A Toulon, une paroisse trompée par un faux curé
On lui aurait donné le bon dieu sans confession », décrit notre interlocutrice au téléphone. «C’est quelqu’un de très gentil, qui ne paie pas de mine », poursuit-elle. « Nous l’avons pris en sympathie, il est arrivé avec un petit chien, il nous a dit que sa femme était morte il y a quatre ans.» Après quelques jours « en pension complète »,ce« client lambda » a quitté l’Hôtel de la Poste, sur la route Napoléon en Isère, laissant derrière lui une belle ardoise. L’homme réapparaît jeudi dernier, aux portes de la charmante paroisse SaintGeorges, nichée dans le quartier de L’Aguillon à Toulon. « Il débarque avec un cocard, témoigne le père Samuel, il dit qu’on l’a agressé et dépouillé. Forcément, je le crois. » Le prêtre toulonnais est d’autant plus confiant qu’il a déjà croisé la route d’Edmond Romano.
Plus Benoît XVI que pape François
« Je l’ai rencontré en juillet dernier lors du forum e-Mission à La Castille et, par hasard, le mois suivant à Lisieux. Il portait la soutane.» Le père Samuel est donc persuadé d’avoir affaire à un prêtre comme lui. « C’est quelqu’un qui connaît bien les courants qui traversent l’Église. » Edmond Romano – qui se décrit comme étant plus Benoît XVI que pape François – semble maîtriser les concepts théologiques. « Il est bluffant .» La paroisse lui offre son hospitalité, le temps qu’il se remette de son agression. On lui fait un don de 360 euros pour réparer son préjudice. « Il a demandé un bréviaire, précise le père Samuel, et je lui ai aussi donné un habit ecclésiastique. » Edmond Romano, « extrêmement sympathique », remercie alors son hôte qui lui propose de passer la nuit au presbytère, attenant à l’église. Le «père» Romano déjeune et dîne en compagnie du diacre et du curé de la paroisse. « Il nous a expliqué qu’il avait un pied-à-terre à Grenoble, et qu’il était sous-secrétaire d’État au Vatican. Il disait qu’il avait commencé à travailler pour Jean Paul II en mars 1982.»
Trahi par un article de Libération
Un CV qui force la curiosité du diacre alors que les trois hommes, en fin de soirée, rejoignent les chambres du presbytère. «[Le diacre] a tapé son nom sur Internet, il pensait trouver une fiche Wikipédia… » Et patatras. Le moteur de recherche renvoie vers un article du journal Libération au titre évocateur : «“Don” Romano, fripouille de bénitier» (1er décembre 1998). On y apprend comment Edmond Romano s’est fait passer pour un prêtre, voire un émissaire pontifical, comment « le faux curé a séduit les pigeons et plumé les ouailles». «Don» Romano a vogué d’hôtels en paroisses. Lourdes, Jouques, La Salette... Il a concélébré des messes et des enterrements, mais a aussi volé des chèques à un abbé dans les Vosges. Et a été condamné plusieurs fois, notamment à Épinal et à Grenoble.
« Je prie pour lui »
Après avoir lu le palmarès de l’imposteur, le diacre envoie un SMS au vrai prêtre. « ce moment-là, je n’en reviens pas, témoigne le père Samuel, je me demande qui est le gars dans la chambre d’à côté.» Alertée, la police vient cueillir le pseudohomme d’église vers minuit trente. Placé en garde à vue, le suspect aurait reconnu les faits devant les enquêteurs de la sûreté départementale. Le sexagénaire devait être déféré hier à Toulon, en vue d’une comparution immédiate devant le tribunal correctionnel ce lundi. « Quelle arnaque, c’est incroyable ! », commente le père Samuel, qui a hésité avant de déposer plainte. « S’il a confessé des gens, ce n’est pas rien. Il aurait pu leur donner de mauvais conseils. C’est dangereux. Je prie pour lui.»