La France et l’Italie parlent en commun des transports
La Commission intergouvernementale pour l’amélioration des liaisons franco-italiennes dans les Alpes du sud s’est tenue hier à Nice. On y a parlé tunnel de Tende, train et arrêté anti-poids lourds
Après Paris en 2016, puis Rome en novembre 2017, c’est à Nice que s’est tenue hier une Commission intergouvernementale pour l’amélioration des liaisons franco-italiennes dans les Alpes du sud (CIG). Une instance de dialogue entre les deux États – relatives aux questions de transports en zone transfrontalière – que l’actualité annonçait fiévreuse. Les récentes péripéties (scandale du tunnel de Tende, report de la livraison des travaux sur la ligne ferroviaire Cuneo-Vintimille, arrêté anti-poids lourds pris par les maires de la Roya…) ayant fait naître quelques tensions entre décideurs français et italiens. Malgré les craintes, quelques réponses concrètes ont pu être apportées par chacun des camps. Résumé.
1 L’envie fébrile de voir (enfin) le bout du tunnel
Ne serait-ce qu’en raison des fondements de la CIG (voir ci contre) ,le principal thème abordé était celui du tunnel de Tende. Et plus précisément du chantier du nouveau tube, à l’arrêt depuis l’été dernier. Par voie de communiqué, le préfet des Alpes-Maritimes, Georges-François Leclerc – présent à la commission – a ainsi souligné avoir « fermement » demandé à la délégation italienne d’agir sur quatre points: « la sécurisation de l’accès au chantier du tunnel de Tende, la présence journalière de pompiers italiens à l’instar de ce qui se pratique côté français, l’évacuation d’un stock de déchets de roche sur le chantier, la correction des malfaçons sur plusieurs ouvrages d’art ainsi que dans le tunnel en construction ». Alors que la presse italienne s’était fait l’écho d’une rumeur selon laquelle le tunnel fermerait après le Grand Prix de Monaco, le représentant de l’État a remis les choses au clair : rien de tel n’est prévu. Ni ne l’a été. Côté italien, la société nationale
des routes (l’Anas, maître d’ouvrage) a expliqué avoir résilié son contrat avec la société Fincosit – mouillée dans le scandale de vol de matériaux. En retour, cette dernière a attaqué l’Anas au tribunal administratif. « La décision de justice devrait tomber d’ici deux mois. L’Anas espère qu’on lui donnera raison. Nous craignons pour notre part que cela retarde encore les choses », commente Philippe Tabarot, conseiller régional en charge des transports. Et si la suite logique serait que le chantier soit confié au deuxième adjudicataire (la société arrivée en 2e place à l’appel d’offres, toujours intéressée), l’élu dit avoir posé la question de sa garantie financière. N’obtenant pas de réponse très précise. «Nous avons fait part de notre inquiétude par rapport aux ouvrages d’art, reprend le représentant de
la Région Paca. L’Anas s’est engagée à détruire celui sur lequel le département des Alpes-Maritimes avait dû intervenir pour consolider le mur de soutènement. Quant aux roches restées sur le site, ils ont dit qu’ils les déplaceraient et qu’ils mettraient en ordre les lieux.» Début avril, le maire de Tende, Jean-Pierre Vassallo, s’était en effet inquiété des conséquences environnementales de l’arrêt du chantier. Il envisageait alors porter plainte contre l’Anas « car on ne peut admettre que le versant français du col de Tende puisse être dégradé de telle sorte ».
2 Le chantier du train (malgré tout) en bonne voie
Pour la première fois – à la demande des régions Paca et Piémont – la question ferroviaire a trouvé sa place en commission intergouvernementale. Sous les yeux et les oreilles attentifs d’une délégation
italienne de maires défenseurs de la ligne Nice-Cuneo-Vintimille. SNCF Réseau a, en premier lieu, expliqué les raisons du retard de livraison du chantier de sécurisation de la ligne (sur le tronçon Breil-Tende). Avant de rappeler l’engagement pris de finir les travaux le 13 juillet. À l’occasion des débats, il a également été fait mention d’une étude, menée avec l’école polytechnique de Lausanne, qui viserait à permettre de développer au mieux les transports dans le triangle Nice-Cuneo-Vintimille. Une fois les travaux de sécurisation terminés, s’entend. Le conseiller en charge des transports à la région Piémont, Francesco Balocco – connu, sur Facebook, pour ne pas pratiquer la langue de bois – a quant à lui fait part de son mécontentement face au «non-respect des accords qui prévoyaient une accélération de 12 minutes du temps de trajet, au regard de l’investissement de 29 millions
(italiens)». Le renouvellement de la convention de 1970? «La contreproposition française sur le texte n’est pas encore jugée satisfaisante, en particulier dans la partie relative à la répartition des frais d’entretien », a-t-il tranché.
3 Les poids lourds non grata dans la vallée de la Roya
Autre sujet sensible : l’arrêté antipoids lourds pris par les cinq maires de la Roya – avant que le Département ne fasse de même pour la RD6204. Une décision qui enchante le versant français (exception faite de la préfecture qui jugeait la mesure «illégale»), mais désenchante l’économie piémontaise. «Les Italiens ont demandé au Département de revoir l’arrêté. Ils sont conscients des problèmes que rencontraient les habitants mais ils aimeraient que les choses soient aménagées. À certaines heures de la journée ou via un système de quota», rapporte Philippe Tabarot. Reste que si les protagonistes l’ont emporté sur la forme de l’arrêté, le fond devra à son tour être jugé. Dans de longs mois. Quant à la prochaine CIG, elle devrait avoir lieu en octobre prochain. «Avant, elles n’avaient lieu que tous les 2 ou 3 ans. Mais on doit tenir un rythme régulier pour se rendre des comptes», conclut l’élu régional.