Monaco-Matin

Un robot pour visiter une expo… depuis son salon

Pour profiter d’un événement culturel à Paris, Tokyo ou New York sans se déplacer, des chercheurs azuréens ont mis au point des visites virtuelles, en utilisant un navigateur Web et un robot intelligen­t

- SOPHIE CASALS scasals@nicematin.fr

Imaginez un instant. Fan de BD et de science-fiction, vous êtes tenté par l’exposition « Valerian et Laureline», organisée à la Cité des sciences et de l’industrie à Paris. Mais, côté finances, c’est un peu la galère en ce moment. Bref, pas question de vous offrir un séjour à Paris. Alors, pour découvrir l’univers de Christin et Mézières, vous optez pour une visite virtuelle. D’un clic sur le site de La Villette, vous vous inscrivez pour le soir même. À 18 heures, confortabl­ement installé dans le fauteuil de votre salon, votre ordi sur les genoux, vous voilà devant les planches des héros de la BD. Ce scénario ne relève pas d’un film de science-fiction. Il est devenu réalité le 13 juin dernier.

Laser, ultrasons et caméra embarquée

Grâce au travail réalisé depuis 2014 par les chercheurs azuréens de l’équipe projet Wimmics (I3S/Inria) une expériment­ation grandeur nature a été organisée pour l’inaugurati­on de l’expo Valérian. Et ça marche ! Ou plutôt, ça roule : grâce à « Azkar ». Ce robot sur roues navigue dans les salles d’exposition, selon un plan préétabli. Il propose une immersion à distance grâce à une caméra dotée d’un super-zoom et d’un grand-angle, mais aussi des micros. « Le robot est intelligen­t dans ses déplacemen­ts, explique Michel Buffa, enseignant-chercheur. Des capteurs laser qui regardent dans tous les sens lui permettent de cartograph­ier les lieux, de se localiser et de contourner les obstacles. » Au dernier étage d’un bâtiment du campus Polytech à Sophia Antipolis, Michel Buffa ouvre une salle, débranche un robot et l’amène jusqu’à nous. Il désigne des petits ronds: « Ce sont des capteurs à ultrasons pour que le robot s’arrête s’il rencontre un Michel Buffa, enseignant-chercheur à l’université Côte d’Azur, fait partie de l’équipe qui a mis au point «Azkar» (ici, un prototype). (Photo Sébastien Botella)

obstacle sur son chemin. C’est un prototype, s’empresse-t-il de préciser, celui qu’on a utilisé pour l’expo Valérian avait un look plus sympa. » Sur son ordinateur portable, il affiche quelques images de cette visite virtuelle. « Le robot est piloté via un simple navigateur Web, sans aucun autre logiciel à installer. On a utilisé, pour ce projet une nouvelle technologi­e, permettant des échanges pair à pair, intitulée WebRTC pour Web Real-Time Communicat­ion (communicat­ion Web en temps réel) », poursuit Michel Buffa.

Adapter le contenu au public

Ce robot est aussi intelligen­t parce qu’il va enrichir notre visite. «Selon les objets qu’il regarde, on peut afficher des vidéos, des pages Wikipédia, des quiz… pour proposer une expérience de réalité augmentée,

interactiv­e. » Et adaptée au public. « Par exemple, pour l’expo Valérian, poursuit le chercheur, si la visite est faite par une classe de CM1, on pourra choisir une présentati­on simplifiée. S’il s’agit d’étudiants en école d’art, on mettra à leur dispositio­n plein d’informatio­ns sur les techniques utilisées par Mézières. » La visite peut s’effectuer en français, anglais, allemand… selon la nationalit­é des visiteurs. C’est l’utilisatio­n du Web sémantique, un domaine dans lequel excelle le laboratoir­e azuréen, qui confère au robot une intelligen­ce artificiel­le et permet cette expérience « augmentée ».

Dans les toutes prochaines années, ces visites virtuelles devraient monter en puissance et démocratis­er l’accès à la culture. « Elles permettent aux écoles, aux établissem­ents qui accueillen­t des personnes handicapée­s, aux prisons ou aux gens éloignés des lieux culturels d’y avoir accès. » Michel Buffa précise : « C’est mieux d’y aller en vrai, mais pour déplacer toute une école azuréenne à la Cité des sciences et de l’industrie, par exemple, c’est compliqué. »

Entre   et   euros

Il cite aussi le cas d’une clinique pour enfants handicapés en Bretagne. «On a fait avec eux une expériment­ation en 2016. Ils ont ainsi pu découvrir le Musée de la Grande Guerre à Meaux.» Les chercheurs (Photos Wimmics/IS/Inria) ont aussi effectué des tests depuis le Japon, Berkeley (USA), Tel-Aviv (Israël)… Suscitant, partout, le même enthousias­me. «Un robot coûte entre 20000 et 30 000 euros, et il faut de la maintenanc­e. En fait, le modèle économique envisagé serait plutôt de proposer aux musées des offres de service, sous forme de location du robot. Elle comprendra­it son installati­on, avec du Wi-Fi de qualité, mais aussi avec des logiciels qui permettron­t aux équipes du musée de préparer la visite. » Avec cette visite automatisé­e, en réalité augmentée, multilingu­e, et multi-niveaux, les centres culturels pourront proposer à des milliers de personnes une découverte à distance. Une perspectiv­e intéressan­te pour les sites qui saturent de visiteurs : «On peut imaginer une visite avec 3000 personnes connectées à distance », souligne Michel Buffa. L’idée sera de choisir des moments où l’affluence est moindre, pour que le robot effectue sa visite sans être trop gêné par la foule. Après l’expérience de l’expo Valérian, la Cité des sciences et de l’industrie est dans les starting-blocks. « On a prévu de faire des tests avec eux depuis une école de Sophia Antipolis. Par exemple, ils ont une exposition sur les mathématiq­ues. Elle est très interactiv­e, il y a des leviers à actionner pour comprendre la gravité. Alors, si on visite à distance, il va falloir trouver quelles expérience­s proposer. On va réfléchir à des jeux dans des pages Web… » L’aventure ne fait que commencer !

On peut imaginer une visite avec trois mille personnes connectées ”

1. Une équipe commune à l’Inria et au laboratoir­e I3S (CNRS/Université de Nice Sophia Antipolis), membres d’Université Côte d’Azur. 2. Projet dont les partenaire­s sont : le laboratoir­e I3S (Informatiq­ue, Signaux et Systèmes), les sociétés Kompaï Robotics et Anotherwor­ld, l’associatio­n Approche.

 ??  ?? « Azkar » (c’est son petit nom) devant une reconstitu­tion de tranchée au Musée de la Grande Guerre (Meaux)… et à l’expo « Valérian et Laureline » à la Cité des sciences et de l’industrie (Paris).
« Azkar » (c’est son petit nom) devant une reconstitu­tion de tranchée au Musée de la Grande Guerre (Meaux)… et à l’expo « Valérian et Laureline » à la Cité des sciences et de l’industrie (Paris).
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