Monaco-Matin

Emmanuel Macron ne lâche rien

Le feu roulant des questions d’Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin n’a pas réussi à déstabilis­er Emmanuel Macron, hier soir. Le chef de l’Etat s’est employé à justifier son cap, sans inflexion

- THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Attention, journalist­es féroces ! Nul, même blanc comme neige, n’aimerait être pris entre les griffes des sieurs Plenel et Bourdin. On nous avait promis, à grands roulements de tambour, du rentre-dedans. Venu chercher de la repartie, Emmanuel Macron aura été servi, au-delà de ses espérances peut-être, hier soir sur BFM-TV et RMC, en direct du palais de Chaillot. On n’avait rarement, pour ne pas dire jamais, vu des interviewe­rs pilonner ainsi un président de la République. Tour à tour procureurs moralisate­urs et quasi-opposants indignés, Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin, teigneux en chefs, n’ont pas laissé une seconde de répit au chef de l’Etat. Celui-ci a dû déployer des trésors de sang-froid pour ne pas exploser, comme il en a sans doute eu plus d’une fois envie. A l’arrivée, comme un sentiment de malaise. Ce bombardeme­nt permanent a permis à Emmanuel Macron d’afficher sa déterminat­ion autant que sa capacité d’encaisseme­nt. Mais en a-t-il dit plus que face à Jean-Pierre Pernaut jeudi? Pas vraiment… Si ce n’est la confirmati­on de son cap, dont on avait déjà bien compris qu’il ne comptait pas en dévier sous la pression populaire, Emmanuel Macron ne nous a pas appris grand-chose hier soir. L’agressivit­é a aussi ses limites…

L’interventi­on en syrie

Le feu roulant des questions ne pouvait s’ouvrir que sur l’interventi­on militaire du week-end en Syrie. Emmanuel Macron l’a assumée et justifiée. « Trois sites de production d’armes chimiques ont été visés. Nous avons réussi l’opération sur le plan militaire, sans aucune victime. » Le Président a aussi mis en avant la nécessité de montrer à la Russie, qui se régale des faiblesses occidental­es et s’inscrit en permanence dans le rapport de forces, qu’elle allait enfin trouver à qui parler, par-delà les postures morales sans lendemain. «En Syrie, nous menons une guerre contre Daesh. Mais l’accord sur la neutralisa­tion des armes chimiques n’a pas été respecté par Bachar elAssad, avec la complicité de la Russie. Nous avons simplement oeuvré pour que les résolution­s du Conseil de sécurité de l’ONU ne restent plus lettres mortes. On ne peut pas se contenter de donner des leçons de morale depuis Paris. »

« La tyrannie deminorité­s»

Titillé sur son mode de gouvernanc­e «en force», sans concertati­on, Emmanuel Macron a estimé que les mécontente­ments actuels avaient peu à voir les uns avec les autres. « La réforme des cheminots sera menée jusqu’à son terme, a-til confirmé, jugeant par ailleurs « illégitime­s ceux qui, à Notre-Damedes-Landes (ou dans les facs), s’opposent à l’ordre républicai­n. Occuper illégaleme­nt l’espace public, ce n’est pas l’ordre républicai­n ». Il a refusé toute agrégation: «Je ne souscris en rien au fait qu’il y aurait une coagulatio­n des luttes. Je n’aime pas la malhonnête­té intellectu­elle.

Mon objectif reste d’unir le pays, mais on ne l’unira pas par l’inaction et en cédant à la tyrannie de minorités.» Et d’enfoncer le clou un peu plus tard : « Il y a une colère dans le pays, qui tient à des injustices profondes, qui ne datent pas d’aujourd’hui mais auxquelles nous nous attaquons depuis le début du quinquenna­t. »

Améliorer le pouvoir d’achat

Face aux injustices sociales et aux retraités qui perdent du pouvoir d’achat convoqués avec véhémence par Jean-Jacques Bourdin, aux cadeaux fiscaux consentis aux plus riches mis en exergue par Edwy Plenel, Emmanuel Macron a réitéré sa volonté de privilégie­r «la rémunérati­on du travail»... « J’ai demandé un effort, que j’assume parfaiteme­nt, aux plus âgés d’entre nous, parce que j’ai besoin de remettre

notre pays au travail. Il y a aujourd’hui trop de gens qui travaillen­t dur et ne gagnent pas assez. Les décisions que nous prenons améliorent le pouvoir d’achat des travailleu­rs. J’assume aussi les gestes fiscaux que j’ai faits pour ceux qui réinvestis­sent dans l’économie. Le travail est la clé du redresseme­nt du pays.»

le défi collectif du grand age

Interrogé sur la grande misère des hôpitaux et des EHPAD, Emmanuel Macron a promis « une réorganisa­tion, en sortant de la tarificati­on à l’activité et en repensant le rapport entre médecine de ville et hôpitaux. Nous allons aussi nous atteler à la réorganisa­tion des services de dépendance, en construisa­nt un financemen­t du dernier âge de la vie qui reste à définir». La piste d’un second jour férié travaillé n’est pas écartée, au contraire. Une chose est sûre, à défaut de plus amples annonces, c’est « la collectivi­té nationale qui devra prendre en charge » le défi du grand âge. La réforme des retraites sera par ailleurs engagée en 2019. Le principe de la retraite par répartitio­n ne sera pas remis en cause mais unifié, à travers la suppressio­n des régimes spéciaux et l’alignement du public sur le privé.

« rétablir l’égalité republicai­ne dans les quartiers »

«Il faut être intraitabl­e dans la lutte contre l’islamisme radical, mais nous devons aussi rétablir l’égalité républicai­ne dans les quartiers », a plaidé le Président sur le sujet de l’islam. Il a, en revanche, considéré qu’il serait « contre-productif » d’interdire le voile dans la rue ou d’enfermer systématiq­uement les fichés ‘‘S’’. Quelques belles envolées sur la grandeur du projet européen et l’égalité entre les hommes et les femmes, dont il s’est présenté comme un pionnier, bien avant les secousses de l’affaire Weinstein, ont conclu cet entretien fleuve de deux heures quarante-cinq qui, pour avoir été punchy à souhait, n’aura rien appris de bien nouveau aux Français. Féroce jusqu’au bout, Jean-Jacques Bourdin a remué le couteau dans la plaie en annonçant, au moment du gong final, la victoire pléthoriqu­e du PSG sur Monaco, 7-1. De quoi donner à certains des regrets d’avoir regardé BFM-TV ?

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 ??  ?? «Mon objectif reste d’unir le pays, mais pas par l’inaction.» (Photo MAXPPP)
«Mon objectif reste d’unir le pays, mais pas par l’inaction.» (Photo MAXPPP)

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