Monaco-Matin

Kamil Glik, brassard invisible

- M. FAURE

Kylian Mbappé aime le football comme personne. Et quand l’ancien Monégasque, aujourd’hui au PSG, parle de son ancien coéquipier Kamil Glik, le ton de la blague se mêle à une certaine vérité : « C’est le seul joueur qui m’a fait mettre des protège-tibias à l’entraîneme­nt ». Tout Glik résumé en une boutade. Arrivé dans un relatif anonymat lors de l’intersaiso­n 2016, le Polonais est devenu le joueur le plus rapide à passer le cap des 100 matches dans l’histoire de l’ASM. Il a attendu 647 jours, soit 122 de moins que Bernardo Silva, l’ancien détenteur de ce record. « C’est un monstre défensivem­ent. Dans le vestiaire, il ne fait pas peur, mais sur le terrain...», disait d’ailleurs Bernardo Silva de son ancien partenaire sur le Rocher. A 30 ans, le grand blond est devenu une référence à son poste alors qu’il a pendant très longtemps évolué loin des lumières de la Ligue des champions et des clubs de haut de tableau. D’ailleurs, pour sa première demifinale de C1, l’an dernier avec Monaco, il ne fait pas dans le détail face à la Juventus Turin en s’essuyant les pieds sur le genou de Gonzalo Higuain. L’ancien capitaine du Torino n’a jamais vraiment disparu. Le «Toro» est en lui. A tout jamais. C’est dans l’autre club de Turin que Glik a gagné l’un de ses nombreux surnoms : « Terribile Polacco », le terrible Polonais. Là-bas, il devient même le premier non-Italien à porter le brassard du club depuis plus de 50 ans, participan­t chaque année à la commémorat­ion du Superga, la colline où l’avion transporta­nt l’équipe s’était écrasé le 4 mai 1949, faisant 39 morts. Un brassard qui, année après année, est devenu porteur de messages. Le drapeau polonais brodé dessus, un taureau (emblème du Torino) combattant un zèbre (symbolisan­t la Juventus) et même une citation du pape Jean-Paul II : « Hier ne t’appartient plus, demain est incertain, aujourd’hui est ce qui compte ». La moitié de la ville tombe littéralem­ent amoureuse de lui, à tel point que le rappeur local Willie Peyote, à l’origine du chant à sa gloire et du surnom « Assassin’s Glik » s’amourache du garçon comme personne. « En réalité, des gars comme Chiellini sont beaucoup plus méchants, mais se font moins remarquer. Lui y va de bon coeur, mais de là à le faire passer pour un assassin...», lâche pourtant l’artiste dans les colonnes de So Foot. Comment ce destructeu­r de jeu adverse a-t-il fait pour se faire autant aduler dans une époque où les défenseurs relanceurs sont adulés ? Parce que son style ressemble à sa personnali­té. Glik est une force de la nature. Un survivant. « Grâce à mon caractère, j’ai réussi à prendre une autre route. La seule voie, c’était de devenir footballeu­r. Quand je joue aujourd’hui, je laisse mon coeur sur le terrain ! Je joue avec mes tripes parce que personne ne m’a rien offert dans l’existence », confie-t-il à L’Equipe en septembre 2016. Car l’enfance de Kamil Glik n’est pas un long fleuve tranquille. Son père, qui gagnait de l’argent dans les mines, avait une fâcheuse tendance à taquiner la bouteille. Glik Senior décède en 2009, Kamil a 21 ans. Le Monégasque a toujours dû composer avec la maladie de son paternel. Pour le meilleur et pour le pire. Pour le Guardian, peu de temps avant l’Euro 2016, il avait accepté de se livrer sur cette période trouble de sa vie. Il se dévoile et parle d’une mère « très triste » qui « faisait tout pour l’aider, mais c’est une maladie lourde, pesante. S’il n’y a pas la volonté de la personne malade de se faire aider... ». Au détour d’une réponse, on y évoque une partie de pêche à la dynamite où son père ramène des bâtons de TNT en guise de canne à pêche. Il balance le tout dans un étang pour, ensuite, ramasser les poissons morts. Dans la foulée, Senior file au bar du coin pour dépenser en alcool le pécule de sa pêche. Malgré tout, Glik garde des souvenirs précis de son père. « Un jour, au retour d’un déplacemen­t en Allemagne, près de Munich, où il travaillai­t dans des mines, mon père m’avait offert un maillot de ce club. C’est là que j’ai commencé à le suivre et à le soutenir. Mon père me ramenait de temps en temps des équipement­s du Bayern. [...] Jouer contre ce club, ce serait beau, en partie en mémoire de mon papa ». Alors qu’il vit une enfance difficile, le numéro 25 de l’ASM a gardé un lien très fort avec sa ville natale. Dès qu’il a quelques jours de vacances, Glik revient à Jastrzebie-Zdrój pour revoir ses amis et sa mère, qui a toujours refusé de quitter l’appartemen­t où le joueur a grandi. Forcément, le grand écart avec le luxe du Rocher est criant. Mais Glik s’adapte à tout. En moins de deux ans, il est devenu un pilier de l’ASM. Un capitaine sans brassard. A tel point que la Serie A fait tout pour le rapatrier. La Lazio songerait à lui pour remplacer Stefan de Vrij, et compte sur Ciro Immobile, son ancien coéquipier du Torino, pour le convaincre. Le « Toro » rêve de son retour également. Glik, qui a prolongé l’aventure avec l’ASM jusqu’en 2021, se sent bien sur le Rocher. Après Troyes, il s’envolera pour la Russie où il disputera le Mondial avec la Pologne. Sur place, il retrouvera deux copains de La Turbie puisque la Pologne affrontera le Sénégal de Keita Balde et la Colombie de Falcao. Les deux attaquants sont prévenus. Il faudra bien fixer les protège-tibias.

Grâce à mon caractère, j’ai réussi à prendre une autre route ”

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