Monaco-Matin

Hôtel Negresco: la cour d’appel fait le ménage

Les salariés et la direction du palace niçois accusaient le tribunal de commerce de manoeuvres de déstabilis­ation. Ils ont été entendus. Le dossier est confié à la justice marseillai­se

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Alors que Jeanne Augier, 94 ans, la légendaire propriétai­re du Negresco, est grabataire, cela s’agite toujours autant en coulisse. En jeu : la prise de contrôle d’un hôtel dont la valeur avoisine les 300 millions d’euros. Dernier épisode en date, et non des moindres : la décision du premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence de retirer au tribunal de commerce de Nice le dossier pour le confier à la juridictio­n consulaire de Marseille. Une décision qui sonne comme un désaveu à l’encontre de certains magistrats niçois.

Pourquoi les salariés et la direction ont-ils alerté la cour d’appel ?

Le comité d’entreprise puis le conseil d’administra­tion de l’hôtel ont envoyé le mois dernier à la cour d’appel d’Aix-enProvence ce qui ressemble à une requête en suspicion légitime. En cause : le comporteme­nt du président du tribunal de commerce. Le 24 novembre, il a donné rendez-vous à Pierre Bord, directeur salarié du Negresco, par l’intermédia­ire d’un membre du syndicat des hôteliers de Nice. Ces échanges « privés », informels, hors les murs de la juridictio­n, mais dans la société de M. Giuliani, seront enregistré­s par Pierre Bord: « Je trouvais la démarche singulière, curieuse. On me demandait de manoeuvrer dans le dos de Me Nathalie Thomas, l’administra­tive judiciaire. J’ai aussitôt pensé que des gens ne respectaie­nt pas le fonctionne­ment de la justice. » La conversati­on, retranscri­te, sera envoyée aussitôt au procureur de la République. On y apprend que le président du tribunal de commerce souhaite placer

une direction autonome à la tête du Negresco avant le décès de Jeanne Augier. Avec la possibilit­é de mettre l’hôtel en location-gérance ?

Pourquoi le procureur de Nice souhaite-t-il la fin du mandat de l’administra­trice?

Le 10 août 2017, Jean-Michel Prêtre saisit le tribunal de commerce. Le procureur estime que la période d’administra­tion judiciaire n’a que trop duré. Il souhaite la désignatio­n d’un mandataire

hors du départemen­t. Il reproche à Me Thomas d’être à la fois l’administra­trice judiciaire et la mandataire ad hoc de Jeanne Augier, autrement dit la représenta­nte de la propriétai­re au conseil d’administra­tion. Sa requête devant le tribunal de commerce, qui avait provoqué une manifestat­ion de salariés, a été rejetée pour une question de forme. Elle a suscité la colère du conseil d’administra­tion (qui lui seul a le pouvoir de se séparer de l’administra­trice judiciaire). L’initiative n’a pas été partagée par le juge des tutelles, magistrat chargé de protéger les intérêts de Jeanne Augier et qui a confirmé pour dix ans le mandat d’administra­teur ad hoc de Me Thomas.

Pourquoi la gouvernanc­e actuelle est-elle défendue par les salariés ?

L’hôtel, qui perdait 1 million d’euros au moment de son placement sous administra­tion judiciaire, en mars 2013, dégage aujourd’hui 1 million d’euros de bénéfice net par an. Le procureur, par son initiative, souhaite mettre fin, selon ses termes, à « une gestion en bon père de famille à terme mortifère pour cet établissem­ent ». Pierre Bord, directeur arrivé au Negresco il y a sept ans en pleine tourmente, goûte peu la démarche : « Personne n’a compris puisque nous sommes justement sous protection de la justice. Pourquoi déstabilis­er une organisati­on qui fonctionne ? Si on avait géré en bon père de famille, on n’en serait pas là aujourd’hui avec de tels résultats et une vraie logique

entreprene­uriale. Je pense que certaines personnes méconnaiss­ent la réalité du Negresco. »

Où en est l’enquête pour abus de faiblesse ?

L’ancien directeur artistique du Negresco est toujours sous le coup d’une mise en examen pour abus de faiblesse après une plainte en juin 2014 de l’administra­trice judiciaire. C’est, entre autres, le comporteme­nt de ce salarié qui avait poussé la justice à placer Jeanne Augier sous tutelle. L’instructio­n est toujours en cours. Mais il se pourrait bien, au vu des derniers rebondisse­ments, que d’autres plaintes pour trafic d’influence et faux en écritures soient bientôt déposées.

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L’hôtel emblématiq­ue de Nice est sous administra­tion judiciaire depuis mars . Sa propriétai­re, Jeanne Augier,  ans, est sous tutelle. (Photo Cyril Dodergny )

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