Un psychiatre reconnu innocent pour la e fois
Le psychiatre monégasque Armand Zemori a-t-il escroqué les caisses sociales de la Principauté ? La question tourne en boucle depuis une dizaine d’années. Mais, hier matin, la Cour d’appel correctionnelle a mis également hors de cause ce médecin spécialiste des maladies mentales. Dans son arrêt lu par le président Éric Senna, cette juridiction du second degré l’a relaxé et confirmé le jugement contradictoire du tribunal correctionnel du 12 avril 2016. Pareille décision peut résider dans le fait que la preuve de la culpabilité de l’intéressée n’a pas été rapportée, comme l’a souvent démontré la défense. Est-ce pour autant la fin des péripéties judiciaires pour le praticien ? La décision sera définitive après l’ultime voie de recours possible, le pourvoi en révision. S’il est encore trop tôt pour connaître la réaction de la partie civile, l’éventualité ne peut être écartée au regard des sommes mentionnées par les plaignants. En l’occurrence un préjudice chiffré à 700 000 euros réclamés par les caisses sociales de la Principauté CCSS et CAMTI.
« Ce personnage ne pense qu’à l’argent »
Mais qu’est-il exactement reproché au psychiatre par ses adversaires ? Une facturation de consultations et encéphalogrammes fictifs entre 2005 et 2008. Il y est fait état de milliers d’actes litigieux, plus une somme approximative de 725 000 euros perçue par le biais de manoeuvres frauduleuses. Le médecin aurait demandé indûment le remboursement de soins non effectués ou non médicalement justifiés. Depuis 2008, ces organismes, investis d’une mission de service public, ont considéré le volume d’activités anormalement élevé du spécialiste. Des contrôles sont effectués auprès de plusieurs patients pour vérifier s’ils étaient réellement présents au cabinet. D’où la plainte déposée le 2 octobre
2009 pour escroquerie et la dénonciation de quelque 146 actes dans la même journée du 16 août 2016. L’accusation, conduite par Me Franck Michel rappelle la fraude : «A la barre, ce psychiatre adopte le visage du professionnel compétent poursuivi à tort par les caisses dans une vindicte imaginaire. Or, il s’agit d’une carambouille où l’on
fait signer aux malades des feuilles de soins en blanc pour se faire rembourser. Ce personnage ne pense qu’à l’argent. Il se croit intouchable parce qu’il est à Monaco et expert ! » Le praticien réfute ces allégations.
«Ce volume est possible dans mon activité »
« Les caisses n’ont jamais pu fournir ces justificatifs. Quand il m’est reproché d’avoir effectué jusqu’à 146 actes par jour, seules ont été établies quelques journées en 2006 et en 2007 à soixante actes. Ce volume est possible dans mon activité, car je travaillais de 6 h 30 à 22 h 30, six jours sur sept et quelquefois sept sur sept. » Le ministère public reste convaincu « de la culpabilité du docteur. C’est tellement éloquent que
les experts n’ont pas eu besoin d’examiner les documents. 95 % des procédures HNP (honoraires non payés) ont facilité les facturations fictives… » Une peine de deux ans avec sursis était requise, avec le régime de la liberté d’épreuve pendant cinq ans afin d’obtenir le remboursement des sommes pour la partie civile. Mais Me Éric Dupont-Moretti, ténor du Barreau de Paris, et l’avocat Arnaud Zabaldano, son homologue du Barreau monégasque, contestent à nouveau la véracité des documents et la fiabilité des témoins. Ils estiment qu’après dix ans de procédure, les caisses ne justifient pas la réalité des chiffres avancés, ni l’importance des dommages et intérêts !