Pas d’entorse à la liberté de création des syndicats
L’Union des syndicats, qui considérait une demande de modification de statuts comme un refus implicite d’approuver la création d’un syndicat, a vu son recours rejeté par la Haute juridiction
Hasard du calendrier ? Ou étonnant concours de circonstances ? À l’heure des revendications exprimées au cours de la 34e édition du congrès de l’Union des syndicats, le Tribunal Suprême s’est penché sur le principe de liberté de leur création et les limites strictes du contrôle administratif. Pour quelle raison la juridiction constitutionnelle a relu les ordonnances n° 399 (du 6 octobre 1944) et n° 2.942 (du 4 décembre 1944) ? Ces mêmes textes qui soumettent la création d’un syndicat professionnel à une procédure administrative d’approbation de ses statuts par le Ministre d’État. Parce que le chef du gouvernement a été saisi d’une demande d’approbation des statuts d’un nouveau groupement professionnel, dénommé « Syndicat de la Santé et des Services à la Personne de Monaco ». « Dans le cadre de l’instruction de cette demande, a précisé le rapporteur, la direction du Travail a invité à trois reprises les fondateurs à réaliser des modifications de leurs statuts. En dernier lieu pour respecter l’obligation, posée par l’article 2 de l’Ordonnance-Loi du 6 octobre 1944, de ne grouper que des personnes exerçant la même profession, des métiers similaires ou des professions connexes ».
Si le syndicat obtempère…
Dès lors, l’Union des syndicats Les créateurs du nouveau syndicat avaient accepté les modifications de statuts suggérées par la Direction du Travail. (Photo archives Jean-François Ottonello)
monégasques demandait au Tribunal Suprême l’annulation du courrier contenant cette dernière invitation. Elle estimait qu’il s’agissait d’un refus implicite de la direction du Travail d’approuver les statuts. Les autres créateurs du syndicat ont accepté les modifications des statuts suggérées par l’administration et ces statuts modifiés ont été approuvés par le Ministre d’État.
La Haute juridiction a admis que l’administration chargée de l’instruction de la demande puisse, dans une démarche de dialogue avec les fondateurs du syndicat, leur faire part des illégalités éventuelles dont pourraient être entachés les statuts. Elle les a évidemment invités à réaliser les modifications nécessaires. Si le syndicat obtempère à l’invitation de l’administration, cette dernière est
forcément saisie d’une demande portant sur les textes modifiés. D’où la précision suivante des juges, en osmose avec leurs fonctions constitutionnelles et administratives : « Après avoir rappelé que la liberté syndicale est protégée par la Constitution ainsi que par la Convention européenne des droits de l’homme, le Tribunal Suprême en déduit que le gouvernement a pour unique mission de s’assurer que les statuts et règlements des syndicats respectent les conditions légales régissant leur création et leur fonctionnement. »
Pas de caractère contraignant
«L’invitation, adressée par la Direction du Travail, de modifier les statuts ne peut donc être assimilée à une décision de refus d’approbation qu’il appartient au seul Ministre d’État de prendre. Dès l’instant où cette incitation ne présente pas de caractère contraignant pour les fondateurs du syndicat, il appartient à l’administration d’instruire leur demande et, en particulier, de leur faire part de ses suggestions dans les meilleurs délais. « Dès lors, si les fondateurs du syndicat entendent maintenir leur demande initiale, ils sont toujours libres de saisir le Tribunal Suprême, dans le délai de droit commun, d’un recours tendant à l’annulation du refus du Ministre d’État d’approuver leurs statuts. Un tel refus peut être interprété par un silence gardé pendant les quatre mois suivant la demande, ou d’une décision expresse. » En conclusion, la juridiction compétente a constaté que l’invitation de la direction du Travail, attaquée par les requérants, ne présentait pas de caractère contraignant et ne pouvait faire l’objet d’un recours devant ce Tribunal. Il a, en conséquence, rejeté leur recours.