Bijoutier de Nice : meurtre ou légitime défense ?
Un bijoutier comparaît à partir de ce matin pour le meurtre à Nice en 2011 d’un jeune de Carros qui l’avait attaqué dans sa boutique. L’accusé, 72 ans, a le soutien de l’opinion publique
Àl’angle de la rue d’Angleterre et de la rue d’Italie, un drap blanc recouvre le corps d’un homme. Antony Asli, 19 ans, est mort sur le bitume, le matin du 11 septembre 2013, vers 8h45. À cette heure d’affluence dans ce quartier Notre-Dame, en plein coeur du centre-ville de Nice, les policiers ont rapidement bouclé le quartier. Les secours n’ont pu que constater le décès d’un jeune délinquant de Carros, atteint d’une balle dans l’omoplate. Avec l’un de ses amis, Ramzi Kachroub, 21 ans, il venait d’attaquer La Turquoise, modeste bijouterie de quartier tenue par Stephan Turk. La caméra de surveillance placée dans le commerce a enregistré l’attaque: soudaine, brutale. Deux hommes casqués, gantés, armés, frappent le bijoutier qui est en train d’ouvrir sa boutique, s’emparent de divers bijoux et d’une cassette. Ils saisissent un pistolet à grenaille posé sur le comptoir pour couvrir leur fuite.
Tir mortel
Les malfaiteurs sautent sur le scooter Yamaha T-Max laissé sur le trottoir. Les fuyards sont encore rue d’Italie quand des coups de feu retentissent.
Stefan Turk, pistolet au poing, accroupi sous son rideau métallique à demi relevé, vient de tirer à trois reprises. Le pilote prend le premier virage sur sa droite quand le passager s’effondre sur la chaussée. Ramzi
Kachroub tente vainement de relever son complice puis démarre à nouveau en trombe. En quelques secondes, la vie de Stephan Turk bascule. Il est placé en garde à vue. L’opinion publique s’embrase au
sujet de cette dramatique affaire. Un internaute du sud-ouest lance une page sur Facebook pour exprimer sa solidarité au commerçant. Un million et demi de personnes se précipitent en trois jours pour «liker» la page en faveur du commerçant. Mis en examen pour homicide volontaire, Stephan Turk, père de famille qui avait fui le Liban en guerre il y a vingt ans, inconnu à ce jour de la justice, obtient, avec le concours de son conseil Me Franck De Vita, d’être placé sous surveillance électronique le temps de l’instruction de cette affaire. Selon l’avocat de la défense, Stephan Turk s’est senti menacé par Antony Asli. Sonné par les coups qu’il a reçus, le commerçant aurait riposté en état de légitime défense.
Une semaine pour trancher
Les investigations du juge Alain Chemama accréditent plutôt la thèse de l’intention homicide alors que les deux agresseurs quittaient les lieux avec le butin. Le parquet, représenté ce matin par le procureur de la République Jean-Michel Prêtre, a, pour l’instant, la même lecture du dossier. La cour d’assises des Alpes-Maritimes, présidée par Patrick Veron, un magistrat respecté, s’est donné une semaine pour trancher cet épineux débat juridique. Sachant que dans ce type d’affaire, le jury populaire n’hésite pas, parfois, à s’affranchir du code pénal.