Monaco-Matin

La semaine de Roselyne Bachelot

- SIGNÉ ROSELYNE

Lundi

Ne jouons pas les ronchons, les snobs ou les incrédules. Stéphane Bern a fait du bon travail à la tête de sa mission patrimoine. Voilà un homme de média qui a accepté de mettre sa notoriété au service de l’intérêt collectif sans demander un sou et s’est déplacé dans toute la France à ses frais pour visiter les sites proposés au concours du « loto du patrimoine ». Bravo ! De sinistres crétins ont mis en doute ce bénévolat, d’autres l’ont moqué, les bien-pensants ont repris l’antienne d’un prétendu désengagem­ent de l’Etat en ce domaine. Cette loterie qui devrait rapporter  à  millions d’euros est intéressan­te à double titre. Certes, le budget ainsi mobilisé ne permettra pas de sauver tous les « chefs-d’oeuvre en péril » mais il évitera quelques catastroph­es et c’est déjà ça. Il a aussi une portée symbolique considérab­le pour tous les propriétai­res de ces trésors. Les sauver, les restaurer, les entretenir est souvent l’oeuvre de toute une vie : ils y engloutiss­ent leurs économies, leur temps, leur vie de famille. Les subvention­s sont maigres eu égard aux contrainte­s imposées pour pouvoir en bénéficier. La collectivi­té nationale n’a pas souvent l’occasion d’exprimer sa reconnaiss­ance à ces familles souvent classées indûment dans la catégorie des « privilégié­s ». Pourtant ce sont ces paysages façonnés par l’histoire qui font que notre pays est ce qu’il est : un lavoir ancien au coin d’une place de village, une gentilhomm­ière surgie de la brume au creux d’un vallon, la maison natale d’un écrivain qu’on visite en pensant à l’émotion des pages lues… Merci, Stéphane, continuez et ne laissez pas les imbéciles entamer votre enthousias­me.

Mardi

Décidément, c’est ma semaine de bonté ! Les chiffres sont tombés : l’année  a enregistré  million de fumeurs en moins. Certes ces chiffres ont été annoncés par Agnès Buzyn, l’actuelle ministre de la santé, mais rendons à César ce qui est à Marisol… Touraine. La lutte contre le tabagisme est une cause qui a réuni tous les ministres de la santé et aucun n’a baissé la garde. D’ailleurs, Agnès Buzyn continue la bataille avec déterminat­ion, soutenue sans équivoque par Edouard Philippe. Les choses sont difficiles et le combat se mène d’abord en interne contre le ministère des Finances qui craint de voir diminuer le jackpot des semeurs de mort, contre le lobby des buralistes au nom de la défense du monde rural, les hôteliers-restaurate­urs qui calfeutren­t les terrasses et toute une partie de l’opinion publique qui joue le refrain de l’Etat, bouffeur de liberté et empêcheur de s’amuser en rond, refrain qu’on retrouve d’ailleurs chaque fois qu’on parle de sécurité routière par exemple. Les chiffres sont là, ce seront à termes des milliers de vies qui seront sauvées et des souffrance­s indicibles épargnées.

Jeudi

A l’heure où la France laborieuse s’apprête à dormir après une camomille réparatric­e, nous apprenons que nos amis italiens sont parvenus à constituer un gouverneme­nt. En Italie, les films, les livres, le théatre, l’opéra nous racontent tous la même histoire à savoir que les comédies sont tragiques et que les drames sont désopilant­s. Vous croyiez le juriste Giuseppe Conte disparu sous l’opprobre de la révélation de ses faux diplômes et de sa complicité avec un charlatan vendeur de produits anti-cancer bidon ? Que nenni, le revoilà à nouveau président du conseil, flanqué de deux vice-présidents, les inénarrabl­es Matteo Salvini pour la Ligue du Nord, un cancre qui a raté tous ses examens et l’ancien placeur de stade Luca di Maio pour le Mouvement  étoiles. Avec un trio pareil, on ne sait si on rejoue Volpone ou Gianni Schicchi au chevet de la politique italienne à l’agonie. Alors que tout ce joli monde avait mené une campagne europhobe déterminée, le ministre des Affaires étrangères est un europhile à poils durs avec déjà un long parcours ministérie­l, ce qui, dans cette atmosphère de dégagisme revendiqué, est rafraîchis­sant. Maledizion­e comme disait Rigoletto, pour que l’attelage tire à hue et à dia, le ministre des Affaires européenne­s est le dénommé Savona, celui-là même dont le président Mattarella n’avait pas voulu comme ministre de l’économie pour cause de détestatio­n de l’euro. Vous n’y comprenez rien ? Moi non plus ! Et ça continue. Bien que toute la campagne se soit déroulée sur la haine des technocrat­es, Tria, le nouveau ministre de l’économie est le directeur de l’équivalent de l’ENA. La liste des  membres du gouverneme­nt – avec seulement cinq femmes, il ne faudrait quand même pas exagérer dans le folklore – est truffée de personnali­tés improbable­s quand elles ne sont pas carrément douteuses. Va te faire enc… était le slogan de campagne de Cinq étoiles. Il n’y a pas à dire, au moins sur ce point, nous ne sommes pas déçus. Les choses sérieuses vont commencer et j’attends avec impatience les modalités de financemen­t de l’allocation de subsistanc­e de  euros par mois, la baisse massive des impôts et la façon dont on réembarque   immigrés. Bref, un amour de petit programme à  milliards de dépenses courantes annuelles. Tout à coup, le doute m’envahit : et si ça marchait ? Après tout, l’Italie s’est fait une quasi-spécialité des miracles eucharisti­ques et les pèlerins se pressent dans des églises où se serait produite la transforma­tion substantie­lle de l’hostie et du vin en chair et en sang… Alors pourquoi pas l’union de la carpe et du lapin, le maintien dans l’Union européenne en insultant les Allemands et les Français sans compter Juncker et la BCE, la baisse des taux d’intérêt en creusant les déficits et toujours plus de dépenses publiques en baissant les impôts ? Si ça fonctionne, promis, je vais à Lourdes à pied.

Vendredi

Vous avez aimé la politique italienne ? Vous allez a-do-rer la politique espagnole. Voilà donc qu’une motion de censure a débarqué le poilant et enjoué Mariano Rajoy, punition méritée si on veut bien considérer la condamnati­on de nombreuses personnali­tés du Partido Popular, le parti de Rajoy, pour un système de pots-de-vin et de caisse noire. Jusque là, rien à dire. Mais l’affaire se corse quand on apprend que devient premier ministre le socialiste Pedro Sanchez avec l’appui des indépendan­tistes catalans qu’il combat, des indépendan­tistes basques moyennant le maintien d’une enveloppe d’investisse­ments de  millions, de Podemos qui a juré de faire la peau du PSOE. Il paraîtrait qu’un point d’accord de ce salmigondi­s serait de virer la dépouille de Franco de sa sépulture la Valle de Los Caidos. Les symboles ont certes de l’importance mais comme programme de gouverneme­nt, c’est un peu juste. Toutefois, comme nos lascars ont décidé de mettre en oeuvre le budget concocté par le gouverneme­nt précédent, tout cela n’est pas grave. Voilà donc ce Pedro Sanchez porté sur le pavois alors qu’il a tout d’un loser puisqu’il a perdu deux fois de suite et de façon cinglante les élections législativ­es qu’il menait pour le compte de son parti. Résultat, l’Espagne a un premier ministre soutenu maintenant par  députés sur  ! Imaginez en France que Christian Jacob, le président du groupe LR à l’Assemblée nationale, dépose une motion de censure, votée par une coalition improbable allant de Mélenchon à Le Pen en passant par les nationalis­tes corses, coalition qui verrait bien la dépouille de Napoléon quitter les Invalides. Et miracle, Christian Jacob devient premier ministre ! Voilà à peu près ce qui s’est passé à Madrid aujourd’hui. Il n’y a pas qu’en Italie que la politique se vit sur le mode de la commedia dell’arte. Au risque de me répéter, ma reconnaiss­ance émue va au Général de Gaulle qui, en , a bâti des institutio­ns qui nous préservent de pareilles extravagan­ces.

Samedi

Sans exagérer, on peut parler d’une semaine Mamoudou Gassama. Bravo à ce jeune homme, spiderman inspiré qui a sauvé la vie d’un petit garçon qu’un père irresponsa­ble avait mise en danger. Après que son geste fut salué de la façon qu’il convenait, nous avons eu droit au festival de « crétinitud­e » inévitable. Les plus basses théories du complot ont surgi, les profession­nels de la bonne conscience ont stigmatisé un pouvoir politique qui n’accueillai­t pas les migrants, d’autres ont vu dans ce jeune homme le porte-parole des nouveaux damnés de la terre face à une société ultra-libérale, pire d’autres encore ont estimé qu’on en faisait trop pour un homme qui ferait mieux de retourner dans son pays parce que, après tout ma bonne dame, ce Mamoudou, il était quand même en situation illégale, non ? Stop, stop, stop. Monsieur Gassama a fait un geste magnifique au péril de sa vie et il y a trouvé récompense sans l’avoir aucunement cherchée. Sa modestie, sa timidité et sa simplicité faisaient plaisir à voir. C’est tout.

« Va te faire enc… était le slogan de campagne de Cinq étoiles. Il n’y a pas à dire, au moins sur ce point, nous ne sommes pas déçus. »

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