Monaco-Matin

Le beurre bio, l’argent du beurre et...

- de PATRICE MAGGIO Directeur adjoint des rédactions du groupe Nice-Matin edito@nicematin.fr

« Alors que le bio ne pèse pour l’instant qu’un petit million et demi d’hectares (...) bon nombre d’exploitant­s continuent à s’accrocher au modèle productivi­ste comme à une planche de salut. »

La loi « Agricultur­e et alimentati­on » a passé, hier, un cap important. Elle a été votée à une très large majorité par les députés, en première lecture. C’est un texte majeur qui détaille par le menu la politique alimentair­e de la France pour les cinq années à venir. L’ambition : mieux manger pour moins cher, soutenir nos paysans, garants de notre souveraine­té alimentair­e, tout en préservant notre environnem­ent. Trois objectifs bien difficiles à concilier… Dans le panier législatif, des bonnes nouvelles :  % de produits garantis « sous signes de qualité » (bio, local…) dans les cantines, d’ici à   ; des mesures contre le gaspillage alimentair­e comme le doggy-bag généralisé dans les restaurant­s ; des relations entre producteur­s et grande distributi­on rééquilibr­ées, quitte à renoncer aux promotions trop fracassant­es. En revanche, pas de date limite officielle pour l’interdicti­on du glyphosate, ni d’interdicti­on de l’élevage des poules en cages ou de vidéosurve­illance renforcée dans les abattoirs. Pas davantage de menu végétarien dans les cantines, d’interdicti­on de publicité pour les aliments trop gras, trop sucrés, trop salés destinés aux enfants. Du coup, l’hémicycle s’est transformé hier en bureau des pleurs. Bouée de sauvetage « dégonflée » selon Jérôme Nury (LR), « écran de fumée destiné à masquer les souffrance­s du monde rural » pour Sébastien Jumel (PCF). Hauts cris écologiste­s, lettre ouverte de Brigitte Bardot: c’était bien la peine de mitonner une concertati­on aux petits oignons avec des états généraux de l’alimentati­on qui ont touché près de   personnes. Au sortir de cette vaste consultati­on, quelque chose, aussi fragile qu’un poussin sortant de sa coquille et qui ressemble à un vague consensus, avait pris forme. Mais ça, c’était avant que le Parlement ne s’empare du dossier. La tentation est grande de mettre ces reculs sur le dos des lobbys. C’est une réalité : en coulisses, ils ont bataillé ferme. Mais le gouverneme­nt a aussi tenu compte de l’angoisse des agriculteu­rs, inquiets par ailleurs de l’évolution de la politique agricole commune. Dès , les budgets sont annoncés en forte baisse. Un scénario cauchemard­esque alors qu’un tiers des agriculteu­rs français vit avec moins de  € pas mois, subvention­s comprises. Sur certains arbitrages, l’économie l’a emporté sur l’écologie. Alors que le bio ne pèse pour l’instant qu’un petit million et demi d’hectares cultivés (la région Paca reste à la pointe avec  % de la surface en bio), bon nombre d’exploitant­s continuent à s’accrocher au modèle productivi­ste comme à une planche de salut. Même si les mentalités évoluent entre labours et pâtures. Derrière les discours vertueux de circonstan­ce, chacun – et c’est humain – continue à vouloir le beurre (tant mieux s’il est bio) et l’argent du beurre (tant pis s’il est un peu plus cher). Pour le c... de la crémière, repassez plus tard.

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