« On ne peut pas attendre plus longtemps » À la une
Atteint par un cancer de la thyroïde extrêmement agressif, Emmanuel, un Niçois de 47 ans, était condamné. La greffe de trachée était l’opération de la dernière chance. Elle l’a sauvé
Emmanuel, 47 ans, est un homme discret et pudique. S’il accepte de se livrer, c’est pour rendre hommage aux médecins qui lui ont sauvé la vie en lui offrant l’opportunité de participer à ce protocole de greffe de trachée. Il y a deux ans, Emmanuel apprenait qu’il était atteint d’un cancer de la thyroïde. «J’étais en pleine forme, lorsque j’ai commencé à ressentir une gêne importante au niveau de la pomme d’Adam. Avec tout ce que l’on entend sur la thyroïde, je me suis dit qu’il était plus prudent de consulter.» Son médecin traitant lui prescrit aussitôt des examens, avant de l’adresser au Pr José Santini, éminent ORL et coordonnateur médical de l’IUFC. «Il a décidé de m’opérer tout de suite. “Tout s’est bien passé”, m’a-t-il dit après l’intervention. Mais il avait l’air inquiet.» L’intuition d’Emmanuel est fondée. Lorsqu’il retourne à l’IUFC quelques jours plus tard, les nouvelles sont mauvaises. « Les cellules cancéreuses ont atteint la trachée. C’est une tumeur extrêmement agressive. Il faut faire quelque chose. Très vite. Sinon il vous reste peu de temps à vivre…» «Je voudrais voir grandir mon fils», répond Emmanuel, père d’un adolescent de 16 ans. «Je ne vois qu’une seule solution, la greffe de trachée», propose le Pr Santini. Les alternatives à cette greffe, comme une trachéotomie, outre leur caractère délabrant, ne lui garantissent pas la guérison, «compte tenu de l’étendue de la tumeur». «Il m’a aussitôt indiqué qu’il s’agissait d’un protocole conduit à Paris, et qu’il n’était pas sûr que je sois éligible à cette intervention…»
« Ils se sont occupés de tout »
Le cas d’Emmanuel va être examiné par un comité d’experts, dont le Pr Charles-Hugo Marquette, chef du service de pneumologie au CHU de Nice, impliqué depuis le début dans les recherches sur la greffe de trachée (lire (Photo d’illustration NM) par ailleurs). Il sera finalement retenu. «Je me souviens qu’ensuite ils se sont occupés de tout.» Il rencontrera une première fois le Pr Martinod qui lui expliquera en quoi consiste l’intervention. Avant de conclure par ces mots : « Avec vous, on est dans les dernières limites. On ne peut pas attendre plus longtemps. » Leur deuxième rencontre se fera au bloc. «Je sais que l’opération a duré très longtemps, que le Pr Santini était là, au réveil aussi… À part ça, je ne me souviens de rien.» Ou presque. Persiste en effet le souvenir de ces douleurs lorsqu’il s’est agi d’essayer de parler, de respirer. «On m’y incitait, mais c’était très dur… Et puis peu après, je me suis mis à enfler, de l’air s’était infiltré… Je savais que c’était temporaire, mais j’étais défiguré, difforme.» En dépit de ces suites douloureuses, Emmanuel continue de croire dans le succès de l’intervention. «Je faisais totalement confiance au Pr Santini; je connaissais son excellente réputation; je me disais qu’en me proposant cette greffe, il savait ce qu’il faisait.» Et la suite le confirmera. Après deux semaines à l’hôpital Avicenne, Emmanuel sera rapatrié à Nice. «Après quelques jours à l’IUFC, j’ai pu rentrer chez moi. » Trois mois après l’opération, le Niçois retourne au travail. Sa maladie a été terrassée. Certes, il reste un peu gêné par sa voix éraillée, et la curiosité qu’elle suscite chez ses interlocuteurs. «Les cordes vocales frottent contre l’endoprothèse. Dès qu’on me l’enlèvera, je retrouverai ma voix normale.» Il devrait aussi être libéré de ses «toux douloureuses et des obligations d’expectorer régulièrement». Le retrait de l’endoprothèse aurait dû déjà avoir lieu. Il a été retardé par la survenue d’autres problèmes de santé importants sans lien avec son cancer de la thyroïde, mais sur lesquels il choisit de garder le silence. Pour préserver son fils. Il préfère résumer son parcours en quelques mots enthousiastes: « Les médecins ont fait un super travail. Et ils ont toujours été là pour moi.» Le quadragénaire est parfaitement conscient que dans «[son] malheur, [il a] eu de la chance » – «Si la technique n’avait pas été élaborée par des Français, je ne serais pas là pour en parler ». Alors, Emmanuel défie sa nature et accepte que son cas soit largement exposé aux étudiants. «Moi, je suis plutôt discret, mais ma trachée est très célèbre.»