Monaco-Matin

Procès Turk à Nice : trois tirs, trois secondes, un mort

Experts en balistique et médecins légistes ont analysé hier les tirs successifs dont un a causé la mort d’Antony Asli. Stephan Turk, le bijoutier braqué, soutient qu’il n’a jamais eu l’intention de tuer

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Les photograph­ies du bijoutier de la rue d’Angleterre à Nice, genou droit à terre, arme à la main, passent et repassent sous les yeux de la cour et des jurés. Le matin du 11 septembre 2013, Stephan Turk, vient d’être attaqué par deux hommes casqués et armés qui l’ont brutalisé et dévalisé. Le bijoutier prend un pistolet 7.65 et se met en position, sous le rideau métallique à moitié baissé de sa boutique. Les images sont montrées sous toutes les coutures, grossies, scrutées pour y débusquer la vérité. Les experts en balistique se succèdent. On disserte des heures sur les angles de tir, sur la vitesse d’un scooter Yamaha T-MAX, sur le comporteme­nt de l’ogive qui aurait été déviée et déformée avant de mortelleme­nt blesser Antony Asli, 19 ans. Ce qui frappe, c’est le peu de distance entre le tireur et les malfaiteur­s. La scène de la riposte au pistolet 7.65 dure trois secondes. Le président Patrick Véron et ses assesseurs ont tenté hier de comprendre dans quelles circonstan­ces Stephan Turk avait fait feu à trois reprises.

(Photo Frantz Bouton)

Querelle d’experts

Les experts commis par la justice sont formels: le deuxième tir est fatal. Un autre expert, mandaté par la défense pense qu’il s’agit plutôt du troisième. Dans la cacophonie ambiante, le président Véron résume : « Il y a un premier tir, presque perpendicu­laire, dans le pot d’échappemen­t. Un deuxième tir ascendant à 30 degrés qui semble être mortel. Un troisième coup de feu qui effleure le carénage

du propre scooter de M. Turk avant de se figer dans la selle du T-MAX des malfaiteur­s. » « L’orifice d’entrée de l’ogive est juste en dessous de l’omoplate droite d’Antony Asli », confirme un légiste, ce qui accrédite la thèse du juge d’instructio­n et du parquet qui ont rejeté la légitime défense. Cela commence à s’éclaircir sauf que l’expert honoraire Ballester pense que la déformatio­n de la balle de 7.65 s’explique par un premier obstacle, en l’occurrence le carénage du propre scooter du bijoutier, stationné à droite, sur le trottoir. Me De Vita, défenseur du bijoutier, continue de soutenir que son client a été menacé par le passager qui tenait le fusil à pompe. Plus la journée s’étire, plus les experts campent sur leur position. « Vous êtes d’accord sur des détails mais pas sur l’essentiel », ironise Me Phlippe Soussi, l’un des avocats des parties civiles. (Photo Dodergny) Gros plan à nouveau sur les photos où Stephan Turk, de dos, semble ne pas voir où il tirait précisémen­t. « Si, je voyais », précise-t-il. « Si j’avais voulu les tuer, je l’aurais fait bien avant », ajoute-t-il. « Mais pourquoi diable aviez-vous un pistolet chargé à la main? », s’étonne le président. Les braqueurs s’enfuyaient. « Je voulais récupérer mes affaires. J’ai tenté de parler avec eux. Avant le deuxième tir, le passager avec le fusil m’a menacé. Je pensais à ma vie. J’ai tiré instinctiv­ement sans vouloir les blesser. »

Dents brisées

Malgré ses contradict­ions, le retraité mobilise son énergie et se défend pied à pied : « Je sais bien que c’est une tragédie pour la famille Asli, pour le magasin. Mais ce n’était pas mon choix. » Me Scolari, au nom des proches du défunt, attend des remords et des regrets plus appuyés : « Avez-vous un mort sur la conscience ? » s’interroge l’avocat. « Je ne suis pas un assassin », répond le retraité qui, peu avant, a sorti de sa sacoche une petite boîte jaune. A l’intérieur, ses dents brisées par Ramzi Khachroum, l’autre braqueur, qui purge actuelleme­nt dix ans de réclusion pour cette attaque à main armée. Les plaidoirie­s débutent aujourd’hui. Il n’est pas exclu que Stephan Turk soit fixé dès ce soir sur son sort.

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Dans les pièces à conviction, le pistolet . utilisé par le bijoutier
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