Chez Cocteau, les «lignes de vie» de Valerio Adami
La nouvelle exposition d’été du musée Jean Cocteau – collection Séverin Wunderman met à l’honneur un artiste contemporain italien, pour un voyage à travers la mythologie et l’intimité
Le teckel qui ne le quitte jamais porte le doux nom d’Ego. Et Valerio Adami aime assurément se représenter en dessin, avant de retranscrire le résultat en peinture. Mais n’allez pas croire pour autant que l’artiste italien n’en a que pour son nombril. Les aspects personnels, qui émaillent ses oeuvres monumentales, ouvrant toujours une porte (colorée) vers l’universel. L’exposition qui lui est consacrée, tout le long de l’été, au musée Cocteau repose ainsi sur quatre thèmes forts. Que l’on pourrait volontiers décrire comme « coctaliens » : mythes et métamorphoses, portraits et autoportraits, voyages, et intimités. « Il y a une filiation assez extraordinaire avec Cocteau, qui nous est apparue de plus en plus importante à mesure que l’on travaillait sur cette exposition », souligne la responsable du musée, Françoise Leonelli. Précisant ne pas avoir voulu opter pour une progression biographique ou chronologique. Avoir choisi, en revanche, un très grand nombre d’oeuvres pour « rentrer dans le monde » de l’artiste. Qui a développé son style à compter des années soixante.
Ode à l’écriture
En franchissant le tourniquet d’entrée, chacun pourra ainsi se faufiler entre des corps très stylisés omniprésents chez l’artiste, de grands aplats de couleurs (parfois traîtres tant l’atmosphère dégagée peut être éloignée de toute joie), entre les lignes noires et les très caractéristiques lignes secondaires qui offrent aux sujets une once de relief, les lointains paysages d’Italie ou d’ailleurs. Chacun pourra aussi s’essayer au bain de foule au milieu de personnages majeurs du monde culturel. Ceux qui ont marqué Adami, mais font également partie de la mémoire collective. Giacomo Leopardi, Freud, Nietzsche, Derrida, Tabucchi, Verdi. Le médiateur en charge de la visite, Philippe Sottile, explique que c’est là « l’un des premiers souvenirs de Valerio Adami. Lors de funérailles nationales, le requiem de Verdi avait été joué. Il avait deux ans ». « Comment savez-vous tout cela ? », questionne, amusé, l’artiste. Sortant de son respectueux
silence, derrière des lunettes au cordon accordéon. « L’écriture est un bon messager », sourit le médiateur. Et de fait, Valerio Adami aime l’écriture. Au point de la faire apparaître sur ses toiles – comme calligraphiée à la plume. En cela, un parallèle évident peutêtre fait avec l’hôte Cocteau, souligne encore le guide. L’artiste français ô combien polymorphe ayant toujours voulu traiter son art sous le prisme de la poésie. Sur une toile suivante, l’inscription est latine. Res sedera verum gaudium. Référence à une devise de Sénèque écrite dans une salle de concert mythique de Leipzig. Que l’on pourrait traduire ainsi : il n’y a de vraie jouissance que dans le sérieux de la chose. «Ce pourrait être un très bon sous-titre à cette exposition », note Philippe Sottile, avant de mener le groupe dans les intimités de Valerio Adami. Des tableaux qui, au-delà de souvenirs bien dissimulés, évoquent les thèmes universels que sont le désir, l’amour, la mort, le destin de l’humanité. Et, forcément, la spiritualité. Aussi ne sera-t-on pas étonné d’apprendre que le pays qui a le plus inspiré Valerio Adami est l’Inde. « Je m’y suis toujours senti comme chez moi. Peut-être bien qu’il y a un souvenir personnel de là-bas dans chacune de mes toiles… » Menton, de son côté, réussit le pari d’inviter l’Italie dans ses murs. Sa géniale voisine. On dit même que l’une des prochaines oeuvres d’Adami – qui peint encore – pourrait être un portrait de… Cocteau. La boucle serait assurément bouclée. La ligne – si chère à l’artiste – transfigurée.