Monaco-Matin

Police: à Nice, des cellules « comme au Moyen âge »

Insalubrit­é, insécurité, indignité : le syndicat Alliance dénonce l’état très dégradé des cellules de garde à vue de la caserne Auvare. Il demande aux autorités d’agir et des travaux en urgence

- Dossier : Christophe CIRONE ccirone@nicematin.fr

« Les cachots du Moyen-Âge. » Jacquouill­e la Fripouille et le comte de Montmirail ont beau être à l’affiche, ce tract-là n’annonce en rien une comédie de cinéma. Plutôt la réalité quotidienn­e, bien moins réjouissan­te, à laquelle sont confrontés les fonctionna­ires de police et les gardés à vue à Nice. C’est sur ce ton satirique que le syndicat Alliance Police nationale part en croisade contre l’insalubrit­é. Celle qui pourrit les cellules de la vétuste caserne Auvare. « Les écrous », comme on dit dans le jargon policier. Pas moins de  gardes à vue y ont été recensées l’an dernier. Aujourd’hui, Karine Jouglas, secrétaire départemen­tale adjointe d’Alliance, pousse un « cri d’alarme » face à une situation

« indigne ». Elle réclame la tenue d’un CHSCT (comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail), afin d’alerter le préfet, et des travaux en urgence. Plongée dans l’envers d’un décor peu reluisant.

< Hors du temps

Nice-Est, caserne Auvare, 28, rue de Roquebilli­ère. Bienvenue aux « écrous ». Un bâtiment de 21 cellules aux airs d’antichambr­e de la justice, théâtre d’un turnover permanent. Pôle de voie publique, sûreté départemen­tale, police judiciaire y passent au rythme des interpella­tions et des auditions. S’y succèdent des délinquant­s, des criminels parfois, mais aussi des M., Mme Tout-le-Monde épinglés pour un dérapage. Récemment, dix-sept gardés à vue y attendaien­t d’être entendus par les services enquêteurs. Problème, les locaux sont à l’image de la caserne Auvare et de Jacquouill­e la Fripouille: hors du temps. Inaugurée à la fin du XIXe siècle, puis transférée de l’armée à la police au crépuscule

du XXe, la caserne a des airs de pis-aller, en attendant la livraison du futur hôtel de police, en lieu et place de l’ancien hôpital SaintRoch. Le projet est sur les rails. Mais le nouvel équipement n’est pas attendu avant 2022.

= Locaux insalubres

Toilettes et fontaine dans un état repoussant. Détritus alimentair­es laissés à même le sol. Ventilatio­n absente. Séjourner en garde à vue à Auvare n’est pas une partie de plaisir… «Il n’y a pas de VMC. Du coup, l’air est vicié et on a des odeurs nauséabond­es, témoigne Karine Jouglas. Certains gardés à vue ont le droit au repas et ils laissent parfois traîner leurs détritus, ou bouchent les toilettes avec. Une entreprise de nettoyage passe chaque semaine. Mais ça ne suffit pas. Là, il faut un décrassage au Kärcher pour assainir les lieux ! Ensuite, il faut instaurer un protocole de nettoyage plus régulier et entreprend­re des travaux pour que les agents travaillen­t dans des conditions correctes, décentes. Car leurs vacations durent 9 h 30. »

> Sécurité en cause

Les vingt et une cellules de garde à vue ne sont pas toutes opérationn­elles. Car chacune d’entre elles est censée être sous l’oeil d’une caméra. Or, l’écran de contrôle en témoigne : la moitié est, à ce jour, inopérante. « Les jours de forte affluence, certaines personnes doivent être placées dans une cellule sans surveillan­ce vidéo. Cela pose un problème de sécurité pour les agents car les gardés à vue sont placés sous leur surveillan­ce étroite… » Autre point noir : l’éclairage à l’entrée du bâtiment. Ou plutôt, son absence chronique. Problémati­que, dès lors que les passages aux écrous se font 24 h/24. « L’éclairage n’est pas réparé. On se retrouve seul dans le noir avec une personne menottée… », explique Karine Jouglas.

? Aspect dégradé

Une garde à vue peut durer une poignée d’heures, s’étirer à 24, 48 voire 96 heures dans certaines affaires. Mais les cellules d’Auvare, elles, ne comptent plus les années. Résultat : des portes rongées par la rouille, dont les verrous sont parfois HS et l’usage, réduit à néant. Des plafonds éventrés, qui racontent l’histoire des fuites et problèmes électrique­s divers. « À chaque nouvel aléa, rien n’est remis en état », regrette Karine Jouglas.

@ Au régime sec

Le cas des « écrous » est symptomati­que d’un problème plus vaste. Quels moyens allouer à l’entretien d’Auvare, caserne vouée à l’abandon ? Récemment, l’accès en a été entièremen­t rénové et sécurisé. « Il est grand temps qu’on ait un nouveau commissari­at. Mais on ne peut pas rester dans cette situation où tout se dégrade peu à peu », prévient Karine Jouglas. Elle a donc saisi la médecine de prévention et alerté le directeur départemen­tal de la sécurité publique. Sollicité par Nice-Matin, le contrôleur général Patrick Mairesse n’a pas souhaité s’exprimer sur ce dossier.

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Plafonds éventrés <, toilettes dans un état repoussant =, portes rongées par la rouille >, défaut d’éclairage à l’entrée ? : les « écrous » livrent un aspect peu reluisant. (Photos Alliance Police nationale) ?
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».(Photo C.C.) La déléguée syndicale Karine Jouglas pousse un « cri d’alarme

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