«Le docteur Pierre-Eric Danin est un lanceur d’alerte»
En décembre , Jean-Louis Mégnien, cardiologue, s’est jeté par la fenêtre de son bureau au étage de l’hôpital GeorgesPompidou de Paris. Un suicide qui a brisé le tabou du harcèlement et des méthodes de management parfois violentes à l’hôpital. Après ce drame, le professeur Philippe Halimi a créé une association pour défendre la mémoire de son ami et porter assistance, aide et conseil aux personnels de soins en souffrance
C’est l’omertà à l’hôpital? Les langues commencent à se délier mais cela reste compliqué. On a reçu récemment soixante-dix signalements de maltraitance en France. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Certains ont peur de parler. La loi qui protège les lanceurs d’alerte n’est pas respectée. Quand vous dénoncez un dysfonctionnement à l’hôpital, il peut vous arriver des choses épouvantables.
C’est ce qui s’est passé pour le docteur Pierre-Eric Danin? Il a été écarté parce qu’il a parlé. En dénonçant les conditions de travail et de soins de son service, il a pourtant fait son travail de médecin vis-à-vis de son équipe et des patients: il a voulu les protéger. Pierre-Eric Danin a été un lanceur d’alerte et il a été mis sur la touche par un directeur omnipotent. On a décidé de le mettre hors jeu contre l’avis de beaucoup de ses collègues et du doyen. C’est un médecin très talentueux, dévoué à l’hôpital, reconnu par ses pairs, reconnu pour ses qualités pédagogiques. Son départ a des conséquences sur les patients, sur l’équipe. On met aussi en difficulté les internes de la région qui veulent se spécialiser en soins intensifs. On a tous les éléments pour dire que c’est une mauvaise décision de Charles Guepratte.
Une médiation a été proposée… Le médiateur national – Édouard Couty, nommé par Marisol Touraine quand elle était ministre – a été saisi. Il a demandé au directeur général du CHU de Nice d’intervenir pour analyser la situation et pour faire des propositions qui protégeraient les intérêts du CHU, des patients et du personnel. Mais Charles Guepratte a refusé la médiation. Il a dit: “Circulez, y a rien à voir!”
Les directeurs ont le droit de refuser l’intervention du médiateur? C’est arrivé également à Bordeaux où le directeur a refusé une médiation et les recommandations de deux enquêtes de l’IGAS Il y a des directeurs qui agissent de façon individuelle et indépendante des logiques de tutelle. Nous avons vu, cette semaine, le conseiller spécial de la ministre de la Santé pour demander qu’ils soient remis à leur place.
Vous voulez réformer en profondeur le système de management de l’hôpital public? On souhaite un management moins violent. On veut modifier la loi HPST de qui donne des pouvoirs exorbitants aux directeurs et supprime les contrepouvoirs. Nous faisons des propositions aux politiques et auprès de la tutelle.
À Nice, comment sortir de la crise? La situation est complètement bloquée. Nous avons alerté les autorités, le déblocage ne peut venir que du ministère. Derrière le cas de Pierre-Eric Danin, il y a une équipe, un CHU en souffrance et des patients dont la qualité de prise en charge peut être remise en cause. (1)Associationjeanlouismegnien.fr (2) Inspection générale des affaires sociales. (3) Loi «Hôpital, Patients, Santé et Territoires » du 21 juillet 2009