Monaco-Matin

FOOTBALL LIGUE 

A 24 ans, Pierre Lees-Melou dispute sa troisième saison chez les pro sa près un détour par le monde amateur. Le parcours d’un homme doué que le succès n’a jamais changé

- WILLIAM HUMBERSET

Le bling-bling, le paraître, la grosse tête, très peu pour lui. Pierre Lees-Melou sait trop bien d’où il vient et quel chemin il a emprunté afin d’embrasser son rêve pour se prendre pour un autre. Probableme­nt parce que cette vie qui en a obnubilé beaucoup n’est qu’un cheminemen­t de passionné pour lui. Devenir footballeu­r profession­nel n’a jamais été une finalité mais plutôt une récompense. « Il sait ce que c’est la vraie vie. Se lever à 6 h pour bosser, faire attention à l’argent. Il mesure la chance qu’il a aujourd’hui et fera tout pour durer », témoigne Sébastien Clavères, son entraîneur en benjamins devenu ami de la famille. L’enfant surdoué, « qui avait déjà tout, les deux pieds comme une vision exceptionn­elle » est passé du centre de formation des Girondins à la cour de récré d’une école primaire de Lège Cap-Ferret peu après ses vingt ans. «Il était responsabl­e périscolai­re et faisait jouer les enfants au football entre midi et deux, rembobine Karina Ribeiro, atsem à cette époque dans l’établissem­ent. Les enfants l’adoraient, il ne faisait aucune différence entre les plus doués et les moins bons. C’était le seul homme au milieu des douze femmes qui bossaient dans l’établissem­ent, et il faisait l’unanimité par son sourire, sa gentilless­e, sa patience, son ouverture d’esprit. Et quand il a eu des essais à Dijon, il n’en a jamais parlé. Je l’ai su parce que j’ai un lien de famille avec Nicolas Sahnoun, l’homme qui lui a permis de passer ce palier. D’autres se seraient empressés de se vanter. C’est un symbole de son intelligen­ce. »

« Le soir de son premier contrat pro, il m’a porté

son maillot »

Celui qui bossait de 7 h 30 à 18 h 30, fonçait au stade « déjà changé et en courant pour ne pas être en retard à l’entraîneme­nt » se souvient Alex Torres, son coach en DH et CFA 2 à l’US Lège Cap-Ferret. Puis, le jour où Dijon lui a ouvert les portes du monde profession­nel, LeesMelou a encore galopé. Pour sonner à l’entrée de cet homme qui l’avait mené au centre de formation bordelais. «J’ai toujours cru que ce petit, tout frêle, qui faisait des choses hors-normes avec un ballon irait loin dans le football, promet Sébastien Clavères. Il était tellement passionné qu’il venait avec moi voir les matchs de l’équipe première après nos matchs de benjamins. Puis des années plus tard, un mercredi soir à 21 h, on sonne à ma porte. C’était Pierre avec ses parents. Il venait de signer son premier contrat pro et m’apportait son maillot. Il m’a fait un plaisir immense, ça représenta­it beaucoup pour moi. » Parti du FC Langon, club de sa ville native où son frère Cédric jouait et son papa était coach adjoint, Pierre a trimballé son sérieux et son applicatio­n partout où il est passé. « Il faisait du foot pour le plaisir qu’il prenait sur un terrain prioritair­ement. Mais dans un coin de sa tête, il a toujours eu, et a encore aujourd’hui, la volonté d’aller au-dessus, raconte Alex Torres. Après sa première saison de CFA 2 qui avait été très moyenne, il s’était dit : “C’est maintenant, ou je resterai à ce niveau-là”. Il s’est contraint à aller à la salle tous les jours, il nous réclamait tout le temps un travail athlétique et technique supplément­aire. Il a toujours du mal au début, puis il encaisse très vite le travail et progresse tout le temps de manière régulière. Sur la deuxième saison, il a explosé. »

« Il fait taire les critiques sur le terrain »

Ces débuts compliqués l’auront poursuivi à Dijon comme à Nice. Des étapes dans sa carrière qui l’ont toujours rendu plus fort malgré le vent des critiques qui a parfois soufflé très fort. Sur Twitter, certains supporters du Gym n’ont pas été tendres avec la recrue. Mais le joueur ne s’est jamais plaint, au contraire il donnait parfois raison à ses détracteur­s. « Ça m’embêtait plus à moi qu’à lui, répond Simon Nassiet, son ancien coéquipier à Arlac (DH) et désormais meilleur ami. Déjà à l’époque où l’on évoluait ensemble, quand je trouvais qu’il avait fait un superbe match, lui retenait ce qu’il avait raté. Pierre dit toujours que rien n’empêchera les gens de parler et que même les critiques peuvent être parfois constructi­ves. » «Il ne répond pas mais fait taire les critiques sur le terrain », résume Sébastien Clavères, feuille de stats à l’appui (5 buts, 6 passes en L1). Autant son entourage reconnaît que son efficacité dans le dernier geste reste à peaufiner, autant Alex Torres tord volontiers le cou aux fausses idées qui se propagent sur les réseaux. « C’est un faux lent. Quand il court on a l’impression qu’il est à fond, puis il a ce double coup de rein qui lui permet de réaccélére­r. C’est sa marque de fabrique. Il me fait penser à Julien Féret un petit peu. Et il a un joli moteur en plus qui lui permet d’avaler les kilomètres sans calculer. »

Un enfant, collègue, joueur qui n’a jamais changé

Même en vacances, Lees-Melou continue de cavaler. Il passe faire un coucou à ses anciennes collègues de l’école primaire comme à ses anciens coéquipier­s. « A chaque trêve internatio­nale, on va manger un bout, il vient nous voir jouer ou ramène un maillot pour faire plaisir à quelqu’un. » L’entourage est unanime, Pierre Lees-Melou n’a jamais changé. Il aime toujours autant manger : «Il a de la chance parce qu’il ne prend pas grand-chose niveau poids. Mais ça va venir avec l’âge. Parce que là, ça fait des jaloux », rigole Simon. Chambreur aguerri, il est resté très altruiste dans le vestiaire comme sur le terrain : « Petit, il préférait donner le ballon pour faire marquer le copain alors qu’il avait fait tout le boulot, » admire Sébastien. Il marque toujours sur des frappes de loin : « Je me souviens d’un lob de 30 mètres contre Biscarross­e, comme d’un enroulé en pleine lucarne de ving-cinq mètres» poursuit son meilleur ami. Avant de devenir plus critique sur le prochain point. Car le « roi de la célébratio­n en Ligue 1 » rigole Alex Torres, n’a pas progressé question danse selon Simon. « Ce n’est pas le domaine où il est le plus fort. Il y en a qu’une qu’il maîtrise, et encore pour moi ce n’est pas une danse, c’est une marche : le Madison. Pierre est bien meilleur sur le carré vert !» (rires) La conclusion revient à Sébastien Clavères, ce premier coach avec qui Pierre a partagé son dernier repas de Noël : « Il apporte beaucoup d’humanité à un monde du football qui en a bien besoin. »

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