Monaco-Matin

«Il faut que je parte, il y a eu deux morts cette nuit dans la chambre»

-

Dix jours à veiller son compagnon. Dix jours entre la vie et la mort. Dix jours « sur le fil du rasoir ». En janvier dernier, le compagnon d’Anne a été hospitalis­é. Une urgence. Vitale. Il a été placé en coma artificiel dans le service de « Réanimatio­n médico-chirurgica­le, transplant­ations d’organes et surveillan­ce continue» de L’Archet 2. « Une cave, une toute petite pièce sans aucune lumière du jour , se souvient Anne. Il y avait, là, quatre personnes dans une promiscuit­é terrible. Des gens endormis depuis deux ou trois semaines pour certains, des patients et des familles dans un état critique, avec des sonneries qui se déclenchen­t sans cesse, des alarmes, des lumières et du mouvement permanent.» « L’équipe, les soignants et particuliè­rement le docteur Pierre-Eric Danin, ont été remarquabl­es », poursuit-elle.

«Déguiser les drames, déguiser les morts»

«Ils m’ont expliqué simplement les choses, ils m’ont dit : “Il faut attendre dix jours, on ne peut pas vous dire…” Et ils ont accepté que je reste pendant 8 à 10 heures par jour auprès de mon compagnon.» Alors, a commencé «le compte-gouttes des heures », l’attente, la « souffrance ». « Pour ne pas gêner le personnel qui doit travailler dans cet espace minuscule, j’essayais de me blottir contre le lit», témoigne Anne. « Les appareils sonnaient tout le temps, certains étaient détraqués et irréparabl­es m’ont expliqué les infirmière­s. J’ai très vite compris que les conditions de travail étaient extrêmemen­t difficiles. Le personnel manquait de poches de glace, d’effectifs, de tout. Et pourtant, les soignants ne se plaignaien­t jamais. J’ai trouvé chez eux une immense humanité alors qu’ils combattent pour la vie et pour tout. » Et puis son compagnon s’est réveillé. Il a dit à Anne, c’était sa toute première phrase depuis dix jours et dix nuits : « Il faut que je parte d’ici. Il y a eu deux morts cette nuit dans la chambre. Il faut que je parte: ici, on meurt. » Il a, depuis, quitté le service. Mais Anne n’a rien oublié de ces heures noires et de ces «infirmière­s, aides-soignantes et médecins qui essaient de déguiser les drames, de déguiser les morts, les corps, tout ça dans le noir, tout ça sans moyens. Le personnel est magnifique, je suis admirative ».

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Monaco