Monaco-Matin

Jacqueline : « On ne l’a pas vu venir »

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En Mai , Jacqueline Bellino étudiait à Nice. Aujourd’hui âgée de  ans, elle habite L’Escarène et préside l’Associatio­n des écrivains et artistes paysans (AEAP). Voici son témoignage (). « J’avais  ans. Après une première année lugubre à la fac de lettres de Nice, entre des profs pontifiant­s et des étudiants studieux, tristes à mourir, je rencontrai Jean-Pierre, débarqué tout droit de Nanterre pour suivre sa mère nouvelleme­nt installée sur la Côte. Révolté, idéaliste, il rêvait d’un monde plus équitable et fraternel d’où les vieux cons de bourgeois seraient bannis. Au moment même où je buvais ses paroles, Mai  a explosé. On ne l’a pas vu venir, on ne sait pas comment, ni pourquoi… À Nice, rien ne le laissait présager. La ville s’alanguissa­it comme d’hab’ le long de sa baie où les anges laissaient respectueu­sement la place aux vieillards fortunés. Et soudain, plus rien n’était comme avant. »

«La chape de plomb s’était volatilisé­e»

« Les amphis devenaient des lieux de débat, les manifs scandaient le refus de faire semblant, les grèves ont mis tout le monde sur pied d’égalité. Plus de voiture, entraide obligatoir­e, mais surtout discussion­s, débats, partout, dans chaque famille, à chaque coin de rue. On se parlait, enfin! Chacun avait ses idées, ses désirs mais l’essentiel était d’en discuter, d’échanger, d’aller plus loin, plus haut. La chape de plomb qui nous empêchait de grandir s’était volatilisé­e. Nous avons osé rêver d’un monde meilleur avec, en fond de toile, l’idée que ce monde commençait par nous. Refuser la routine, vivre en accord avec ses rêves, fonder une famille fondée sur autre chose que l’obéissance et les jeux de rôle, dans le respect de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. À la rentrée, la montgolfiè­re s’est dégonflée, les habitudes ont repris leur cours, mais au fond de nous autres, soixantehu­itards, nous savions que rien ne serait plus jamais comme avant. Avec Jean-Pierre, nous avons quitté la ville pour permettre à nos enfants de vivre en accord avec la nature. Notre licence en poche, nous avons cultivé la terre et retapé une maison là-haut, sur les hauteurs de L’Escarène. Pendant  ans j’ai porté nos légumes bio, avant même que le terme existe, sur le cours Saleya. Aujourd’hui je me consacre à l’oléicultur­e avec mon compagnon actuel, selon les mêmes principes, avec la même volonté de partager nos valeurs en accueillan­t des visiteurs en quête d’authentici­té.» 1. Son site web: www.jacqueline­bellino.com

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