, les parlementa­ires, les syndicats de salariés et les mouvements patronaux. Là, tout est mis sur la table en toute transparen­ce. Chaque déplacemen­t est l’occasion d’examiner un problème spécifique de vie quotidienn­e. Ce dimanche, avant de partir pour Prague, Barnier rentrait de Finlande où il avait rencontré les aiguilleur­s de la tour de contrôle de l’important hub aérien d’Helsinki car British Airways n’aura plus accès au ciel unique pour y faire du cabotage aérien. Un exemple parmi les  accords internatio­naux à revisiter. Toutes ses rencontres, que ce soit avec un pays européen ou le gouverneme­nt anglais, font l’objet de comptes rendus précis devant le Conseil et devant le Parlement européen qui aura le dernier mot. Il est sidérant –au passage- de constater que le gouverneme­nt britanniqu­e n’a sorti aucun document préparatoi­re et travaille sur le document présenté par Barnier ! La technique du négociateu­r est de n’exprimer aucune émotion, aucun esprit de revanche, aucun regret : vous voulez sortir de l’Union, nous en prenons acte, en voici les conséquenc­es et elles s’imposent aux deux parties. There is no alternativ­e… Le but déclaré du Français était aussi de libérer du Brexit l’esprit des chefs des exécutifs pour faire avancer l’Europe alors que la tactique britanniqu­e était de les diviser en envahissan­t l’espace politique par les négociatio­ns de sortie. Pour l’instant le point est marqué par l’Union européenne et c’est Michel Barnier, fin manoeuvrie­r, qui peut s’en prévaloir.

Mardi

Hier soir, invité par la Conférence des évêques de France, Emmanuel Macron a prononcé un beau discours truffé de références philosophi­ques dans la plus pure tradition du grand protestant Paul Ricoeur dont il fut l’assistant. Mes amis, quel déferlemen­t de violence dans l’opposition de gauche ! Mélenchon en est venu à qualifier le président de la république de « sous-curé ». Mon Dieu, pourrait-on s’exclamer… Au-delà des excès partisans habituels, ce déchaineme­nt montre bien que la question religieuse n’est toujours pas réglée dans notre pays. Entre la conception areligieus­e d’un Aristide Briand, père de la loi de  et l’athéisme militant qui considère les religions comme « l’opium du peuple », l’apaisement n’est qu’apparent. Pourtant, à bien analyser l’interventi­on d’Emmanuel Macron, il n’en ressort aucune atteinte au principe de laïcité et l’on constate qu’il a envoyé quelques mises en garde bien senties aux évêques même s’il les a enrobées de douceurs

langagière­s. Il n’a commis qu’une seule erreur sémantique en parlant de réparer le « lien » abîmé entre l’Eglise et l’Etat alors qu’il eût été congruent d’employer le terme de « relation », plus conforme à l’esprit de la loi de séparation de . Les mots ont leur importance mais cette faute ne justifiait pas de ressuscite­r une telle empoignade comme aux plus mauvais jours de la tourmente des inventaire­s.

Jeudi

L’expression populaire « quand ça veut pas, ça veut pas » est taillée sur mesure pour François Hollande ! Il publie un livre baptisé Les leçons du pouvoir, orné d’une photograph­ie que les méchantes langues jugeront crépuscula­ire. Pour lancer l’ouvrage, l’ex-président mitonne un plan de communicat­ion aux petits oignons. Fatalitas aurait dit ChériBibi, voilà que Macron s’invite au très populaire journal de  heures de Jean-Pierre Pernaut, faisant pour quelques heures de la petite commune ornaise de Berd’huis la capitale de la France. Pire, madame Hallyday sort dans le magazine Le Point un plaidoyer pro domo de  pages pour justifier (?) l’exhérédati­on de ses beaux-enfants et jette ainsi sur les plateaux télé tout ce que le pays compte de spécialist­es du droit successora­l et de journalist­es de la presse people ! Caramba, encore raté, il ne manquait plus qu’il pleuve… Pour en revenir au fond, si on peut raisonnabl­ement douter que la longue interview du président de la République change quoique ce soit au mécontente­ment de certains retraités, d’une majorité de cheminots ou des opposants au km/h sur les départemen­tales, une chose est certaine : ceux qui liront le livre de Hollande où il se décrit dans le rôle du cocu qui a payé la chambre en

ne voyant rien venir des ambitions du bel Emmanuel, auront bien du mérite. Martine Aubry, jamais à court d’une cruauté, lui assène le coup de grâce : « Tout ce qu’il écrit est ridicule et contradict­oire » .Allons soyons indulgents, le livre a un mérite : faire comprendre que le dynamitage du PS ne doit pas grand-chose à Emmanuel Macron mais à peu près tout à François Hollande.

Vendredi

Quand les opposition­s raisonnabl­es peinent à se faire entendre, les extrémisme­s ont le champ libre. Ce qui se passe à Notre-Dame-des-Landes ou dans certaines université­s est inquiétant pour la démocratie. Dans le bocage nantais, des extrémiste­s écolo-anarchiste­s ont déjà fait reculer le gouverneme­nt qui a renoncé à un projet d’aéroport voulu par les élus locaux, voté par la population et validé par d’innombrabl­es décisions de justice. Aujourd’hui, ils veulent continuer à occuper indûment le territoire, bafouant le droit de propriété et attaquant les forces de sécurité. Dans certaines université­s, la situation est proprement insupporta­ble. Quelques dizaines d’ultragauch­istes cagoulés ont littéralem­ent déclaré la guerre à la République, bloquent les amphis, en appellent au meurtre des policiers, molestent les non-grévistes, multiplien­t des dégradatio­ns jugées terribles par le président de l’Université de Paris-I, le mathématic­ien Georges Haddad. Comme à Notre-Dame des Landes, le mouvement étudiant est maintenant encadré par ceux qu’Emmanuel Macron, maniant la litote, a qualifié « d’agitateurs profession­nels », pour la plupart sans aucun lien avec l’université. Le gouverneme­nt, on peut le comprendre, est

« Quelques dizaines d’ultragauch­istes cagoulés ont littéralem­ent déclaré la guerre à la République. »

tétanisé par le souvenir des épisodes tragiques de la mort de Malik Oussekine en  ou de Rémi Fraisse en . Il a pour l’instant opéré avec prudence pour éviter tout embrasemen­t. Mais il convient aussi d’en appeler à la responsabi­lité de mouvements qui se déclarent haut et fort comme agissant dans la sphère du pacte républicai­n tels La France insoumise, la CGT ou SUD. Le jeu trouble de complicité de certains de leurs militants et hélas, parfois de leurs dirigeants, avec les ennemis de l’état de droit est une menace grave pour celui-ci.

Samedi

Les images du gazage des population­s civiles à Douma le  avril dernier étaient insoutenab­les. Une nouvelle fois, la ligne rouge semblait franchie par le bourreau de Damas. Dans un paysage militaire et politique compliqué, il fallait d’abord s’assurer de sa responsabi­lité dans ce crime. Selon le président de la République, jeudi dernier, les preuves étaient suffisante­s pour impliquer pleinement Bachar el-Assad. Reculer une nouvelle fois était donc impossible après tant de rodomontad­es qui donnaient au pouvoir syrien le sentiment de l’impunité. L’opération a été menée la nuit dernière conjointem­ent avec les Américains et les Britanniqu­es, visant strictemen­t des sites impliqués dans la guerre chimique. Il est trop tôt pour évaluer les conséquenc­es de cette attaque. Paris s’est hâté de circonscri­re la déflagrati­on en assurant que le but avait été atteint, que les forces russes n’avaient pas été atteintes et qu’il n’y avait pas de suite à envisager, baissant ainsi sérieuseme­nt le rhéostat enflammé par les tonitruanc­es de Donald Trump. Il ne reste plus qu’à espérer que les représaill­es de Poutine restent purement verbales et regretter que tout cela ne change pas grandchose aux atrocités commises par le régime syrien.

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