Des spécialistes font le portrait de Donald Trump
La Monaco Méditerranée Foundation vient d’inviter Thierry de Montbrial et Laurence Nardon. Lors de la conférence, les deux spécialistes ont dressé le portrait du président américain
Au-delà des points de vue ou autres réactions spontanées que la terre entière a à l’endroit de Donald Trump, la Monaco Méditerranée Foundation a voulu avoir des commentaires instruits sur le président américain. Avec Thierry de Montbrial, fondateur et président de l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI), membre de l’Institut de France ; et Laurence Nardon, responsable du Programme Amérique du Nord de l’FRI, Enrico Braggiotti a offert à ses invités l’opportunité d’être éclairés par des chercheurs. «En quoi Trump change-t-il l’Amérique et le monde ? » Tel était le sujet précisément évoqué et celui qui a rassemblé de très nombreuses personnalités de la Principauté dans la Salle Belle Époque de l’Hôtel Hermitage. Pour Thierry de Montbrial, le « phénomène Trump » dépasse l’individu lui-même. «Le trumpisme survivra à Trump. On est probablement à un vrai tournant avec quelque chose de plus profond. » Le président de l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI) parle de «l’introversion trumpiste». « Qu’on le veille ou non, les États-Unis ont perdu énormément de crédibilité dans le monde. »
« Séquence très préoccupante »
Laurence Nardon, chercheur, travaille depuis deux ans sur la personnalité et l’action du président américain. « On se heurte en permanence à une difficulté de compréhension de ce personnage. C’est un président atypique. De jour en jour, il y a une dissonance cognitive. Et cette difficulté se renouvelle de semaine et semaine. Je pense que nos difficultés tiennent à sa personnalité narcissique. Comme les enfants, Trump pense être au centre du monde. Il supporte très mal la contradiction. Ça nous donne ce personnage colérique qui pourtant aime plaire. » Un deuxième facteur de difficulté d’appréhension du personnage réside « sur le plan idéologique ». Durant sa campagne, il a échafaudé « des thèses populistes », oscillant « entre les thèses développées par Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ». « Trump dénonce l’immigration latino en construisant un mur, promis très douteux sur la population noire, sur musulmans. Aussi discours populiste de gauche. Il est contre Wall Street, les grandes fortunes qui achètent les politiciens, remet en cause le libre-échange source de chômage des classes moyennes selon lui. » Contrairement à une idée répandue, les débuts de Trump ont été assez modérés. « Il avait conscience de ne pas maîtriser bien les rouages du système, explique Laurence Nardon. Ila nommé des gens raisonnables autour de lui. Il s’est donc rendu à l’avis de ses conseillers. Ainsi, sur l’Afghanistan, il a fait marche arrière suivant la position de son entourage. » Mais les lignes bougent depuis quelques semaines selon le chercheur de l’IFRI. « Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est une nouvelle séquence inattendue depuis quelques semaines.» Est-ce qu’il va «s’assagir»? «Depuis janvier, il est encore plus populiste. Il a “viré ” par tweet son secrétaire d’État Rex Tillerson. Sur la politique étrangère, on est dans une séquence très préoccupante. » Trump s’est séparé de conseillers nuancés pour «nommer des faucons, des va-t-en-guerre. Nous sommes dans une séquence de durcissement du président. Il faut être vigilants car son entourage pourrait l’entraîner à intervenir dans les points chauds du globe. » Mais Thierry de Montbrial insiste sur l’incertitude à laquelle conduit la politique commerciale de Trump et qui «génère de l’anxiété dans le monde entier. Les gens qui voient au-delà de l’immédiat voient bien qu’il peut y avoir des crises financières ou monétaires importantes. » Et les relations et positions du président américain sur l’Iran et la Corée du Nord ne sont certainement pas de nature à rassurer la communauté internationale. «Je pense que, pour la crédibilité des États-Unis, tous ces épisodes sont assez dramatiques. » Autant d’analyses qui montrent combien l’équilibre mondial est fragile…