Les cimetières de Nice sont-ils tombés en friche?
À l’Est comme à l’Ouest, ils sont envahis par les herbes hautes. Certaines familles dénoncent un abandon de ces lieux de mémoire. La mairie réfute et avance un entretien écologique…
Des tombes accidentées, recouvertes de palettes cassées ou ensevelies sous la végétation. Des herbes hautes. Du chiendent. Des touffes verdoyantes qui poussent dans les allées. Se déversent sur le marbre blanc. Grisé par le temps. Temps qui semble s’être arrêté au cimetière Sainte-Marguerite. Carré anglais de Caucade. Champ du repos à l’Ouest de Nice tombé en friche. Un tableau qui peine certaines âmes, notamment Éliane Bacchetta, venue se recueillir sur la tombe de son père : « C’est lamentable. Je suis indignée de constater l’état du cimetière. C’est déjà difficile moralement d’aller se recueillir auprès d’un être cher et de marcher dans ces allées abandonnées c’est terrible ! »
Les Anglais de Caucade oubliés
En 2014, déjà, un article avait été consacré au triste état des sépultures. Laissées à l’abandon par les descendants des familles britanniques qui, au XIXe siècle, avaient choisi Nice comme lieu de villégiature. Des concessions perpétuelles, progressivement reprises par la Ville de Nice depuis les années soixante-dix. Aujourd’hui, le constat est le même. Excepté pour certaines parcelles. Par exemple, à l’entrée, derrière la maison du conservateur, on retrouve un semblant de cimetière français. La disposition des stèles est linéaire. Le sol est recouvert de gravier. Et les seules plantes qui poussent sur les tombeaux sont les bouquets de fleurs laissées par les familles locales endeuillées. Les Anglais de Caucade seraientils oubliés ? Les défunts niçois privilégiés ? Bernard Baudin, adjoint au maire délégué à l’État civil, réfute : « Il faut savoir que la Ville de Nice gère l’entretien des espaces verts de quatorze cimetières. Cela représente 65 hectares. Et le cimetière Sainte-Marguerite fait l’objet de la même attention. » Ou inattention si l’on en croit l’état du cimetière de Caucade, situé plus bas. Là, le chiendent ex- plose. Les poubelles débordent. Gilles et Claude Guérin ont déposé une fiche de réclamation auprès du gardien dans laquelle ils dénoncent « l’état de saleté ainsi que d’abandon ». Selon le couple niçois, une vingtaine a été rédigée le week-end dernier. Même constat au cimetière de l’Est, à l’Ariane. Vendredi, sur le réseau social Twitter, @ julien06200 interpelle la mairie : « Bonjour Ville de Nice. Aujourd’hui j’ai conduit ma grandmère au cimetière de l’Est, elle voulait se recueillir sur la tombe de mon grand- père qui aurait eu 80 ans aujourd’hui. On a été très désagréablement surpris. » En cause : « Des herbes de 50 cm dans les allées. On a essayé d’arracher celles autour de la sépulture de famille on n’y est pas arrivé tellement c’était enraciné. Alors que d’habitude le cimetière est bien entretenu… » Un entretien qui, au regard de la loi, doit être assuré par la municipalité ; l’entretien des tombes revenants aux concessionnaires. Alors, comment expliquer cette jachère ?
Des cimetières écolo
« Il y a eu des épisodes pluvieux importants ces derniers mois, amène à pondérer Bernard Baudin. Le retour du soleil a contribué à la repousse rapide des végétaux. Les agents ont dû intervenir selon un calendrier. Et l’entretien et le nettoyage du cimetière SainteMarguerite sont programmés cette semaine. » Coïncidence ? L’élu assure d’emblée que non : « Le planning est établi à l’avance. Les entretiens sont réalisés deux fois par mois. »
La deuxième raison avancée par l’élu est l’abandon des pesticides. « Dans le cadre du développement durable, nous nous sommes engagés dans une démarche zéro phyto. Donc il est interdit d’utiliser des produits phytosanitaires comme le Round up. Aujourd’hui, le désherbage se fait manuellement. » Et d’assurer : « Nos services continuent à réfléchir à de nouvelles méthodes. Là, on est en train de tester de nouveaux produits écologiques efficaces avec la pose de films géotextiles qui empêchent les remontées d’herbe. » Et de conclure : « Je comprends les familles. Mais la présence d’herbe doit être perçue comme une méthode d’entretien plus douce. »