Monaco-Matin

Nice-Nord : une jeune inconnue, appât pour une extorsion?

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

C’est lui qui m’a proposé un rendez-vous ! Ce n’est pas moi qui lui ai forcé la main pour qu’on se voie… » Pressée de questions, Shaïma tente d’esquiver les pièges judiciaire­s. Cette femme de 22 ans est placée sur le gril, hier après-midi, lors de l’audience correction­nelle spéciale à Nice. D’accord, Shaïma admet avoir séduit un homme via l’applicatio­n Snapchat, « par intérêt ». Mais a-telle servi d’appât pour permettre à une bande de gros bras de racketter l’infortuné élu ? Et si oui, l’a-t-elle fait sciemment ? Tel est l’enjeu de cette affaire peu banale, jugée depuis hier et jusqu’à ce soir. Cinq hommes et deux femmes, âgés de 20 à 31 ans, comparaiss­ent à la barre dans cette affaire de vol avec violences et en réunion, et de tentative d’extorsion de fonds. L’un des prévenus manque à l’appel. La victime aussi. En son absence, c’est la présidente du tribunal, Anne Vincent, qui explique dans quel guêpier cet homme s’est fourré. Nice-Nord, avenue Henry-Dunant, le 3 novembre 2016 à 19 heures. La nuit est tombée sur le vallon des Fleurs. C’est l’heure du rendez-vous entre Shaïma et l’homme qu’elle a contacté une semaine plus tôt via Snapchat. Elle le retrouve dans sa voiture, accompagné d’un ami. Soudain, quatre gaillards déboulent. L’accueil va s’avérer des plus musclés. L’homme au volant se fait extirper de l’habitacle manu militari. «Ils m’ont agrippé, s’y sont mis à deux. Ils ne m’ont même pas demandé de sortir. Ils m’ont agressé direct ! », confiera l’intéressé. Gifles. Coups de pieds. Coups de poings. Puis, direction le hall de la résidence, pour une nouvelle raclée. Entre-temps, le passager a été relâché. Shaïma, elle, a filé dès le début des explicatio­ns sans demander son reste.

Réputation de « pigeon »

La victime se voit délestée de sa carte bancaire et des 300 euros stockés dans son portefeuil­le. Mais les agresseurs en veulent plus. Dix fois plus. Trois mille euros à régler le 15 du mois ! La victime se résout à accepter. Ne donne pas suite. Mais ses créanciers, eux, n’ont pas oublié. Le 15 novembre, ils partent à l’assaut de son domicile. Coups de pied, de barre de fer… Ils déguerpiss­ent par peur de voir débarquer la police. En somme, l’homme alpagué sur Snapchat a été rançonné. À cause de sa réputation de « pigeon », dixit la présidente ? « Je dirais plutôt généreux. C’est pour ça que je l’ai ajouté sur Snapchat », corrige Shaïma. La présidente, intriguée : « Généreux comment ? » Shaïma : « Généreux avec les filles… » L’intéressé, réputé flambeur sur les bords, a été bien mal inspiré d’envoyer la photo d’une liasse de billets « gagnés au casino », lors des cyber-échanges avec l’inconnue. Celle-ci se trouvait alors dans un bar à chicha proche de la gare. La photo des billets n’y est pas passée inaperçue. Shaïma assure que cet homme lui a proposé le premier rendezvous. Lui soutient le contraire. Il jugeait même « suspect » l’empresseme­nt de la jeune femme. Shaïma se doutait-elle que ses fréquentat­ions de bar viendraien­t le « sbouner » ? C’est ce qu’elle avait déclaré, en ces termes. Elle le réfute à présent : « Sur le coup, je ne voyais pas le mal. Quand la police m’a appelée, j’ai trouvé ça bizarre…»

Complice ou « naïve »

À ses dires, Shaïma a voulu profiter des largesses financière­s du « pigeon ». Rien de plus. Sa «copine » Sarah l’y a bien encouragée. « Là-bas, au vallon, ils disaient qu’il faisait des sous. C’est tout ce que j’ai entendu », assure cette dernière. Mais pour l’accusation, c’est bien Sarah qui a fait le lien avec les agresseurs. Sarah, en contact continu avec Shaïma lors du rendez-vous supposé galant. Simple « précaution », assure la seconde. Et ces cinq agresseurs, alors ? Qui sont-ils et que venaient-ils faire là? Bilel et Zakarya, entendus hier, contestent avoir flanqué une correction à la victime. Et plus encore avoir fomenté un guetapens avec Shaïma pour appât. D’après la victime, les agresseurs se seraient montrés loquaces. Certains auraient prétendu défendre leur « cousine », voire sa «soeur» pour l’un d’eux. Allant jusqu’à soutenir qu’il lui « fallait payer pour sortir avec une musulmane ». Pure élucubrati­on ? Ou réelle conviction ? L’auteur des propos n’étant pas identifié, la présidente sonde les prévenus. « Shaïma est respectabl­e, comme toute femme », assure Bilel. « Chacun est libre de faire ce qu’il veut. Je ne sais pas qui a sorti ça. Il faudrait le demander à la victime… », renchérit Zakarya. Les débats reprennent ce matin. Partie civile, parquet et défense livreront leur version de ce dossier, entre « appât » et « naïveté ».

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