François Lenglet : « L’euro n’a pas fait exploser les prix » P16
L’expert en économie de France 2 publie un ouvrage dans lequel il retourne comme une crêpe 17 idées reçues. Depuis les robots qui détruisent l’emploi, jusqu’à l’immobilier valeur sûre… Éclairant
L’immobilier est un placement sans risque », « l’euro a fait grimper les prix », « à la retraite, le niveau de vie baisse », « les immigrés prennent le travail des Français »… Voici quelques-unes des déclarations que l’on entend souvent, et auxquelles s’attaque le « Monsieur Économie » de France 2. Avec son habituel sens de la pédagogie, François Lenglet démonte dixsept « certitudes » pour mieux rappeler que l’économie est une science « molle », comparable à la psychologie ou à la sociologie. Et que ses « remèdes miracles » ne valent que pour ceux qui les prescrivent…
Selon vous, la « pierre » n’est pas un placement si sûr que ça. Cela vaut-il pour la Côte d’Azur présentée comme une « bulle immobilière » ? Un jour ou l’autre, la bulle explosera. Cette bulle vient pour beaucoup de l’étranger, avec les Russes, les Chinois ou les Arabes du golfe Persique. Ces gens-là ne sont pas non plus à l’abri de problèmes qui font qu’un jour ils n’achèteront plus… Un krach boursier et tout s’arrête ! Après, Provence-AlpesCôte d’Azur garde ses atouts et tout est cyclique. Pour l’heure, l’euro fort renforce l’attractivité de la région pour les fortunes des pays émergents, qui voient chez vous des actifs qui ne se dévalueront pas.
L’économiste Keynes prophétisait trois heures de travail quotidien, comment jaugez-vous les heures ? La bêtise, c’est de l’avoir décidé de façon unilatérale avec une loi qui s’appliquait à tout le monde en même temps et en plus au pire moment, celui où l’on faisait l’euro… Ce fut un choc de compétitivité énorme alors que nous vivions les dernières années de la prospérité avec % de croissance, et l’on a gâché ces opportunités… Mais sur le fond, le mouvement de réduction du temps travail est souhaitable et même normal, étant donné l’innovation et l’élévation de la productivité.
Vous tapez sur le museau des Hamon, Mélenchon et Le Pen pour leurs contre-vérités économiques. Où vous situez-vous sur l’échiquier ? Je ne me situe pas. J’observe les choses de la façon la plus indépendante possible. Ceci dit, chez Le Pen ou Hamon, il y a aussi des choses intéressantes dans les questions qu’ils posent. Qui sont à distinguer de leurs réponses, parfois simplistes…
La vox populi veut que ce qui coûtait un franc hier équivaudrait à un euro aujourd’hui. Tout faux ? Oui, car si on regarde l’évolution des prix depuis les seize ans où nous avons l’euro en poche, elle est de , %. Ce qui est inférieur aux seize ans précédents sous le franc ! Deuxième élément, durant les seize ans d’euro, nos prix ont augmenté moins vite qu’au Royaume-Uni ou aux États-Unis, pays qui n’ont pas l’euro. Ce qui explique cette impression vient du fait que les prix du quotidien, eux, ont beaucoup plus augmenté que la moyenne : le pain + %, le café + %, sans parler de l’entretien automobile qui a fait un bond de + %. Ceci provient du fait que ces biens sont fabriqués avec des salaires français. À l’inverse, tout ce qui est fabriqué à l’étranger comme l’électroménager, l’automobile, les télés ou l’informatique a augmenté bien moins vite, voire diminué.
La paix profite au capital, mais à qui profite la terreur terroriste dans laquelle vit le pays ? C’est une nouvelle forme de guerre et je ne vois pas à qui elle profiterait… Au contraire des guerres anciennes, des tragédies qui ont détruit du capital humain, immobilier et social et ont débouché sur la parenthèse des Trente Glorieuses, qui restent encore le modèle de nos hommes politiques. Une période de forte croissance aux inégalités relativement faibles mais… transitoire. On le constate, puisque nous renouons à présent avec des tendances en terme d’inégalités et de concentration de la richesse qui sont plus habituelles et conformes aux enseignements du passé…
Les retraités sont-ils les nouvelles vaches à lait de l’État ?
Ils ont déjà bien trinqué ces dernières années. Je ne pense pas que cela se prolonge. La prochaine étape va toucher les futurs retraités avec la réforme qui se prépare. Pour les plus aisés il y a l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), l’impôt sur le capital est maintenu, Christophe Castaner a confirmé dans notre émission politique cette semaine que sa majorité était pour la taxation des résidences secondaires, on va probablement augmenter les droits de mutation… Attention aux nouveaux déséquilibres !
La Chine qui se normalise petit à petit, selon vous, ne nous dévorera pas. Quels pays pour lui succéder ? Même s’il n’y a pas d’équivalent au niveau taille et que c’est un phénomène unique dans l’histoire, il y en a une flopée en Asie qui ont des coûts de main-d’oeuvre très faibles : Vietnam, Cambodge, etc. Nous avons aussi les « dragons » européens comme la Roumanie, Slovaquie… À l’inverse, la Russie est sur le déclin. Les richesses sont confisquées par une petite clique d’industriels proches du pouvoir qui, je le note au passage, contribuent d’ailleurs à la fortune de la Côte d’Azur ! (sourire)
À qui avez-vous envie de dédier ce livre ? À mes maîtres en matière d’économie. Ceux qui, selon la belle formule du philosophe François Ewald, m’ont aidé à identifier « ce qui change dans ce qui ne change pas, et ce qui ne change pas dans ce qui change ». C’est-à-dire essayer de ne pas se laisser tromper par les apparences. Et d’aller au-delà pour comprendre le vrai sens de l’actualité.
L’euro fort renforce l’attractivité de votre région” Les Trente Glorieuses : une parenthèse”