Police: à Nice, des cellules « comme au Moyen âge »
Insalubrité, insécurité, indignité : le syndicat Alliance dénonce l’état très dégradé des cellules de garde à vue de la caserne Auvare. Il demande aux autorités d’agir et des travaux en urgence
« Les cachots du Moyen-Âge. » Jacquouille la Fripouille et le comte de Montmirail ont beau être à l’affiche, ce tract-là n’annonce en rien une comédie de cinéma. Plutôt la réalité quotidienne, bien moins réjouissante, à laquelle sont confrontés les fonctionnaires de police et les gardés à vue à Nice. C’est sur ce ton satirique que le syndicat Alliance Police nationale part en croisade contre l’insalubrité. Celle qui pourrit les cellules de la vétuste caserne Auvare. « Les écrous », comme on dit dans le jargon policier. Pas moins de gardes à vue y ont été recensées l’an dernier. Aujourd’hui, Karine Jouglas, secrétaire départementale adjointe d’Alliance, pousse un « cri d’alarme » face à une situation
« indigne ». Elle réclame la tenue d’un CHSCT (comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail), afin d’alerter le préfet, et des travaux en urgence. Plongée dans l’envers d’un décor peu reluisant.
< Hors du temps
Nice-Est, caserne Auvare, 28, rue de Roquebillière. Bienvenue aux « écrous ». Un bâtiment de 21 cellules aux airs d’antichambre de la justice, théâtre d’un turnover permanent. Pôle de voie publique, sûreté départementale, police judiciaire y passent au rythme des interpellations et des auditions. S’y succèdent des délinquants, des criminels parfois, mais aussi des M., Mme Tout-le-Monde épinglés pour un dérapage. Récemment, dix-sept gardés à vue y attendaient d’être entendus par les services enquêteurs. Problème, les locaux sont à l’image de la caserne Auvare et de Jacquouille la Fripouille: hors du temps. Inaugurée à la fin du XIXe siècle, puis transférée de l’armée à la police au crépuscule
du XXe, la caserne a des airs de pis-aller, en attendant la livraison du futur hôtel de police, en lieu et place de l’ancien hôpital SaintRoch. Le projet est sur les rails. Mais le nouvel équipement n’est pas attendu avant 2022.
= Locaux insalubres
Toilettes et fontaine dans un état repoussant. Détritus alimentaires laissés à même le sol. Ventilation absente. Séjourner en garde à vue à Auvare n’est pas une partie de plaisir… «Il n’y a pas de VMC. Du coup, l’air est vicié et on a des odeurs nauséabondes, témoigne Karine Jouglas. Certains gardés à vue ont le droit au repas et ils laissent parfois traîner leurs détritus, ou bouchent les toilettes avec. Une entreprise de nettoyage passe chaque semaine. Mais ça ne suffit pas. Là, il faut un décrassage au Kärcher pour assainir les lieux ! Ensuite, il faut instaurer un protocole de nettoyage plus régulier et entreprendre des travaux pour que les agents travaillent dans des conditions correctes, décentes. Car leurs vacations durent 9 h 30. »
> Sécurité en cause
Les vingt et une cellules de garde à vue ne sont pas toutes opérationnelles. Car chacune d’entre elles est censée être sous l’oeil d’une caméra. Or, l’écran de contrôle en témoigne : la moitié est, à ce jour, inopérante. « Les jours de forte affluence, certaines personnes doivent être placées dans une cellule sans surveillance vidéo. Cela pose un problème de sécurité pour les agents car les gardés à vue sont placés sous leur surveillance étroite… » Autre point noir : l’éclairage à l’entrée du bâtiment. Ou plutôt, son absence chronique. Problématique, dès lors que les passages aux écrous se font 24 h/24. « L’éclairage n’est pas réparé. On se retrouve seul dans le noir avec une personne menottée… », explique Karine Jouglas.
? Aspect dégradé
Une garde à vue peut durer une poignée d’heures, s’étirer à 24, 48 voire 96 heures dans certaines affaires. Mais les cellules d’Auvare, elles, ne comptent plus les années. Résultat : des portes rongées par la rouille, dont les verrous sont parfois HS et l’usage, réduit à néant. Des plafonds éventrés, qui racontent l’histoire des fuites et problèmes électriques divers. « À chaque nouvel aléa, rien n’est remis en état », regrette Karine Jouglas.
@ Au régime sec
Le cas des « écrous » est symptomatique d’un problème plus vaste. Quels moyens allouer à l’entretien d’Auvare, caserne vouée à l’abandon ? Récemment, l’accès en a été entièrement rénové et sécurisé. « Il est grand temps qu’on ait un nouveau commissariat. Mais on ne peut pas rester dans cette situation où tout se dégrade peu à peu », prévient Karine Jouglas. Elle a donc saisi la médecine de prévention et alerté le directeur départemental de la sécurité publique. Sollicité par Nice-Matin, le contrôleur général Patrick Mairesse n’a pas souhaité s’exprimer sur ce dossier.