Comment est né le Grand Prix historique de Monaco
Réunis autour d’une table, quatre passionnés et membres éminents de l’Automobile Club de Monaco nous ont expliqué les prémices de cette compétition créée le 4 mai 1997
Mettre ces quatre-là autour de la table, c’est l’assurance de faire un bond dans le passé. D’ouvrir les pages d’une riche encyclopédie automobile, auréolée de dates clefs. Dire qu’ils font partie des meubles de l’Automobile Club de Monaco ne serait pas leur faire offense, tant ces passionnés en connaissent codes et rouages. À la veille de trois jours de Grand Prix historique où 209 joyaux d’antan vont avaler l’asphalte de la Principauté, Michel Ferry, Bernard Bernabé, Gery Mestre et Christophe Allgeyer ont causé pendant plus d’une heure Dégainant bien volontiers souvenirs enfouis et truculentes anecdotes. Morceaux choisis. Pas de Grand Prix historique sans la commission des véhicules de collection de l’ACM. Qui a vu le jour bien avant l’épreuve phare de 1997. « Dans les années soixante, les gens mettaient à la casse leur Hotchkiss, leur Bugatti et autres voitures. Personne ne les réparait. Des pionniers de la collection comme Adrien Maeght, André Binda, Roger Crovetto ou Marc Nicolozi les ont achetées, les ont collectionnées, les ont entretenues, se souvient Michel Ferry. En 1974, ils nous ont proposé de lancer un rallye Monte-Carlo des voitures anciennes. À l’ACM, l’idée nous a plu, d’autant que c’était le 25e anniversaire de l’avènement du prince Rainier III. » C’est le début d’une histoire d’amour avec le patrimoine auto. La «commission restauration», ancêtre de la commission des véhicules de collection, naît en 1976. Son président de l’époque? Uwe Hucke, la réincarnation de Ettore Bugatti. «Un De g. à dr. : Gery Mestre, Bernard Bernabé, Christophe Allgeyer et Michel Ferry.
allemand de Roquebrune-Cap-Martin. Le plus grand collectionneur au monde de Bugatti. Il avait tout, même la trousse de toilette. Il possédait des plans et construisait des voitures. » Lors des Grand Prix F1 de 1979 et 1984, des démonstrations de véhicules historiques ont lieu entre courses et parades. Les prémices, si l’on peut dire, du Grand Prix historique. La seconde année, Michel Ferry est même de la partie sur le circuit mythique. Au volant de sa Bugatti de 1929. « Splendide, exceptionnel… J’ai encore les photos dans mon bureau. C’était la première fois que je courais sur ce circuit pour lequel j’étais directeur de course depuis
quelques années. Cela m’amusait et je ne me prenais pas au sérieux. Autour de moi, il y avait des gens bien plus doués.» Ce n’est que le 4 mai de cette année-là que naît la compétition que l’on connaît. À l’occasion des 700 ans de la dynastie des Grimaldi. En l’honneur, aussi, du prince Rainier III, féru d’automobile. «Une seule édition était prévue à la base, se rappelle Bernard Bernabé. Au vu du succès, on a décidé de le renouveler. Tous les deux ans pour plus de rareté et parce que l’organisation était fastidieuse. » En dix éditions écoulées, difficile d’isoler une anecdote pour ces quatre mémoires vivantes. (Photo T.P.)
«Je ne citerai que le nom d’Alan Patterson. Ce pilote américain a participé à plusieurs éditions du GPH avec une Allard qu’il avait achetée, neuve en… 1952, et avec laquelle il avait couru à l’époque. Il a toujours conservé cette voiture. Et en 2012, à 80 ans, il s’est classé 8e!», sourit Bernard Bernabé. Michel Ferry, lui, se rappelle d’un spectaculaire accident lors des toutes premières éditions : « Au virage Sainte-Dévote, un concurrent a dérapé avec sa Bugatti, est parti en travers et a fait un tonneau. Sur les images vidéo, on le voit être éjecté. Il s’est relevé sans mal. » La voiture, elle, a essuyé les dégâts les plus sérieux… En deux décennies de Grand Prix historique, le rajeunissement des véhicules s’avère être l’évolution la plus radicale. «Lors de la première édition en 1997, il y avait deux séries de courses pour les véhicules d’avant 1950. La voiture la plus récente datait de 1968, analyse Bernard Bernabé. Aujourd’hui, on ne retrouve plus qu’une série d’avant-guerre et trois séries entre 1966 et 1980. Les années ont passé et ceux qui s’intéressaient aux vieilles voitures sont âgés ou morts. Ceux qui achètent le font par affect. Parce que la voiture correspond à une période de leur vie. » (1) Vice-président de l’ACM et 2e président de la commission véhicules de collection (1986-2010); 3e président de cette commission (2010-2013) ; président de cette commission depuis 2013 ; commissaire général adjoint en charge des épreuves historiques de l’ACM.