Monaco-Matin

Un défi hors-norme

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Sous la toise, seulement un tout petit centimètre les sépare (1,57m contre 1,58m). Sur un bateau, en revanche, c’est la même étincelle de passion que l’on décèle dans le regard. La même déterminat­ion à vouloir, coûte que coûte, vaille que vaille, défricher les océans ; cette même envie, aussi, d’aller défier les plus grands sur leurs propres terrains de jeu. Bien sûr, Ellen MacArthur a cela de différent qu’elle est devenue, très tôt, une véritable icône de la voile et de la course en solitaire. Mais la rencontre avec Alexia Barrier - et on ne sait trop finalement ni pourquoi, ni comment, mais un peu comme un flash venu éclairer notre mémoire nous a renvoyés à ces moments magiques passés avec la Britanniqu­e du côté de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), en 2002, lorsqu’elle avait remporté la Route du Rhum en Imoca, au nez et à la barbe de ces Seigneurs des mers qu’étaient à l’époque les Mike Golding et autres Roland Jourdain… Les deux femmes partagent encore la même envie d’aller toujours plus loin dans cette quête d’absolu et ont connu une trajectoir­e de vie finalement assez similaire, dans ce milieu parfois un peu rugueux (doux euphémisme…) à l’endroit de la gent féminine. La première, Ellen, toute gamine, économisai­t l’argent que ses parents lui donnaient chaque jour pour payer la cantine, afin de s’offrir en catimini des cours de voile. La seconde, Alexia, lorsqu’elle a définitive­ment cédé à l’appel du large, a multiplié les petits jobs pour financer ses rêves. Destins croisés, donc, et désormais le même « Everest » à dompter pour se frayer un petit chemin sur l’écume de la renommée : le Vendée Globe. Course mythique, et même mystique, circumnavi­gation en solitaire faisant rêver les marins du monde entier. Et, probableme­nt, le dernier rendez-vous où, tous les quatre ans, se façonnent encore les légendes. “Le Vendée” est à la voile, ce que la Coupe du monde est au foot : un catalyseur à passions. Un accélérate­ur à particules médiatique­s, aussi… Alors, c’est tout naturellem­ent que la Niçoise, résidant aujourd’hui à Biot, en a fait son prochain objectif (départ fin 2020 des Sables d’Olonne). Un défi XXL qui s’est dessiné peu à peu dans son esprit. Le temps que ce goût pour la course transocéan­ique se fasse évidence. Que les doutes, qui grignotent parfois la quille de confiance, s’effacent au profit de ces quelques certitudes sans lesquelles, inexorable­ment, on se condamne à voir ses ambitions lamentable­ment chavirer. La météo n’a pas toujours été bonne pour Alexia, mais c’est solidement accrochée à la barre de ses envies qu’elle a réussi, malgré tout, à maintenir le cap. « Au tout début, j’ai découvert la voile grâce à mon père (mécanicien aéronautiq­ue de son état), qui avec un de ses collègues, avait pris un petit voilier de 6 mètres, basé à Antibes. À l’époque, j’étais petite et ce bateau me semblait immense. J’ai ensuite commencé à régater vers l’âge de 12 ans, sur différents supports qu’on louait pour l’occasion. Et j’ai très vite pris goût à la navigation. » et je me souviens de m’être alors promis de faire la même chose, dès que je le pourrai… » Le virus une fois inoculé, l’aventure, avec un grand A, pouvait réellement débuter. « Je me suis inscrite en école de voile, fais du Laser et même participé au championna­t de France de cette série quand j’avais 17 ans. Mais, une fois encore, mon gabarit (pas plus de 48 kg toute mouillée) ne me permettait pas d’être réellement performant­e, alors je suis passée sur la course en équipage. Et on est arrivé 4e sur le plan mondial en match race. En parallèle, j’avais deux petits boulots pour payer mes études (en Staps), ce qui fait que pendant 3 ou 4 ans, j’ai vécu à 200 à l’heure… » Une fois les diplômes accrochés sur les murs de la maison familiale, pas question, néanmoins, de mettre le couvercle sur ses ardeurs iodées. Bien au contraire, puisque c’est le moment que la jeune femme choisit pour se lancer dans la course au large, en prenant le départ de la mini-Transat. « J’avais vu ces bateaux aux Voiles de Saint-Tropez et ça me faisait rêver. Mais on m’avait dit que, vu ma taille et étant donné que, de toute façon, je n’étais qu’une femme, j’étais plus condamnée à porter les pare battages ou à faire les sandwichs. Qu’en tout état de cause, je ne ferai jamais partie d’un équipage… Ça a piqué mon ego et j’ai eu envie de prouver que j’étais capable de faire au moins aussi bien qu’eux. J’ai donc trouvé un premier partenaire, acheté mon bateau, et fais la Transat 6.50. Et ça a été une véritable révélation. Je me suis dit “Ça, c’est fait pour toi !” et, depuis, je ne me suis plus jamais arrêtée… »

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