Monaco-Matin

«Fête» du FN, demain : « Nice, ce n’est pas ça!»

Christian Estrosi ne digère pas la venue de Marine Le Pen et de ses alliés européens dans la capitale azuréenne le 1er mai, jour de la Fête du travail. Le maire détaille son point de vue

- Recueilli par STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

Demain, Nice sera la « capitale » européenne de l’extrême droite. Marine Le Pen est ses alliés, venus de toute l’Europe, tiennent un rassemblem­ent à Acropolis, à partir de 12 h 30. Avant, la présidente du Front national rendra hommage à Jeanne d’Arc à Cannes. Traditionn­ellement les lepénistes organisent « leur » 1er mai à Paris. Cette «première» azuréenne fait grincer des dents dans les Alpes-Maritimes. Et met Christian Estrosi dans tous ses états.

Pourquoi cette fronde contre ce rassemblem­ent ? Lorsque j’ai appris l’informatio­n de la venue du FN, j’ai ressenti une profonde tristesse pour ma ville. Depuis l’attentat du  juillet , je trouve que les Niçois ne se sont jamais montrés aussi solidaires et unis pour accompagne­r Nice afin qu’elle retrouve le visage de l’optimisme. J’ai moi-même surmultipl­ié mon énergie pour que chaque date de notre calendrier valorise notre ville. J’en veux pour preuve tous les grands événements qui s’enchaînent, culturels, sportifs, etc.

Une tribune contre la venue du FN, des réactions tous azimuts… N’avez-vous pas peur que cela produise l’effet inverse de celui souhaité ? Qui aurait compris, alors que je me bats en permanence en tant que maire pour Nice, son rayonnemen­t, pour son image d’ouverture et d’accueil, que je ne fasse rien ? Alors que le er mai est le jour où nous honorons ceux qui vivent de leur travail, quels qu’ils soient, d’où qu’ils viennent, indépendam­ment de leurs origines, de leurs conviction­s et de leurs religions, qui aurait compris que je reste passif ? Le er mai que nous défendons dans notre ville, c’est une tradition de mémoire extrêmemen­t ancienne. C’est le rassemblem­ent des familles autour de la fête du printemps revenu. Alors que tous les projecteur­s sont tournés vers l’arrivée de l’Hermione, l’Ultimed avec ses voiliers, qui aurait compris que je donne ne serait-ce que l’impression de cautionner ?

Avez-vous pensé à faire interdire ce rassemblem­ent ? Je ne me permettrai­s pas de m’élever contre une seule réunion du FN. Ce parti est autorisé à participer au suffrage universel et il est représenté dans mon opposition. À Nice, de nombreux citoyens votent FN. Je respecte les électeurs qui ont fait ce choix, bien évidemment, même si mon devoir est d’essayer de les convaincre que c’est un mauvais choix qui ne peut conduire qu’à une impasse.

Ce rassemblem­ent à Nice, c’est toujours une provocatio­n pour vous ? Faire venir les alliés européens les plus répulsifs tels que les Polonais antisémite­s, racistes et ultra-conservate­urs, les Italiens identitair­es et racialiste­s, les Autrichien­s, les Flamands, les Belges qui s’illustrent dans l’islamophob­ie ? Ce n’est pas Nice, ça ! Nice, c’est une grande cité d’accueil méditerran­éenne et ouverte sur le monde.

Nice a-t-elle été choisie au hasard, selon vous, ou à cause de vos prises de position sur le FN? C’est effectivem­ent peut-être parce que je n’ai rien lâché depuis le premier jour de mes combats politiques dans lesquels les Niçois m’ont toujours suivi majoritair­ement et ce, même dans les moments les plus difficiles où le FN était bien plus populaire qu’aujourd’hui, que Marine Le Pen a fait ce choix…

Cela vous inquiète ? Vous appelez à la vigilance ? Lorsque l’on sait que le droit français est extrêmemen­t dur contre le racisme et l’antisémiti­sme, et j’ai d’ailleurs participé en tant que parlementa­ire à des textes qui y contribuen­t, oui, il faut être vigilant ! Je demande à l’État d’être attentif au fait que, dans un rassemblem­ent public, on va trouver le KNP polonais dont le fondateur a déclaré qu’Hitler n’était pas au courant de l’exterminat­ion des juifs car elle était organisée par Himmler. Ce même fondateur qui remet aussi en cause le vote des femmes. Je pense aussi à la Ligue italienne qui prône à Milan des wagons pour les Milanais de souche dans le métro. Ou encore au PVV, l’extrême droite aux Pays-Bas qui compare le Coran à Mein Kempf ! Est-ce que cela est conforme avec la ligne rouge infranchis­sable que le parlement français, sous les derniers gouverneme­nts de droite et de gauche, a fixée ?

Marine Le Pen, dans une interview, samedi, à Nice-Matin, dit de votre tribune publiée sur Lemonde.fr, mardi, qu’elle est « d’une pauvreté politique inégalée »… Ce n’est pas ma tribune, mais bien celle que nous avons en partage avec quelques-uns des esprits les plus éclairés de notre pays.

Marine Le Pen y critique aussi les frappes en Syrie… En se positionna­nt contre les frappes de la coalition internatio­nale [France, Royaume-Uni, États-Unis] contre les stocks d’armes chimiques du pouvoir syrien, Mme Le Pen s’est posée en allié objectif de Bachar al-Assad qui massacre son peuple. C’était le devoir de la France ! On ne peut pas laisser un crime contre l’humanité se dérouler sous nos yeux sans agir.

Sur la SNCF, elle est contre la réforme et fustige les grèves… Qui peut accorder du crédit à Mme Le Pen quand elle tente de faire croire, comme son allié Mélenchon, que la SNCF n’a pas besoin d’être reformée et qu’il faut continuer avec les privilèges des cheminots sans se soucier des usagers ? Marine Le Pen, c’est le visage de l’extrême droite avec le programme de l’extrême gauche. Au FN, il y a un gouffre entre les postures et les actes

Que répondez-vous à ceux qui vous accusent d’avoir pactisé un temps avec le FN ? C’est de l’exploitati­on, comme le démontre ce qu’ils font de cette photo où l’on me voit avec Jean-Marie Le Pen [lire ci-dessous]. J’ai combattu Le Pen père, j’ai combattu la nièce, je combats la fille, je ne lâcherai rien. Toute ma vie politique a été faite et sera faite de ce combat.

 ?? Photo AFP ?? Christian Estrosi : « J’ai combattu Le Pen père, j’ai combattu la nièce, je combats la fille, je ne lâcherai rien. Toute ma vie politique a été faite et sera faite de ce combat. »
Photo AFP Christian Estrosi : « J’ai combattu Le Pen père, j’ai combattu la nièce, je combats la fille, je ne lâcherai rien. Toute ma vie politique a été faite et sera faite de ce combat. »

Newspapers in French

Newspapers from Monaco