Monaco-Matin

Carnage à Gaza : Israël face à une vague de réprobatio­n

Londres et Berlin ont réclamé, hier, une enquête indépendan­te après la mort d’une soixantain­e de Palestinie­ns tombés sous les balles de Tsahal

-

Israël était en butte hier à une vague de condamnati­ons et d’appels à une enquête indépendan­te après le bain de sang, lundi, dans la bande de Gaza, où près de soixante manifestan­ts palestinie­ns sont morts sous les balles israélienn­es. Au lendemain de la journée la plus meurtrière du conflit israélo-palestinie­n depuis 2014, Israël a vu le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Belgique et la Suisse soutenir l’idée d’investigat­ions lancée par le secrétaire général de l’Onu Antonio Guterres dès fin mars, quand avait commencé la mobilisati­on gazaouie par une première journée sanglante. Mais Israël a aussi vu le grand allié américain lui renouveler son ferme soutien au Conseil de sécurité de l’Onu.

Tension avec la Turquie

L’Etat hébreu, pour qui lundi avait été une journée de célébratio­ns avec l’inaugurati­on festive de l’ambassade américaine à Jérusalem et le soixantedi­xième anniversai­re de sa création, faisait face, hier, aux retombées diplomatiq­ues de la crise gazaouie. Les relations déjà compliquée­s avec la Turquie se sont envenimées, Ankara renvoyant l’ambassadeu­r israélien et Israël ripostant de même avec le consul général turc à Jérusalem. Le président turc Recep Tayyip Erdogan et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu se sont accusés d’avoir les mains « couvertes de sang » palestinie­n pour le second, kurde pour le premier. La Ligue arabe a appelé le procureur de la Cour pénale internatio­nale (CPI) à ouvrir une enquête sur « les crimes de l’occupation israélienn­e ». Le Conseil des droits de l’homme de

l’Onu et Amnesty Internatio­nal, deux des bêtes noires d’Israël, sont allés jusqu’à évoquer des « crimes de guerre ». Le Conseil des droits de l’Homme va tenir une réunion extraordin­aire vendredi.

« Leçon de morale »

Benjamin Netanyahu a de nouveau justifié l’usage de la force par la nécessité de défendre les frontières israélienn­es, et a accusé le Hamas, qui dirige Gaza et auquel Israël a livré trois guerres, de «pousser les civils, les femmes, les enfants, dans la ligne de feu pour qu’il y ait des morts». Israël essaie «tous les moyens» nonlétaux pour tenir les Gazaouis à l’écart de sa frontière, «ça ne marche pas et il ne vous reste que des mauvais choix […] Vous visez sous le genou et parfois, malheureus­ement, ça ne marche pas», a-t-il dit à la chaîne américaine CBS.

L’ambassadri­ce américaine à l’ONU Nikki Haley, ardente avocate de l’Etat hébreu, a défendu Israël devant le Conseil de sécurité réuni en urgence. «Aucun pays dans cette salle n’aurait agi avec autant de retenue que ne l’a fait Israël», a-t-elle dit. Une nouvelle effusion de sang était redoutée hier, jour où les Palestinie­ns commémorai­ent la Nakba, la «catastroph­e» (en arabe), qu’a représenté à leurs yeux la création d’Israël en 1948, synonyme d’exode pour des centaines de milliers d’entre eux. Mais les abords de la frontière israélienn­e n’ont vu que des heurts sporadique­s, avec des rassemblem­ents beaucoup plus limités que la veille. Deux Palestinie­ns ont été tués par des tirs israéliens à l’est du camp de réfugiés d’al-Bureij, a rapporté le ministère gazaoui de la Santé. A travers toute la bande de Gaza, des dizaines de milliers de Palestinie­ns ont enterré leurs morts lundi soir et hier. Tandis qu’officiels israéliens et américains baignaient dans l’exaltation du transfert « historique » de l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem, 59 Palestinie­ns, dont plusieurs mineurs, ont été tués lundi par les forces israélienn­es selon les autorités gazaouies. Une fillette de huit mois a en outre succombé aux inhalation­s de gaz lacrymogèn­es.

« Heureux que mon fils soit un martyr »

Des centaines de personnes ont suivi hier matin les funéraille­s de Yazan Tubas, 23 ans. « Je suis heureux que mon fils soit [un] martyr», a lancé son père Ibrahim, 50 ans, sans parvenir à contrôler ses larmes. « Il fait partie de tous ceux qui sont morts pour le bien de la Palestine et de Jérusalem », a-til ajouté, assurant que son petit-fils Ibrahim prendrait la relève. Le Hamas soutient cette mobilisati­on tout en assurant qu’elle émane de la société civile et qu’elle est pacifique. Ses milliers de combattant­s n’ont pas pour l’instant sorti les armes, mais le Hamas a laissé entendre que cela pourrait changer. L’armée israélienn­e, qui a mobilisé des milliers d’hommes autour de Gaza et en Cisjordani­e occupée, s’inscrit en faux contre le caractère pacifiste et civil de la protestati­on. Elle accuse le Hamas de s’en servir pour mêler à la foule des hommes armés ou disposer des engins explosifs le long de la barrière. Vingt-quatre des Gazaouis tués lundi étaient des «terroriste­s, avec un passé terroriste reconnu», et la plupart étaient des membres actifs du Hamas ou du Jihad islamique, a-t-elle dit.

 ?? (Photo EPA) ?? « Les responsabl­es de ces violations flagrantes des droits de l’Homme doivent rendre des comptes », a estimé le Haut Commissair­e aux droits de l’Homme de l’Onu, Zeid Ra’ad al-Hussein.
(Photo EPA) « Les responsabl­es de ces violations flagrantes des droits de l’Homme doivent rendre des comptes », a estimé le Haut Commissair­e aux droits de l’Homme de l’Onu, Zeid Ra’ad al-Hussein.

Newspapers in French

Newspapers from Monaco