Le beurre bio, l’argent du beurre et...
« Alors que le bio ne pèse pour l’instant qu’un petit million et demi d’hectares (...) bon nombre d’exploitants continuent à s’accrocher au modèle productiviste comme à une planche de salut. »
La loi « Agriculture et alimentation » a passé, hier, un cap important. Elle a été votée à une très large majorité par les députés, en première lecture. C’est un texte majeur qui détaille par le menu la politique alimentaire de la France pour les cinq années à venir. L’ambition : mieux manger pour moins cher, soutenir nos paysans, garants de notre souveraineté alimentaire, tout en préservant notre environnement. Trois objectifs bien difficiles à concilier… Dans le panier législatif, des bonnes nouvelles : % de produits garantis « sous signes de qualité » (bio, local…) dans les cantines, d’ici à ; des mesures contre le gaspillage alimentaire comme le doggy-bag généralisé dans les restaurants ; des relations entre producteurs et grande distribution rééquilibrées, quitte à renoncer aux promotions trop fracassantes. En revanche, pas de date limite officielle pour l’interdiction du glyphosate, ni d’interdiction de l’élevage des poules en cages ou de vidéosurveillance renforcée dans les abattoirs. Pas davantage de menu végétarien dans les cantines, d’interdiction de publicité pour les aliments trop gras, trop sucrés, trop salés destinés aux enfants. Du coup, l’hémicycle s’est transformé hier en bureau des pleurs. Bouée de sauvetage « dégonflée » selon Jérôme Nury (LR), « écran de fumée destiné à masquer les souffrances du monde rural » pour Sébastien Jumel (PCF). Hauts cris écologistes, lettre ouverte de Brigitte Bardot: c’était bien la peine de mitonner une concertation aux petits oignons avec des états généraux de l’alimentation qui ont touché près de personnes. Au sortir de cette vaste consultation, quelque chose, aussi fragile qu’un poussin sortant de sa coquille et qui ressemble à un vague consensus, avait pris forme. Mais ça, c’était avant que le Parlement ne s’empare du dossier. La tentation est grande de mettre ces reculs sur le dos des lobbys. C’est une réalité : en coulisses, ils ont bataillé ferme. Mais le gouvernement a aussi tenu compte de l’angoisse des agriculteurs, inquiets par ailleurs de l’évolution de la politique agricole commune. Dès , les budgets sont annoncés en forte baisse. Un scénario cauchemardesque alors qu’un tiers des agriculteurs français vit avec moins de € pas mois, subventions comprises. Sur certains arbitrages, l’économie l’a emporté sur l’écologie. Alors que le bio ne pèse pour l’instant qu’un petit million et demi d’hectares cultivés (la région Paca reste à la pointe avec % de la surface en bio), bon nombre d’exploitants continuent à s’accrocher au modèle productiviste comme à une planche de salut. Même si les mentalités évoluent entre labours et pâtures. Derrière les discours vertueux de circonstance, chacun – et c’est humain – continue à vouloir le beurre (tant mieux s’il est bio) et l’argent du beurre (tant pis s’il est un peu plus cher). Pour le c... de la crémière, repassez plus tard.