Merci Donald!
Merci Donald ! En décidant unilatéralement de torpiller l’accord sur le nucléaire iranien, le malencontreux président des États-Unis n’a pas seulement renié la parole de l’Amérique et affaibli son crédit sur la scène internationale. Il n’a pas seulement abîmé la relation transatlantique et porté un nouveau coup à la lente et difficile émergence d’un ordre mondial plus sûr. Il n’a pas seulement saboté une des réussites de Barack Obama en matière de politique étrangère et accru les risques de guerre au Moyen-Orient. Il a aussi placé l’Europe, notre « vieille » Europe, ignorée, méprisée, face à ses responsabilités. Il lui offre – merci Donald ! – une occasion unique de faire la preuve qu’elle est capable de s’arracher à elle-même, à ses routines, à ses petits calculs, pour se hisser à la hauteur des circonstances. Il la met au défi de démontrer que l’idée d’« Europe puissance » peut être autre chose qu’un thème de colloques ou un slogan creux : une réalité. La puissance ne se décrète pas ; elle se prouve. Ce que cela signifie en pratique ? D’abord, sauver l’accord encadrant le programme nucléaire iranien. Le président Rohani assure vouloir le pérenniser. Il l’a dit à Emmanuel Macron. Mais il veut des garanties. Le triangle Paris-Londres-Berlin, appuyé par Moscou, peut les lui apporter. Faute de quoi, les durs de Téhéran prendront la main, et l’Iran relancera la course à l’armement nucléaire – avec, à la clé, un risque majeur de guerre entre l’Iran et Israël. Ensuite, ne pas céder au diktat américain qui prétend nous rendre prisonniers des sanctions contre l’Iran édictées par lui et lui seul. En clair : les entreprises en affaires avec Téhéran depuis la levée des sanctions en (Airbus, Total, PSA, etc.) sont sommées de rompre toutes relations, sous peine d’être traînées devant la justice US, en vertu du principe dit d’« extraterritorialité » du droit américain. En fait : la loi du plus fort. Les Européens ont trop longtemps accepté de s’y soumettre. Le moment est venu de sortir de la « vassalité » – le mot est de Bruno Le Maire, qui plaide pour que l’Europe se dote des moyens de défendre sa souveraineté. Jusqu’à récemment, ce langage avait peu de chances d’être entendu à Londres ou Berlin. L’attitude de Trump, l’hégémonisme obtus de son « America First » changent la donne. Merci Donald ! Alors, l’Europe saura-t-elle saisir la chance qui s’offre à elle de prendre ce nouveau départ dont Macron, à Aix-la-Chapelle, s’est fait le héraut ? Les circonstances ne sont guère propices. Merkel est usée. Les Britanniques, sur le départ. L’Italie, livrée à un attelage bancal de populistes et d’europhobes. Mais l’histoire avance parfois à coups de paradoxes. Et si, après avoir gâché tant d’occasions, enterré tant de projets, l’Europe retrouvait dans l’adversité et l’humiliation ce qu’elle avait fini par perdre de vue : sa raison d’être ?
« Il met l’UE au défi de démontrer que l’“Europe puissance” peut être autre chose qu’un slogan creux. »