Monaco-Matin

Gaëla Pujol: «On est ses poupées»

- S. G.

La voix est combative. Pourtant, son histoire est rendue publique. Mais elle n’a pas peur. Elle ira jusqu’au bout. «Je ne suis pas la première à qui il fait ça. Et si je n’avais pas parlé, je suis certaine que je n’aurai pas été la dernière», parie-t-elle. Gaëla Pujol a 35 ans. Une vie de danse au plus haut. C’est elle qui a déposé plainte contre Éric Vu-An, fin mars pour « harcèlemen­t moral et discrimina­tion ».

C’est lui qui l’a recrutée au ballet NiceMédite­rranée, en septembre 2013. « Avant j’étais soliste à l’opéra de Berlin pendant huit ans », contextual­ise-t-elle. Jusqu’à sa grossesse, la danseuse jure qu’elle n’a jamais eu de souci avec le directeur artistique: « Il avait trop besoin de moi, j’ai toujours fait les premières. » Pourtant, elle se souvient : « L’ambiance générale était horrible au sein du palais. C’est un dictateur. » Les confidence­s lors des visites à la médecine du travail dénoncées par une autre danseuse du ballet ? « Des danseurs en ont parlé. Mais il est intouchabl­e, Monsieur est protégé. Rien n’a jamais été fait. » Gaëla Pujol a l’impression d’être seule au monde dans ce combat. À l’exception, bien sûr, de son compagnon et ses enfants.

« Je sais à qui je m’attaque »

Elle souffle… L’absence de solidarité à l’opéra, c’est normal : « Il prend des danseurs et danseuses très jeunes, souvent étrangers. Plus malléables. Il les met dans la précarité et dans la peur. Une danseuse a eu dixhuit contrats en six ans. Il joue là-dessus, en menaçant constammen­t : “Je ne sais pas si je vais te garder.” Dès qu’il y a des nouveaux, il jette les anciens. On est ses poupées. Les valets du roi. »

Et les « pressions » aussi… La soliste soupire : « Il y a une semaine, il y a eu l’élection des délégués, personne n’a osé se présenter. Si on le fait, on se met en danger. »

Soudain, elle craint qu’on la prenne pour une « petite chose » : « Je suis une battante, je ne suis pas une petite nature. J’ai dansé avec une déchirure intercosta­le sans rien dire. Mais au retour de ma grossesse, il m’a fait vivre un enfer. » Gaëla a décidé de ne pas laisser passer : « Tant pis si je dois en subir certaines conséquenc­es. Je sais qu’il va me falloir de grandes armes pour me défendre, car je sais à qui je m’attaque. » « Ce calvaire », elle en parle ouvertemen­t. Alors qu’elle revenait de ses congés maternité, Vu-An l’aurait « poussée à bout physiqueme­nt. Il m’a donné un rôle extrêmemen­t difficile même pour quelqu'un qui ne reviendrai­t pas d’une grossesse [elle est revenue au travail en janvier, deux mois après son accoucheme­nt]. J’avais seulement deux semaines, c’était inhumain. J’ai fait un malaise d’épuisement. Et ce jour-là, il était là. Ça ne l’a pas calmé. » Mais pour la bayadère, ça a été le déclic pour se lancer dans la bataille.

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