« Ce n’est pas une révolution mais un gros changement »
Questions à Sarah Perret, experte en fiscalité à l’OCDE
Économiste au centre de politique et d’administration fiscales de l’Organisation de coopération et de développement économiques, Sarah Perret décortique la réforme et ses conséquences.
Quel est l’objet de la réforme ? Le prélèvement à la source, c’est faire collecter l’impôt par un tiers payeur, en l’occurrence par l’employeur ou l’organisme qui verse le revenu (caisses de retraite par exemple), au moment où les revenus sont versés au contribuable. En France, presque la moitié des prélèvements obligatoires (cotisations sociales, CSG) est déjà prélevée à la source. C’est simple pour les cotisations sociales, mais beaucoup plus compliqué pour l’impôt sur le revenu.
En quoi est-ce plus compliqué ? Avec l’impôt sur le revenu, on est sur des taux progressifs, des règles différentes en fonction de la composition familiale. Le contribuable doit remplir sa déclaration de revenus et, sur cette base, l’administration fiscale calcule le taux d’imposition personnalisé c’est-à-dire le rapport entre l’impôt dû pour et les revenus gagnés la même année. C’est un taux par défaut que l’administration transmettra à l’employeur ou l’organisme versant le revenu. Un certain nombre de spécificités dans le système français rendent le prélèvement à la source compliqué. Le premier c’est le quotient familial, la prise en compte du nombre de personnes dans le calcul de l’impôt sur le revenu. Ensuite, s’ajoutent les niches fiscales bien plus nombreuses que dans beaucoup d’autres pays. Cela crée de multiples situations particulières.
Le contribuable peut-il s’y opposer ? Non. Le contribuable a le choix entre deux alternatives au taux par défaut : s’il a un souci de confidentialité, il peut opter pour le taux dit neutre qui ne prend pas en compte sa situation familiale et correspond à celui d’un célibataire sans enfant, à son niveau de salaire. Mais du coup, l’impôt collecté ne sera pas très proche de la réalité et l’administration risque de demander des ajustements a posteriori. L’autre alternative pour les couples, c’est d’avoir un taux individualisé, qui prend en compte la disparité de leurs revenus afin de répartir de façon différente le paiement de l’impôt entre les conjoints. Cela ne change pas le montant de l’impôt.
Est-ce une réformette ou une révolution ? La France et la Suisse sont les seuls pays de l’OCDE à ne pas appliquer le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Lequel s’applique même dans de grands pays hors OCDE, comme l’Inde ou le Brésil. Ce n’est pas une révolution car nous sommes parmi les derniers à le faire. Mais ça reste un gros changement au regard de la spécificité du système français.
Quelles seront les conséquences sur les contribuables et sur les entreprises ? Pour le contribuable, même avec cette simplification, la déclaration est obligatoire et le prélèvement ne sera pas libératoire puisqu’il y aura des possibilités d’ajustement. En revanche, comme l’impôt est prélevé au moment où le revenu est versé, cela permet de prendre en compte les changements de situation et d’étaler le paiement sur mois et non plus sur pour ceux ayant déjà choisi la mensualisation. Pour les entreprises, jouer ce rôle de collecteur est une source d’inquiétude et va générer des coûts. Autre crainte des employeurs, l’effet psychologique chez les salariés qui vont voir leur salaire réduit et risquent de demander des augmentations. Mais rien n’indique vraiment que cela va se produire
sera-t-elle une année blanche ? Non. On ne sentira pas de décalage, mais ça peut changer pour les gens qui ont des revenus assez variables. Le gouvernement a mis en place des mesures de lutte contre l’optimisation fiscale que certains sont tentés de faire en , en faisant artificiellement gonfler leurs revenus de qui ne seront pas taxés.