Mouvement de foule : un couple au tribunal
Elle a dégainé, il a tiré. Et un vent de panique a soufflé sur la zone piétonne niçoise lundi soir. Mais l’enquête a révélé que ce couple, libéré hier, a répondu à un déchaînement de violences
D ésormais, c’est aux juges qu’ils doivent des explications. Un homme de 34 ans et sa compagne de 28 ans ont rendez-vous devant le tribunal correctionnel de Nice, fin juin, pour répondre du tir qui a suscité un vent de panique, lundi soir, dans le centre de la capitale azuréenne (notre édition de mardi). « Ils l’ont appris par les policiers et par la presse. Ils sont étonnés des conséquences », précise Jean-Michel Prêtre, le procureur de la République de Nice. Petite cause, grands effets. Si ce mouvement de foule spectaculaire a rappelé de bien mauvais souvenirs aux Niçois et aux touristes, l’origine de l’altercation, elle, s’avère des plus futiles.
Une cigarette met le feu aux poudres
La brigade des atteintes aux personnes (BAP) de la sûreté départementale a cerné ce qui a mis le feu aux poudres : une cigarette. Une simple clope demandée à un groupe attablé à la terrasse du Monoprix de la place Masséna, lundi vers 21 h. Le couple se promène là avec son garçon de 6 ans. Sa mère demande une cigarette à ces cinq hommes originaires d’Europe de l’Est. « Elle se fait renvoyer dans des termes fort peu amènes, avec des éléments à connotation sexuelle particulièrement injurieux », résume Jean-Michel Prêtre, tout en s’abstenant de leur donner écho.
Le compagnon est passé à tabac
La femme rejoint son compagnon. Elle lui rapporte l’incident. Ce dernier s’en va demander non plus une clope, mais des explications. « De fil en aiguille, il se fait agresser et frapper », relate Jean-Michel Prêtre, en s’appuyant sur les images vidéo «particulièrement bonnes» captées par les caméras de la Ville. Gifle. Coup de poing. « Les choses s’enveniment. Il chute au pied d’un banc en pierre, se fait frapper au sol à coups de pied, et finit par chuter dans l’un des escaliers d’accès au parking souterrain», complète le procureur. Entre-temps, l’homme a pu alerter par téléphone sa compagne, qui s’était éloignée. « Elle sort de son sac un pistolet à gaz, menace les protagonistes, et est désarmée par son compagnon qui
tire. En l’air, dit-il.»
Laissés libres sous contrôle judiciaire
La scène ne s’arrête pas là. Après avoir essuyé une salve de coups, l’homme poursuit un agresseur avec le pistolet pointé dans sa direction. S’ensuit la brève altercation avec le vélo-taxi. Puis l’interpellation du couple.
Voilà ce qui l’a conduit en garde à vue pour «violences volontaires avec arme en réunion »et« port illicite d’arme prohibé ». « Ce pistolet d’alarme est légal, mais on n’a pas le droit de le porter dans la rue - encore moins de l’utiliser », complète Jean-Michel Prêtre. La garde à vue s’est prolongée jusqu’à hier aprèsmidi. À l’issue, le couple a été déféré, puis remis en liberté sous contrôle judiciaire. Il a retrouvé son enfant, accueilli entre-temps par la fondation Lenval.
La police compile les plaintes
Son mode de défense était-il disproportionné, au regard des violences subies ? C’est sur ce critère que devra se prononcer le tribunal. En tout état de cause, le couple ne peut être poursuivi pour un trouble à l’ordre public qu’il n’a pas vu venir. « Le ou les coups de feu ont provoqué cette scène de panique incroyable, dans cette foule très dense et familiale », atteste Jean-Michel Prêtre. L’onde de choc a remonté la zone piétonne d’une ville encore traumatisée par l’attentat du 14 juillet 2016. Neuf blessés légers ont été conduits à l’hôpital. Hier, les policiers continuaient à recueillir leurs plaintes, mais aussi celles des commerçants qui ont subi dégâts et grivèleries. Tables et chaises avaient en effet volé. Dans la confusion générale, certains clients des restaurants avaient pris la fuite sans régler l’addition.