L’Europe tente de sauver l’accord nucléaire iranien
Le retrait des Etats-Unis s’accompagne d’un retour de toutes les sanctions américaines qui toucheront par ricochet les pays toujours signataires. Le compromis de 2015 résistera-t-il ?
Les Européens ont entamé des discussions, hier, pour convaincre l’Iran de ne pas sortir de l’accord encadrant son programme atomique, seul rempart selon eux contre la prolifération nucléaire au Moyen-Orient après le retrait fracassant des Etats-Unis. Le président Emmanuel Macron, qui reste en première ligne dans ce dossier même s’il n’a pas réussi à infléchir la position de Donald Trump, s’est entrenu par téléphone avec son homologue iranien Hassan Rohani. Les deux chefs d’Etat sont « convenus de poursuivre leur travail commun [...] en vue de la mise en oeuvre continue de l’accord nucléaire et de la préservation de la stabilité régionale », a indiqué la présidence française. « Nous allons respecter l’accord et nous ferons tout pour que l’Iran se tienne à ses obligations », a renchéri la chancelière allemande Angela Merkel au lendemain du retrait américain. Les chefs de la diplomatie des trois pays européens signataires de l’accord (France, Allemagne, RoyaumeUni) rencontreront en début de semaine prochaine leur homologue iranien Mohammad Javad Zarif, a précisé le ministre français JeanYves Le Drian.
Garanties solides
Après le président iranien Hassan Rohani, l’ayatollah Ali Khamenei, qui a la haute main sur les grands dossiers du pays dont le nucléaire, a réclamé des garanties solides et « réelles » des Européens pour rester dans l’accord. Le texte conclu en 2015 vise à faciliter les échanges commerciaux avec l’Iran et à relancer son économie, en levant de lourdes sanctions internationales en échange d’un engagement de Téhéran à limiter ses activités nucléaires et à ne jamais chercher à obtenir la bombe atomique. « L’accord n’est pas mort », a martelé Jean-Yves Le Drian en mettant en garde contre un risque de « déflagration » et de « confrontations » si Téhéran se retire du compromis de 2015 et entraîne les autres pays de la région dans une course à l’armement atomique. La Chine, autre signataire avec la Russie, a également appelé à sauvegarder l’accord, estimant qu’il «contribue à préserver la paix au MoyenOrient ». Londres a exhorté Washington «à éviter toute action qui empêcherait les autres parties de continuer à faire que l’accord fonctionne » . Il y va de « notre sécurité collective », a insisté le ministre britannique des Affaires étrangères, Boris Johnson, dans une allusion aux sanctions américaines.
« Montrer les dents »
Les Européens vont devoir se livrer à une course contre la montre pour trouver les moyens de préserver leurs entreprises et répondre aux attentes des Iraniens. « Nous allons tout faire, en lien avec nos entreprises, pour défendre et protéger leurs intérêts et maintenir les effets incitatifs de l’accord. Nous allons traiter avec les Etats-Unis au niveau de l’Union européenne, pour des raisons politiques, pratiques et juridiques », a assuré la présidence française. Mais de l’aveu même de responsables européens, le défi est énorme et la marge de manoeuvre des Européens réduite. « L’accord est probablement impossible à sauver [...] Celui qui investit en Iran sera frappé de sanctions américaines, et c’est impossible à compenser », a estimé le président de la commission des Affaires étrangères du Bundestag, la chambre des députés allemande, Norbert Röttgen. Les Européens vont devoir « mettre de côté leurs divergences » sur l’Iran et, au risque d’exacerber les tensions transatlantiques, « montrer les dents » face aux Etats-Unis pour réduire l’exposition de leurs entreprises, a déclaré Ellie Geranmayeh, experte à l’European Council on Foreign Relations.