Italie: vers de nouvelles élections d’ici quelques mois
Le président italien Sergio Mattarella a chargé, hier, Carlo Cottarelli, un Monsieur austérité, de former un gouvernement pour préparer de nouvelles élections. Les populistes se mobilisent
Carlo Cottarelli, 64 ans, ancien haut responsable du Fonds monétaire international (FMI) surnommé «M. Ciseaux» pour son rôle dans la réduction des dépenses publiques en 2013-2014, prend ainsi le relais, après le veto spectaculaire de Sergio Mattarella à un exécutif alliant le Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème) et la Ligue (extrême droite) sans garantie du maintien de l’Italie dans l’euro.
Le MS et la Ligue vent debout
La démarche n’a pas suffi à rassurer les marchés financiers: la Bourse de Milan a clôturé en baisse de 2,09 %, tandis que le spread, l’écart très suivi en Italie entre les taux d’emprunt à dix ans allemand et italien, a bondi à 235 points, son plus haut niveau depuis novembre 2013. Actuel directeur de l’Observatoire des comptes publics, Carlo Cottarelli a promis de présenter « très rapidement » son gouvernement avant de se présenter devant le Parlement, où il n’a cependant quasiment aucune chance d’obtenir la confiance: le M5S et la Ligue, majoritaires, sont vent debout contre sa nomination. Si jamais il obtenait la confiance – que seul le Parti démocrate (PD, centre gauche) semble disposé à voter –, M. Cottarelli veut faire adopter le budget 2019 avant des élections anticipées en début d’année prochaine. Si le Parlement le rejette, il se contentera de gérer les affaires courantes jusqu’à des élections « après le mois d’août ». «Tout ça n’est pas la démocratie, ce n’est pas le respect du vote populaire. C’est seulement le dernier soubresaut des pouvoirs forts qui veulent une Italie esclave, appauvrie et précaire», s’est insurgé Matteo Salvini, le patron de la Ligue, et d’avertir: «Les élections seront un plébiscite, le peuple et la vraie vie contre les vieilles castes et ces messieurs du spread ! ». M. Di Maio, chef de file du M5S, a évoqué sur Facebook « la nuit la plus sombre de la démocratie italienne» et a appelé ses partisans à se mobiliser en plaçant un drapeau tricolore à leur fenêtre et à se rassembler à Rome le 2 juin, jour de fête nationale et de parade militaire dans la capitale. Dimanche soir, Sergio Mattarella a refusé
de nommer Paolo Savona au ministère des Finances, alors que MM. Salvini et Di Maio refusaient d’envisager un autre nom que cet économiste anti-euro, obligeant Giuseppe Conte, le juriste novice en politique choisi par les deux alliés, à jeter l’éponge. «Le président Mattarella n’a fait qu’exercer ses pouvoirs constitutionnels», a cependant résumé Massimo Luciani, président de l’association des constitutionnalistes italiens.
La zone euro soulagée
A l’étranger, le président français Emmanuel Macron a loué le « courage » et le « grand esprit de responsabilité» de Sergio Mattarella, tandis que la chancelière allemande Angela Merkel rappelait: «Nous voulons travailler avec chaque gouvernement mais bien sûr, nous avons des principes au sein de la zone euro ». L’heure était en revanche à la colère chez les alliés eurosceptiques de MM. Salvini et Di Maio. La cheffe de l’extrême droite française, Marine Le Pen, a dénoncé «un coup d’Etat » de l’UE en Italie, tandis que Nigel Farage, le croisé du Brexit, a prévenu que la « fureur » des électeurs italiens se traduirait par «davantage de voix» pour les eurosceptiques.