Il dînait dans les grands restaurants sans payer la note
Quand on voit arriver, lundi, à l’audience de flagrance, cette masse humaine bedonnante et menottée dans le box, on sait d’avance que c’est pour une affaire de grivèlerie. Car Peter, un Néerlandais de 34 ans sans profession et résidant à Anvers (Belgique), en est à sa sixième comparution devant le tribunal correctionnel pour avoir dîné dans les grands restaurants de la Principauté sans payer la note. Après «L’Hermitage» (1280€ en novembre 2016), le « Café de Paris » (680€ en décembre 2016), le « Quai des Artistes » (565€ en mars 2017), « Le Métropole » (3 274€ en janvier 2018) et à nouveau « L’Hermitage » (3 200€ en février dernier), c’est au restaurant « Pacific MonteCarlo » de l’avenue des Spélugues qu’il a remis le couvert.
Contre l’expertise psychiatrique
Vendredi soir, après du champagne «Dom Pérignon» rosé, entrecôte, dessert et digestif, il n’a pu honorer l’addition de 804€. Les cellules sénescentes du prévenu, décrit comme une personnalité antisociale, apparaissent prématurées
et ses fonctions cognitives altérées. Même pendant son interrogation, il maintient ses yeux clos et s’exprime avec une phonation robotique. Il entend des voix dans sa tête et il voit des objets défiler dans son esprit. Serait-ce la raison pour laquelle, d’emblée, par le biais de son conseil, et l’argumentation, d’apparence
logique, d’un véritable arsenal de la pharmacopée aux vingtsept remèdes, il demande le report de l’audience pour une expertise psychiatrique ? Les magistrats s’y opposent, car aucun trouble ou symptôme objectif n’a été constaté lors de précédentes comparutions du Batave. Comme au cours de sa récente garde à vue. Le représentant du parquet les conforte dans leur décision en évoquant « un comportement de comédien qui connaît bien la méthodologie monégasque. Il se présente comme une personne affaiblie psychiquement et tenue à un traitement médicamenteux obligé. Avec cette demande d’expertise, il pense retarder la procédure judiciaire et manger gratuitement. N’exposez pas les deniers monégasques à des fins inutiles. » Les débats reprennent et le président Florestan Bellinzona recadre le prévenu sévèrement.
« Ce sont des voix qui me guident… »
«Vous revenez toujours à Monaco où vous avez fait quatre mois et demi de prison. En plus, une mesure de refoulement vous avait été notifiée le 5 janvier dernier. Pourquoi n’allez-vous pas dans les restaurants de Beausoleil ou de Vintimille?» Spécieux babil où les mots manquent de raison : « Ce sont toujours ces satanées voix qui me guident ,raconte le prévenu. Je suis malade… » Le « scénariste » trouverat-il enfin la recette idéale pour se détourner de sa mauvaise habitude d’intempérance qui excite sa passion de la table ? Le premier substitut Olivier Zamphiroff en doute et réfute toute déficience mentale. «On ne commande jamais le pichet, mais les grands crus et les mets les plus savoureux. Cet amateur de bonne chère reste mystérieux et il a décidé de vivre au crochet des restaurateurs de Monaco où il y est interdit de venir. » Pour éviter de prochaines victimes de cet ostentateur de la resquille, il sera requis « une peine de six mois de prison ferme afin que l’individu ne se joue plus de l’autorité ». Le dossier est dans une impasse, pour la défense, malgré une grivèlerie reconnue. « L’absence d’expertise médicale bloque cette procédure, estime Me Clyde Billaud. Une nouvelle incarcération ne permettra pas à mon client d’évoluer. La prison est victime de son succès : avec les soins, cela ne le dérange pas d’y retourner. Prononcez plutôt une peine utile pour Monsieur et la Société civile. » Comme le tribunal a préféré de la prison ferme, l’avocat réfléchit à un éventuel appel.