Cicatrices: une machine en appui de la main du kiné
Le service de médecine physique et réadaptation du CHPG va s’appuyer sur la technologie pour le traitement des cicatrices. Elle permettra de travailler la souplesse de ces zones critiques
« Le palper-rouler crée un appel de sang et favorise une cicatrisation correcte »
Certes, une machine n’a pas la sensibilité de l’homme. Mais elle peut compléter son action. Illustration avec les cicatrices: lorsqu’un patient présente, à la suite d’une opération ou un accident, une cicatrice gênant ses mouvements, les massages pratiqués pour l’assouplir et la désensibiliser ne permettent pas toujours au kinésithérapeute d’obtenir le résultat escompté. C’est là où la technologie peut lui venir en aide : la « Cellu M6 Alliance Médicale», à laquelle l’équipe du service de médecine physique et réadaptation du centre hospitalier Princesse-Grace (CHPG) de Monaco se forme actuellement.
Cicatrisation en deux étapes
Pour bien comprendre l’intérêt de cet outil, le Dr Valérie Bernard, chef du service, rappelle le processus qui conduit à la cicatrisation : « La peau va d’abord se nettoyer – c’est la détersion – avec un processus inflammatoire. Ensuite, c’est la phase de bourgeonnement, au cours de laquelle le derme se reconstitue. Enfin, c’est l’épidermisation : la plaie se recouvre de cellules épithéliales. Tout ceci prend environ trois semaines. Le second temps peut durer des semaines, voire des mois : les berges de la cicatrice se rétractent et la peau va devenir plus souple. C’est la phase de remodelage
cicatriciel. Il arrive toutefois que la cicatrice évolue défavorablement : soit elle devient hypotrophique (trop petite), soit hypertrophique (trop volumineuse), soit elle est dite chéloïde : il y a une désorganisation totale du tissu cicatriciel, ce qui donne un aspect boursouflé. » Le corps de chaque individu réagit différemment ; il est donc difficile de prévoir à quoi ressemblera la zone à l’issue de ce processus. « Parfois les cicatrices en phase de remodelage ont des conséquences sur le plan anatomique: si, par exemple, elles “tirent”, cela peut gêner l’amplitude du
mouvement et causer une douleur», remarque Jean-Luc Royer, cadre de santé et kinésithérapeute. «Les massages prodigués dans le cadre de la rééducation vont permettre d’assouplir et de nourrir les tissus (avec des crèmes spécifiques) pour redonner de la souplesse et de l’élasticité. L’objectif est qu’il n’y ait plus de point d’adhérence de la cicatrice. » La machine vient ici en appui du geste du kinésithérapeute
; un embout aspire la peau ou la travaille sur le principe du palper-rouler. Ce type de technologie existe depuis le début des années 1980, mais il s’est considérablement amélioré.
Préparer la zone à une seconde opération
Il peut désormais être utilisé sur de toutes petites surfaces, que les doigts du kinésithérapeute ne peuvent pas bien saisir, ou à l’inverse sur des zones étendues, telles que les cicatrices de brûlures. «L’aspiration ou le palperrouler va créer un appel de sang et favoriser une cicatrisation correcte», souligne Jean-Luc Royer. Cette technique peut également servir dans le cadre d’une reprise chirurgicale. « Dans le cas d’un cancer du sein par exemple, la reconstruction mammaire peut être effectuée lors de la mastectomie ou dans un second temps ; il faudra alors préparer la cicatrice qui s’est formée après l’ablation du sein parce que le chirurgien aura besoin d’une bonne réserve cutanée. C’est d’autant plus important que, sur la poitrine, les cicatrices sont plutôt rétractiles et la peau fragilisée par la radiothérapie», indique le Dr Bernard. Outre l’aspect purement technique, la machine peut aussi être utilisée lorsque le patient a du mal à accepter sa cicatrice. La charge émotionnelle peut être lourde. Il arrive que le contact des mains du kinésithérapeute lui soit difficile. L’appareil va ainsi servir d’interface, le temps pour la personne de se réapproprier son corps meurtri. Dans le même ordre d’idées, le professionnel de santé va aider le patient à appréhender ce nouvel élément de son corps, en lui montrant des techniques d’auto-massage pour entretenir la zone et limiter les risques de douleur et de gêne. Un travail parfois long, mais qui s’avère crucial pour la qualité de vie future.