Nivèse «à voir et à revoir»
La seule artiste-femme de l’École de Nice se voit consacrer une expo à la bibliothèque Nucéra à Nice. Une rétrospective exceptionnelle intégrant des oeuvres encore jamais vues en France et des travaux récents
Vous connaissez au moins une de ses oeuvres. Les clôtures en paravents métalliques découpés autour de la bibliothèque Nucéra de Nice, c’est elle. Miss Liberty à l’Acropolis, c’est encore elle. La Pyramide en acier découpé en face du Musée des arts asiatiques à l’Arénas, c’est aussi elle. Elle, c’est Nivèse, la seule femmeartiste de l’École de Nice, à laquelle la bibliothèque Nucéra consacre actuellement une exposition-rétrospective, incluant des oeuvres encore jamais vues en France, même si certaines ont déjà été exposées à l’étranger. Une belle occasion de découvrir ou revoir «la part féminine de l’Ecole de Nice » comme l’a si joliment dit France Delville, critique d’art et épouse du galeriste Alexandre de la Salle A tous seigneurs tous honneurs. C’est à Nivèse que revient celui de clore la série des expositions qui ont marqué depuis un an le 15e anniversaire de la bibliothèque Nucera, série commencée avec Sosno, concepteur de la Tête carrée qui abrite les locaux administratifs de la bibliothèque.
Inédites à Nice
Parmi les oeuvres de Nivèse inédites à Nice, on y trouve des ex-votos réalisés pour la «messe des artistes» niçoise de 2015, mais aussi des travaux plus anciens comme Toute une histoire, une peinture sur plastique transparent de 1983 ; ou Africanité, un collage-découpage incluant un cliché du photographe André Villers réalisé en 1985. A travers l’exposition, on réalise la diversité du talent de l’artiste installée à Nice depuis 1973. Émigrée de Belgique en France, Nivèse (Nivès, la neige en croate) est ellemême fille de deux émigrés yougoslaves venus travailler à la mine en Walonnie. Adolescente, elle aime les maths, mais déjà leur préfère le dessin. Du Gauguin, mais aussi des femmes nues, qui lui valent les encouragements de son prof d’algèbre et de géométrie. Ses parents n’ayant pas d’argent pour les études de tous leurs enfants, elle devra attendre d’avoir presque trente ans pour entrer à l’école des Beaux-arts Arson à Nice (en cursus libre)!
Appréciée à New York et en Asie
Après avoir contribué à payer les études de son mari peintre en Belgique, elle avait attendu qu’il lui rende la pareille, mais avait fini par partir seule en 1973 pour la Côte d’Azur, terre d’artistes de ses rêves. Assistante de César, puis de Sosno, elle intègre le groupe de l’Ecole de Nice, dont elle sera au final la seule artiste-femme, même si la foule de ses homologues masculins renommés l’occulte quelque peu, et même si elle est davantage connue et appréciée en Amérique ou en Asie. La rétrospective témoigne de ses débuts, avec ses Ex-votos à la putain réalisés à partir de tissus et d’objets chinés aux Puces, ou encore avec ce dessin du Couple de 1978. On y voit aussi son évolution vers l’abstraction à travers des formes plus géométriques et son art du découpage, qui produit une véritable dentelle de papier, de carton, de bois, et enfin de métal, un matériau difficile qu’elle dompte pourtant jusqu’à d’impressionnantes épaisseurs. Cette dentelle joue avec les ombres et les lumières, devenant une sculpture vivante et mouvante avec le soleil. Ses Hommes debout font penser aux chevalets géants des ascenseurs de la mine où s’usait son père; les treillages de ses sculptures aux grilles et aux roues des charbonnages... Le début des années 2000 est marqué par ses séries des Marylin, mais aussi des Délices de Capoue, mêlant découpages contemporains et fresques inspirées de l’Antiquité romaine. Mais sur les murs comme entre les étagères de livres