Signé Roselyne
Mardi
Paraphrasant Boileau qui dans sa première satire écrivait : « J’appelle un chat un chat et Rollet un fripon », il faudra bien que les syndicats abandonnent la langue de bois et reconnaissent que la grève et la « grande » manifestation des fonctionnaires de ce mardi furent des bides cuisants pour leurs organisateurs. Le front syndical unitaire – vanté comme gage de succès – a jeté dans les rues moins de personnes sur les , millions d’agents publics que compte le pays et encore peut-on supposer qu’il y avait quelques renforts à leurs côtés. Quant aux grévistes, ils étaient environ %… Personne ne peut avancer sérieusement que le service public est menacé par le timide engagement d’Emmanuel Macron de supprimer postes dans l’ensemble des trois fonctions publiques au terme de son mandat, très loin des suppressions promises par François Fillon. Ni la durée légale du travail, ni les grilles de rémunération, ni la garantie de l’emploi à vie, ni le statut ne sont menacés. Pourtant, la même antienne accusatoire ressurgit au motif fallacieux qu’on supprimerait des postes de policiers, d’infirmières ou d’enseignants. Rien de tout cela. Le gros des suppressions – postes – doit se produire dans les collectivités territoriales qui, en dix ans, ont embauché (!) personnes supplémentaires dont à peine un tiers résultant d’un transfert de compétences. Sans compter les innombrables jours de congés et autres réductions du temps de travail qui ont fait tomber la durée moyenne hebdomadaire en dessous des heures. Clientélisme, mon beau souci… La fonction publique d’État verrait ses effectifs réduits de postes sur agents, bien modeste effort si on considère les énormes gains de productivité rendus possibles par les nouvelles technologies. Quant à l’hôpital, il n’est pas concerné et va continuer hardiment à embaucher. Cependant, là aussi, si on veut bien ne pas se laisser intoxiquer par les images des réels dysfonctionnements dans une minorité de services d’urgence devant lesquels campent piquets syndicaux et caméras de télévision, il faudra reconnaître que nombre de services, urgences et autres, sont en sureffectif, que l’hospitalisation à domicile n’a pas la place qu’elle mérite, que, sous l’influence des élus locaux, on maintient des établissements et des services dangereux. Tout cela est bien connu des fonctionnaires qui sont à l’intérieur de la machinerie et qui en parlent librement quand ils sont loin des journalistes et des camarades syndiqués. C’est aussi dans ces vérités indicibles qu’il faut chercher les
raisons de l’échec de la mobilisation des fonctionnaires.
Mercredi
Les Italiens sont impayables et, cependant, ils comptent bien nous faire passer à la caisse. Pour comprendre ce qui se passe dans la patrie de Verdi, transposons tout cela dans une France qui aurait vu l’avènement de la VI° République, espérée par certains, avec retour à la proportionnelle intégrale, rôle croupion dévolu au président de la République et responsabilité de l’exécutif confié à un président du Conseil choisi par la majorité parlementaire issue des élections législatives. Ne dites pas que c’est impossible, c’est exactement le système qui prévalait sous la IVe. Reprenons notre fiction : les législatives ont amené la victoire du Front national d’une part et de l’autre d’un parti imaginé par un humoriste animateur – Cyril Hanouna par exemple – qui aurait bâti son programme sur un slogan dégagiste imagé « va te faire enc.. ». Marine et Cyril n’ayant pas obtenu la majorité absolue chacun pour leur compte font alliance et vont trouver le président de la République en lui annonçant qu’ils ont choisi un président du Conseil qui a fait ses preuves, vu qu’il a bidouillé son CV avec de faux diplômes et qu’il s’est acoquiné avec un charlatan qui a promu des traitements anticancéreux bidon. De toutes façons, tout cela n’est pas grave car ils ont l’intention de le mettre sous surveillance, non pas du Parlement, mais d’une sorte de Kominterm composé d’apparatchiks
de leurs mouvements. Le nouveau chef de l’exécutif, sans aucune connaissance du fonctionnement de l’État, est sommé de mettre en oeuvre un programme sympathique avec trois mesures phares : la réduction massive des impôts, la création d’un revenu universel et l’abaissement de l’âge de la retraite, plus quelques zakouskis savoureux, tout cela pour une modique somme évaluée autour de milliards de dépenses annuelles reconductibles. Enfin, sans compter le service de la dette puisqu’il faudra emprunter à taux majoré pour payer ces dépenses courantes. Pas de problème, diront nos zozos, les Européens auront tellement peur de l’effondrement de la zone euro qu’ils nous passeront toutes nos foucades. Cerise sur le gâteau et plaisir d’offrir, immigrés seront reconduits à la frontière pour aller je ne sais où. Voilà donc ce qui est exactement en train de se passer dans la patrie de Giuseppe Garibaldi et d’Alcide de Gasperi. Heureusement que les institutions voulues par le général de Gaulle en nous préservent d’un tel scénario catastrophe car, à bien y regarder, les résultats du premier tour de l’élection présidentielle de nous promettent pareilles mésaventures si nous avions l’inconscience d’écouter les sirènes des faux prophètes de la pseudo-rénovation démocratique.
Vendredi
Comment se sortir sans trop de dégâts d’un piège où l’on s’est soimême fourré ? C’est bien la question qui taraude l’intersyndicale SNCF. L’État a donc annoncé qu’il reprenait milliards de la dette – bonjour, les contribuables ! –, ouvrait des négociations
pour une convention collective « ambitieuse » pour les cheminots et confirmé un plan d’investissements substantiel sur les lignes secondaires. Tout cela était attendu et parfois même déjà précisé. Les camarades à la sortie de Matignon ont donc adopté une posture alambiquée sur le mode : tout ça a été obtenu par le mouvement de grève et conquis de haute lutte par la détermination syndicale qui a fait reculer le gouvernement. En réponse, Edouard Philippe, d’une exquise urbanité, a tenté de leur faire croire qu’il avait été impressionné par le référendum organisé dans des conditions ahurissantes parmi les agents de la SNCF. Bref, un bal des faux-culs destiné à sauver la face pour les syndicats et à ne pas humilier pour le gouvernement. The show must go on, la grève continue mais la flamme n’y est plus.
Samedi
Samedi est un bon jour pour filer chez son libraire et préparer quelques livres à mettre dans sa valise pour les vacances. Nous avons appris cette semaine la disparition de Jean-François Parot, l’auteur des aventures de Nicolas Le Floch et c’est l’occasion de lire ou relire ces livres à la fois distrayants et fort bien écrits. Vous suivrez les enquêtes du séduisant policier dans le Paris du XVIIIe siècle en commençant par L’Énigme des blancs manteaux et en terminant par Le Prince de Cochinchine (Ed. J-C. Lattès). Ce qui fait le charme de ces opus est que se mêle à l’intrigue une description documentée de la vie quotidienne dans le Paris populaire et dans les milieux aristocratiques, tout spécialement à la cour de Versailles. Mais surtout, surtout, la description avec force détails des agapes et des libations auxquels se livrent les personnages de Parot est un délice en soi qui fait monter l’eau à la bouche. Il est rare de savourer autant de plaisirs sensuels et épicuriens tout en revisitant l’histoire de France…
« [A l’hôpital] il faudra reconnaître que nombre de services, urgences et autres, sont en sureffectif, que l’hospitalisation à domicile n’a pas la place qu’elle mérite, que, sous l’influence des élus locaux, on maintient des établissements et des services dangereux.»